A Chypre, un "match de la paix" entre communautés grecque et turque

Auteur:
 
Par AFP - Pyla
Publié le 19 mars 2019 - 22:14
Mis à jour le 20 mars 2019 - 09:40
Image
Des footballeurs chypriotes grecs et turcs réunis au sein de la même équipe lors d'un match à Pyla, à Chypre, le 19 mars 2019
Crédits
© Matthieu CLAVEL / AFP
Des footballeurs chypriotes grecs et turcs réunis au sein de la même équipe lors d'un match à Pyla, à Chypre, le 19 mars 2019
© Matthieu CLAVEL / AFP

Plan de paix de l'ONU, entrée dans l'Union européenne...: malgré des décennies d'efforts internationaux, l'île de Chypre demeure un territoire profondément divisé. Mardi, joueurs de football chypriote-grecs et turcs ont toutefois partagé le même maillot, symboliquement, le temps d'un "match de la paix".

Dans un geste là aussi symbolique, cette rencontre, la deuxième du genre seulement depuis la partition de l'île en 1974, s'est déroulée dans l'un des rares villages mixtes de l'île, à Pyla (sud-est), sous les yeux de l'ancien international ivoirien Didier Drogba, vice-président de l'association "Peace and Sport", à l'origine du projet.

Si le score -- 1-0 pour les Grecs-- est anecdotique, "c'était un match de paix. Le but était de montrer qu'il n'y a pas de problèmes entre nous", commente Yasin Kurt, le capitaine du club chypriote-turc de Magusa Türk Gücü.

Après une première période à s'étalonner face au club chypriote-grec de Nea Salamina Famagouste (originaire d'une ville du nord de l'île et délocalisé à Larnaca dans le sud après la partition), les deux formations ont mélangé leurs effectifs, constituant des équipes mixtes inédites.

A l'année, ces joueurs, bien que vivant sur la même île et partageant la même passion, ne se côtoient jamais: l'une évolue en République de Chypre (sud), l'autre se trouve sur le territoire de la République turque de Chypre nord (RTCN), autoproclamée et reconnue uniquement par Ankara.

Au milieu, l'ONU veille sur une "zone tampon", hermétiquement fermée jusqu'à l'ouverture de points de passage à partir de 2003.

Yasin Kurt, le capitaine de Magusa Türk Gücü, espère une multiplication des initiatives de ce type, "qui enseignent le fair-play et l'amitié".

Il faut qu'elles aient "lieu plus souvent" et "que nos enfants en profitent", dit-il.

- "Le sport pas la politique" -

Au-delà de cette rencontre, l'association "Peace and Sport" a animé des ateliers communs pour des écoliers des deux communautés.

Yiasemi, 9 ans, vêtu d'un maillot rouge, couleur de l'équipe chypriote grecque, se réjouit de s'être fait de nouveaux amis.

"Je ne leur ai pas demandé d'où ils venaient, juste leurs prénoms, pour pouvoir m'entraîner avec eux", raconte-t-il.

Non loin de lui, arborant un maillot vert, Jafar, né du côté turc, se montre davantage tourné vers l'esprit de compétition: "peu importe si je joue avec mes amis ou pas, ce que je préfère, c'est gagner!", clame-t-il.

"Bien sûr qu'ils préfèrent gagner, mais en leur enseignant la tolérance, on leur apprend à respecter l'adversaire qui a perdu", affirme pour sa part Didier Drogba, ancien joueur vedette de Chelsea --un des clubs européens les plus populaires à Chypre--, qui a lui-même animé un atelier.

En tribune, difficile toutefois pour Aysa de ne pas soupirer quand l'arbitre siffle une faute contre un joueur chypriote-turc.

"Je suis là pour le sport, pas pour la politique, on ne devrait pas mélanger", explique-t-elle.

- "Statu quo actuel" -

Si l'initiative peut paraître largement moins spectaculaire que celle des récents jeux Olympiques d'hiver, au cours desquels sportifs nord et sud-coréens avaient défilé ensemble, c'est pourtant bien de politique dont il a été question mardi.

"Le sport peut être un moyen, particulièrement pour la jeunesse, de créer les conditions nécessaires à la (...) réunification", a jugé Elizabeth Spehar, représentante spéciale et cheffe de la Force des Nations unies à Chypre (Unficyp), présente lors de l'évènement.

Assis au premier rang, le président chypriote-grec, Nicos Anastasiades, a ensuite pris la parole, arguant que le "statu quo actuel" sur l'île n'était "pas une option viable".

Preuve que la partie reste toutefois loin d'être gagnée, ce rendez-vous a aussi été marqué par l'absence du dirigeant chypriote-turc, Mustafa Akinci, pourtant annoncé.

Interrogé par des journalistes à Nicosie-Nord, M. Akinci a justifié cette absence par un changement de programme inacceptable.

Il a affirmé que si le match avait eu lieu dans la "zone tampon" --comme cela le lui avait été présenté par Peace and Sport-- et non du côté grec de Pyla, les deux parties auraient été "traitées équitablement".

Interrogé sur cette absence, Didier Drogba a dit souhaiter que les dirigeants chypriotes parviennent à l'avenir à dépasser leurs différences et mettre leur fierté de côté, réaffirmant que le sport pouvait être d'une grande aide.

"J'y crois", a-t-il ajouté, en convoquant son histoire personnelle.

En 2005, l'ex buteur de l'Olympique de Marseille avait fait sensation au terme d'un match de la Côte d'Ivoire en appelant tous ses coéquipiers à s'agenouiller et à prier pour que les leaders rivaux ivoiriens "déposent les armes et entament un dialogue pour la paix".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.