Au Brésil, polémique autour d'une stérilisation "forcée"

Auteur:
 
Par Sebastian Smith - Rio de Janeiro (AFP)
Publié le 14 juin 2018 - 08:45
Image
Manifestation contre les violences faites aux femmes, le 28 novembre 2017 à Rio de Janeiro, au Brésil
Crédits
© LEO CORREA / AFP/Archives
Manifestation contre les violences faites aux femmes, le 28 novembre 2017 à Rio de Janeiro, au Brésil
© LEO CORREA / AFP/Archives

Une dénonciation de "stérilisation forcée" d'une femme toxicomane a mis le feu aux poudres au Brésil, pays où l'un des favoris à la présidentielle tient des propos controversés sur le contrôle des naissances.

Le juge Djalma Moreira Gomes, de Mococa, près de Sao Paulo, a décidé en octobre dernier que Janaina Aperecida Quirino, mère de sept enfants et enceinte du huitième, devait se faire stériliser. Mais il assure que l'intéressée était consentante.

Une version rejetée par le professeur de droit constitutionnel Oscar Vilhena, qui a révélé l'affaire au grand jour dans une tribune publiée le week-end dernier dans le journal Folha de S. Paulo.

Selon lui, la femme, qu'il présente comme une "sans-abri", n'a jamais accepté de se faire stériliser.

Quand un tribunal d'appel s'est saisi de l'affaire, "la mutilation avait déjà eu lieu", a-t-il ajouté.

L'Institut de garanties pénales (IGP), ONG fondée par des avocats, s'est également insurgé, comparant la situation de cette Brésilienne à celle du roman "Le Procès", de Franz Kafka, qui raconte l'histoire d'un homme jugé sans qu'il sache de quoi il est accusé.

"Janaina s'est réveillée en garde à vue, face à des gens qu'elle ne connaissait pas, pour comparaître pour une affaire dont elle n'avait pas été informée", a affirmé l'IGP.

- "Traitée comme une chose" -

Après la forte répercussion de la tribune du professeur Vilhena, le juge Gomes a assuré dans un texte publié sur le site d'une association de magistrats que la femme "n'était pas sans-abri" et qu'elle avait consenti à être stérilisée dans un document officiel signé de sa main.

"Elle a manifesté son consentement" avant l'opération de ligature des trompes, a affirmé le magistrat.

"L'environnement familial est caractérisé par la toxicomanie des parents, leurs refus de suivre des traitements et les agressions physiques au sein du couple et contre les enfants", a-t-il ajouté, pour justifier sa décision.

Mais de nombreux éléments-clés de l'affaire restent troubles, y compris les dates. La décision judiciaire d'opérer date d'octobre 2017, quand Janaina Aperecida Quirino était enceinte de son huitième enfant, et l'opération a eu lieu après la naissance.

Et le document officiel qu'elle aurait signé et qui a été présenté par le juge reproduit dans la presse brésilienne, date de juin 2015.

D'après le bureau du magistrat, un rapport psychologique attesterait également de son consentement, mais cette pièce jointe au dossier est sous secret judiciaire.

L'affaire a suscité un vif débat au Brésil, l'IGP assimilant cette "stérilisation forcée à de l'eugénisme, comme ce qu'on fait pour les animaux".

"Elle a était traitée comme un objet, une chose", a renchéri un autre groupe de défense des droits de l'Homme, l'association des Avocats brésiliens pour la démocratie.

- "Sauver du chaos" -

Mais d'autres personnalités pensent tout le contraire, comme Janaina Paschoal, juriste de renom, connue pour son rôle dans la destitution controversée de la présidente de gauche Dilma Rousseff en 2016.

"Si j'étais le juge, j'aurais pris la même décision. Quelqu'un doit se préoccuper du sort des enfants", a-t-elle commenté sur Twitter.

Pour elle, "si le juge lui avait donné l'autorisation préalable d'avorter, il aurait été applaudi, mais l'avortement est une mesure bien plus drastique que la stérilisation".

Au Brésil, l'IVG est autorisé uniquement en cas de viol, risque pour la mère ou grave malformation du foetus.

Un des principaux favoris à la présidentielle d'octobre, le député d'extrême droite Jair Bolsonaro, mène un combat de longue date au Parlement pour assouplir les lois sur la stérilisation, réclamant notamment la fin de l'âge minimum de 25 ans et de la nécessité de consentement du conjoint.

En 2008, il avait affirmé que "seul le contrôle de la natalité peut nous sauver du chaos".

Un de ses fils, le conseiller municipal de Rio Carlos Bolsonaro, a publié cette semaine une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il considère "ridicule" les accusations des médias selon lesquelles son père est en faveur d'une stérilisation des plus pauvres.

"Jair Bolsonaro veut faire passer une loi qui permet de faciliter la vasectomie ou la ligature des trompes", pour mettre fin aux "obstacles bureaucratiques" pour ceux qui voudraient avoir accès à ces méthodes de stérilisation, a-t-il affirmé.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.