Pour Marine Le Pen, "l'Europe n'est forte que de nations fortes"

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Par Christophe SCHMIDT, Anne RENAUT - Paris (AFP)
Publié le 16 mai 2019 - 16:25
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La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, pose dans son bureau à l'Assemblée nationale le 15 mai 2019
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
"L'Europe n'est forte que de nations fortes", estime Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, à une semaine des élections européennes en vue desquelles sa liste est au coude-à-coude avec celle de la République en marche.
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"L'Europe n'est forte que de nations fortes", estime Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, à une semaine des élections européennes en vue desquelles sa liste est au coude-à-coude avec celle de la République en marche.

Q: Quelle Europe défendez-vous face aux grandes puissances comme les Etats-Unis ou la Chine ?

L'Europe n'est forte que de nations fortes. Si les nations sont faibles, on a une structure impotente et inefficace. Donc je suggère une Europe des coopérations, des projets, l'Europe d'Airbus, d'Ariane. Sans être forcés parce qu'à chaque fois qu'on force une nation, on force la démocratie.

Les nations tirent leur puissance de leur diversité. Le problème de l'UE, c'est qu'elle se conçoit comme un empire. Or tout empire a vocation à l'harmonisation, à la normalisation comme sous l'Union soviétique.

Donc on est face à deux modèles fondamentalement inverses : l'harmonisation voulue par Emmanuel Macron y compris forcée, et l'Europe des nations.

Q: Si vous ne sortez plus de l'euro, comment changez-vous l'Europe de l'intérieur ?

Avant, nous étions très seuls sur la scène européenne. Mais en l'espace de quelques mois, toute une série de forces politiques qui pensent comme nous sont montées en puissance, ce qui nous permet d'envisager de transformer l'Union européenne en Alliance européenne des nations.

Jamais dans l'histoire du Parlement européen, un groupe politique va passer de la 8e à la 3e ou à la 2e place. C'est historique. Mais il n'y a pas qu'au Parlement que les choses vont changer. Vous ne croyez pas que l'ambiance à la table de la Commission va changer? Avec des commissaires italien, autrichien, danois, ou estonien? Et au Conseil, où les gouvernements critiques avec le fonctionnement de l'UE ne vont pas avoir le même comportement.

Il faut l'unanimité (pour réformer les traités), oui, d'un côté comme de l'autre. Il va peut-être falloir effectivement que s'engagent les négociations pour que l'avis des peuples soit respecté, et c'est là où commence le grand travail de construction de l'alternance européenne que nous souhaitons.

Q: Plusieurs de vos alliés sont au pouvoir. Ne craignez-vous pas perdre de votre influence au sein de l'extrême droite européenne ?

Je conteste formellement cette formulation d'extrême droite. Ces mouvements ne sont pas d'extrême droite, ce sont des mouvements patriotes qui défendent la souveraineté de leur nation.

Deuxièmement, nous ne sommes pas en concurrence. Nous sommes des alliés, et accessoirement des amis. Donc chacun fait au mieux dans la situation qui est la sienne. Evidemment que Matteo Salvini, comme ministre italien de l'Intérieur, a plus de facilité à parler peut-être avec monsieur Orban. Tant mieux.

Le supergroupe, il existera avec ou sans M. Orban, même si ça aurait une cohérence. Dans ce super groupe il y a déjà trois grandes nations, l'Italie, l'Allemagne et la France, représentées. Ce n'est même pas le cas aujourd'hui du groupe qu'envisage Emmanuel Macron, où il n'a pas d'allié allemand.

Q: Certains de vos alliés se méfient de la Russie, d'autres veulent sortir de l'UE, l'AfD allemande est moins protectionniste que vous. Comment dépasser ces divergences ?

Il y a des structures internationales, dans lequel on coopère entre nations mais je ne crois pas du tout qu'il faille une diplomatie européenne. Si des pays comme l'Estonie ne veulent pas avoir de relations avec la Russie, ils en ont la liberté.

Quant à ceux qui veulent sortir de l'UE, il n'y en a pas tant que ça et ils ne vont pas s'opposer à une amélioration de la gouvernance de l'euro.

Et chacun fait ce qu'il veut chez lui. Ce n'est pas à moi d'essayer d'imposer mon modèle à l'Allemagne. Elle fait des choix fiscaux qui correspondent à ses intérêts. Nous, nous avons une autre structuration de notre économie, avec les services publics.

Q: Si vous êtes derrière Macron le 26 mai, ne perdrez-vous pas en crédibilité à la tête du RN ?

Non puisque nous sommes déjà le premier parti de France. La liste emmenée par madame Loiseau est une coalition de quatre mouvements politiques.

La présidentielle est un autre combat. Ce seront les adhérents du RN qui décideront, le moment venu, qui est le mieux placé au sein du mouvement pour porter ce combat.

Evidemment que je serai déçue (si le RN est derrière LREM). Je me bats pour gagner. Mais ça ne changera pas grand chose au Parlement européen. Au niveau national c'est très important, parce que Emmanuel Macron, s'il arrive en tête, il va en tirer une illusion de légitimité à engager ce qu'il appelle l'acte II de son quinquennat et qui m'apparaît contenir des dangers majeurs.

Q: Pensez-vous que la contestation des "gilets jaunes" va se traduire dans les urnes, y compris à votre profit ?

Les "gilets jaunes" c'est un mouvement transpartis. Sur les ronds-points, tout le monde s'en fiche de savoir l'étiquette des uns et des autres. Ce qui a fédéré, c'est la contestation de la politique d'Emmanuel Macron et de la philosophie qui sous-tend cette contestation, la concurrence de tous contre tous.

Il y a un an, le RN était à 13% ou 14%, LR à 13% et la République en marche à 28%. Est-ce qu'il y a eu traduction politique (du mouvement des +gilets jaunes+) ? Peut-être. Est-ce que c'est autre chose, je n'en sais rien.

Ceux qui ont exprimé une contestation à l'égard d'Emmanuel Macron, ils viendront voter le 26 mai parce qu'ils ont compris que c'est la dernière sortie avant l'autoroute. Après il sera trop tard.

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