Deux femmes Nobel repoussent le plafond de verre, mais tout n'est pas gagné

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Par Patrick GALEY, Laurence COUSTAL - Paris (AFP)
Publié le 03 octobre 2018 - 21:53
Mis à jour le 04 octobre 2018 - 16:50
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Donna Strickland (c) célèbre son prix Nobel de physique avec ses collègues et étudiants de l'université de Waterloo, le 2 octobre 2018 au Canada
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© Geoff Robins / AFP
Donna Strickland (c) célèbre son prix Nobel de physique avec ses collègues et étudiants de l'université de Waterloo, le 2 octobre 2018 au Canada
© Geoff Robins / AFP

Avec deux lauréates du prix Nobel, les femmes scientifiques sont à l'honneur cette semaine mais elles n'en restent pas moins souvent "sous-estimées, sous-évaluées, sous-appréciées et sous-payées".

Mardi, la scientifique canadienne Donna Strickland est devenue la troisième femme de l'histoire à remporter le prix Nobel de physique. Vingt-quatre heures plus tard, la biochimiste américaine Frances Arnold reçoit celui de chimie et fait monter à cinq le nombre de femmes a avoir reçu cet honneur.

"C'est comme si le monde s'éveillait à l'ingéniosité des femmes scientifiques", ironise Jess Wade, professeure de physique à l'Imperial College London interrogée par l'AFP.

Dans l'histoire, seulement 20 Nobel sur 607 en sciences (médecine, physique, chimie) ont été attribués à des femmes (dont deux à Marie Curie).

Soit moins de 3%, "c'était tellement choquant", réagit Sylvaine Turck-Chieze, astrophysicienne et membre de l'association Femmes & Sciences, qui juge qu'il est nécessaire d'aller plus loin : "Il faut faire du lobbying, constituer une liste de femmes scientifiques et aller à Stockholm".

"L'important est maintenant de s'attaquer à l'inertie du système", avec des comités de sélection où le nombre de femmes est encore beaucoup trop minoritaire, ajoute Jennifer Curtis, professeure agrégée de physique au Georgia Institute of Technology.

Aux États-Unis, alors que près de la moitié des doctorats en sciences était composée de femmes l'année dernière, seulement 39% font de la chimie. Et ce chiffre tombe à 18% en physique, selon l'American Physical Society.

"Dès leurs études supérieurs, les femmes qui ont choisit la physique remarquent qu'elles sont traitées différemment des hommes, et pour les femmes de couleur, c'est encore pire", note Meg Urry, professeur de physique à l'université de Yale.

"Les femmes restent toujours très minoritaires aux postes de responsabilité, le plafond de verre évolue assez lentement", note aussi Elisabeth Kohler, directrice de la mission pour la place des femmes au CNRS, pour qui les stéréotypes persistent.

"Les femmes ont longtemps été vues comme de bonnes collaboratrices mais elles ont aussi de bonnes idées !", ajoute Sylvaine Turck-Chieze.

Donna Strickland, malgré son illustre carrière et son travail sur les faisceaux optiques à impulsions courtes utilisées aujourd'hui dans la chirurgie des yeux au laser, n'a toujours pas le titre de professeure titulaire à l'Université de Waterloo en Ontario, où elle travaille. Et elle n'avait pas de page Wikipedia avant sa victoire de mardi.

Au cours de la dernière année, Jess Wade, qui en avait assez de voir les femmes scientifiques ignorées, leur a consacré plus de 300 pages Wikipedia. "C’est génial, elles ont été visionnées par plus de 200.000 personnes".

Pour Meg Urry, qui étudie les trous noirs supermassifs, être une femme dans la recherche scientifique reste "difficile". "Bien sûr, il est compliqué d'examiner les données expérimentales de votre propre vie", s'amuse-t-elle, "mais j'ai vu d'autres femmes constamment sous-estimées, sous-évaluées, sous-appréciées, sous-payées, et je soupçonne que la même chose m'est arrivée".

La reconnaissance de ces femmes Nobel marque "une prise de conscience plus large mais il ne faut pas se contenter de cela, cela serait trop facile !", s'exclame Elisabeth Kohler.

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