Brésil : l'ascension de Bolsonaro, un "film d'horreur" pour une victime de la torture

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Par Marie HOSPITAL et Louis GENOT - Rio de Janeiro (AFP)
Publié le 25 octobre 2018 - 12:52
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Des partisans du candidat d'extrême droite à la présidentielle Jair Bolsonaro lors d'un rassemblement, le 21 octobre 2018 à Rio de Janeiro, au Brésil
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© CARL DE SOUZA / AFP/Archives
Des partisans du candidat d'extrême droite à la présidentielle Jair Bolsonaro lors d'un rassemblement, le 21 octobre 2018 à Rio de Janeiro, au Brésil
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Torturée pendant la dictature militaire au Brésil, Cecilia Coimbra a l'impression de "vivre un film d'horreur" en voyant le candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro, nostalgique affiché des années de plomb (1964-1985), arriver en grand favori de la présidentielle dimanche.

Fondatrice de l'association Tortura nunca mais (Torture plus jamais), cette psychologue de 77 ans affirme dans un entretien à l'AFP avoir "peur pour le peuple brésilien" en cas de victoire de l'ex-capitaine de l'armée qui fait régulièrement l'éloge de tortionnaires.

Q: Comment pouvez-vous décrire la torture dont vous avez été victime?

R: "C'était d'une horreur inimaginable. Inimaginable et indicible. On a beau la décrire, on n'arrive pas à rendre compte d'une telle horreur. Je pensais que c'était un cauchemar. Je n'ai jamais fait partie d'un groupe armé, mais je les aidais, certains membres se cachaient chez moi. En août 1970, les autorités ont reçu une dénonciation anonyme et m'ont embarquée avec mon mari. Je suis restée enfermée trois mois et demi, sans aucune accusation formelle. Il y avait aussi la torture morale: ils m'ont fait croire que mon fils avait été placé dans un orphelinat, ce qui n'était pas vrai. Je n'ai pas vu une seule fois la lumière du soleil, je ne sortais de ma cellule que pour aller dans ce qu'ils appelaient la +salle mauve+, où ils me torturaient".

Q: Quelle était l'attitude des tortionnaires?

R: "C'était une torture extrêmement machiste. Les femmes étaient déshabillées et insultées sans cesse. Et quand un couple était arrêté, comme c'était mon cas, nous étions souvent torturés en présence de notre conjoint. Un jour, ils ont pris un bébé crocodile qu'ils ont promené le long de mon corps nu (qui était) attaché à une chaise. La gégène, c'était une douleur indescriptible. J'étais mouillée, pour que les décharges soient plus intenses. Un bout de fil est fixé au doigt et l'autre sur les parties les plus sensibles du corps: le nez, le vagin, les mamelons... Ils me torturaient parce qu'ils n'avaient rien de mieux à faire".

Q: Quel est votre état d'esprit quand vous voyez que Jair Bolsonaro est en passe de devenir président du Brésil?

R: "J'ai l'impression de vivre un film d'horreur. Je me dis à nouveau que c'est un cauchemar, que ce n'est pas possible que tout cela soit de retour, d'une façon si brutale. Qu'il gagne ou non, ce qui se passe en ce moment au Brésil est très dangereux. L'ombre du fascisme plane sur nous, avec une vague d'intolérance et de fondamentalisme. Et s'il gagne, ce sera l'institutionnalisation de ce fascisme. J'ai peur pour les Noirs, les Indiens, les homosexuels... J'ai peur aussi pour mes enfants, mes petits-enfants, mais je ne vais pas me taire, je n'ai aucune intention de quitter le pays. D'ailleurs je ne l'avais pas quitté à l'époque... Je dois trouver la force de continuer à résister. Nous (les victimes de la torture) savons à quel point nous jouons un rôle important pour montrer les dangers que nous encourons, les dangers pour la démocratie".

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