Frappes sur des secteurs jihadistes en Syrie, 150.000 déplacés en une semaine

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Par Omar HAJJ KADOUR - Kafranbel (Syrie) (AFP)
Publié le 07 mai 2019 - 14:28
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Un enfant au milieu des ruines d'un bâtiment dans le village de Rabaa Jour, situé dans l'ultime bastion jihadiste du nord-ouest de la Syrie, le 6 mai 2019
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© OMAR HAJ KADOUR / AFP
Un enfant au milieu des ruines d'un bâtiment dans le village de Rabaa Jour, situé dans l'ultime bastion jihadiste du nord-ouest de la Syrie, le 6 mai 2019
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Plus de 150.000 personnes ont fui en une semaine des secteurs tenus par des jihadistes dans le nord-ouest de la Syrie, où les forces du régime de Bachar al-Assad et de l'allié russe ont intensifié leurs frappes meurtrières.

Mardi, 13 civils ont été tués, principalement dans des raids aériens du régime ou de son allié russe contre des villages de la province d'Idleb ou de la province voisine de Hama, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Dominé par Hayat Tahrir al-Cham (HTS), l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, la province d'Idleb est le dernier grand bastion jihadiste à échapper au pouvoir syrien, après plus de huit ans d'un conflit dévastateur.

La moitié des quelque trois millions d'habitants de la province sont des déplacés, échoués à Idleb après avoir fui d'autres bastions rebelles ou jihadistes reconquis par le pouvoir et ses alliés.

Ces dernières semaines, les forces prorégime et celles de Russie ont intensifié leurs frappes aériennes contre certains secteurs aux mains du HTS dans les provinces d'Idleb et de Hama.

En une semaine, "plus de 152.000 femmes, enfants et hommes ont été déplacés", a indiqué à l'AFP un porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), David Swanson.

"Nous nous alarmons des informations concernant des attaques aériennes sur des centres de population et des infrastructures civiles, qui ont fait des centaines de morts et de blessés parmi les civils", a-t-il déploré.

Les raids ont mis hors-service 12 hôpitaux et dix écoles depuis fin avril, selon un communiqué d'Ocha.

Cette escalade est la plus grave depuis que Moscou et Ankara, parrain de certains groupes rebelles, ont dévoilé en septembre 2018 un accord sur une "zone démilitarisée", qui devait séparer les territoires insurgés des zones gouvernementales dans la région et éviter une offensive du régime.

Mardi encore, des dizaines de véhicules et de camionnettes, transportant femmes et enfants coincés entre les matelas et les piles d'effets personnels emportés à la hâte, ont fui le sud d'Idleb en direction du nord, relativement épargné et également sous contrôle de HTS, selon un correspondant de l'AFP sur place.

Certains partent sur leurs tracteurs, emportant avec eux leur bétail.

- "La plus terrifiante" -

c'est la troisième fois qu'Abou Ahmed se retrouve déplacé par le conflit, après avoir fui un village du sud d'Idleb avec sa femme et leurs trois enfants.

"Cette fois-ci, c'était la plus terrifiante. Les avions n'ont pas arrêté, ni les obus", dit le quadragénaire. "On a encore une longue route, on ne sait pas où on va, mais on veut en finir avec les bombardements".

Le président français Emmanuel Macron a exprimé son "extrême préoccupation" face à "l'escalade de violence" et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a réclamé une "désescalade urgente".

Entre le 29 avril et le 6 mai, au moins 12 installations médicales ont été touchées par des raids, "endommageant des infrastructures qui fournissaient des services de santé essentiels à plus de 100.000 personnes", a déploré Ocha dans son communiqué.

Trois travailleurs médicaux ont été tués dans ces attaques, d'après l'ONU.

Dans la province de Lattaquié, bastion du régime Assad jouxtant Idleb, les jihadistes de Houras al-Din, groupuscule lié à Al-Qaïda, ont lancé plusieurs assauts contre des positions du régime. Neuf combattants loyalistes et trois assaillants ont péri, selon l'OSDH.

- "Offensive limitée" -

Appuyé par la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais, le pouvoir a multiplié ces dernières années les victoires face aux insurgés et jihadistes, jusqu'à asseoir son contrôle sur près des deux-tiers du pays.

A maintes reprises, il a martelé sa détermination à reconquérir toute la Syrie, déchirée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 370.000 morts et laissé des villes et des régions entières en ruines.

Aron Lund, expert du think-tank The Century Foundation, n'exclut pas "une offensive limitée à Idleb, grignotant certains secteurs", dans l'objectif "d'affaiblir HTS" ou d'obtenir "des concessions".

Un scénario d'autant plus plausible que deux autoroutes passant par Idleb -reliant les territoires aux mains du régime à Alep (nord), Hama (centre) et Lattaquié (nord-ouest)- n'ont pu rouvrir jusque-là.

L'expert Fabrice Balanche envisage lui aussi une offensive. "La partie nord (d'Idleb) restera encore pour quelque temps un fief de HTS adossé à la frontière turque" mais "l'armée syrienne aura plus de facilité à reprendre le sud".

Et rétablir la circulation sur les deux autoroutes permettra de redonner une bouffée d'oxygène à Alep qui selon M. Balanche "demeure isolée car privée de la plus grande partie de son arrière-pays et mal reliée au reste de la Syrie".

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