Effets bien réels d'une fausse agression raciste aux Etats-Unis

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Par Nova SAFO - Chicago (AFP)
Publié le 24 février 2019 - 09:09
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Jussie Smollett, le 21 février 2019 à Chicago
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© NUCCIO DINUZZO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
La police de Chicago accuse l'acteur de 36 ans Jussie Smollett, noir et ouvertement gay, d'avoir monté une fausse agression contre lui, pour tenter de doper sa notoriété et faire avancer sa carrière.
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Les victimes de crimes racistes ou homophobes auront-elles plus de mal à se faire entendre à l'avenir? Le cas de l'acteur américain Jussie Smollett, accusé d'avoir inventé une agression, fait craindre une montée de scepticisme face à ces attaques, pourtant en augmentation.

La police de Chicago accuse l'acteur de 36 ans Jussie Smollett, noir et ouvertement gay, d'avoir monté une fausse agression contre lui, pour tenter de doper sa notoriété et faire avancer sa carrière.

Il aurait d'abord envoyé une fausse lettre contenant des insultes racistes et homophobes, avant d'engager deux hommes afin de simuler une agression dans le centre de Chicago.

Dans sa plainte déposée fin janvier, il affirmait que les deux individus l'avaient abreuvé d'insultes racistes et homophobes avant de le frapper, criant "nous sommes en pays MAGA" -- référence au slogan de campagne de Donald Trump (Make America Great Again).

Selon son récit, les agresseurs lui avaient enroulé une corde autour du cou, et ils l'avaient aspergé d'une substance chimique.

Inculpé pour dépôt de fausse plainte, il a été libéré sous caution jeudi, et a été débarqué des derniers épisodes de la série à succès "Empire", dont il était l'une des stars.

Si cette mise en scène est vraie "alors c'est une exploitation honteuse du passé des victimes de crimes motivés par la haine, dont beaucoup ont enduré des souffrances abominables", dit à l'AFP Kami Chavis, ancienne procureure fédérale.

Jussie Smollett a par la voix de ses avocats dénoncé une présomption d'innocence "piétinée" et ré-affirmé son innocence.

- Crimes en hausse -

"Les fausses plaintes causent des dégâts réels", a dénoncé le chef de la police de Chicago, Eddie Johnson, très en colère. "Mon inquiétude est que les crimes motivés par la haine rencontrent dorénavant dans l'espace public un scepticisme qui n'existait pas auparavant."

La gêne était de fait palpable chez les personnalités et organisations qui avaient immédiatement condamné l'agression.

D'abord silencieux, les groupes de défense des droits ont choisi de réagir en soulignant un fait général: les crimes de ce type sont de plus en plus fréquents, même si le cas de Jussie Smollett n'en était pas un.

Le FBI a rapporté une hausse de 17% des crimes racistes, antisémites et homophobes en 2017.

Le Southern Poverty Law Center a recensé en 2018 un pic de 1.020 "groupes haineux", définis comme des organisations qui, dans leurs déclarations, s'en prennent à une catégorie de personnes.

En 2018, 26 personnes transgenres ont été tuées, en majorité des femmes transgenres noires, selon Human Rights Campaign.

"Nous restons concentrés sur la bataille urgente à livrer contre les véritables problèmes que sont le racisme et l'homophobie", ont déclaré les organisations Color of Change et GLAAD.

Ce fut aussi la réaction de la sénatrice démocrate de Californie et candidate aux primaires présidentielles de 2020 Kamala Harris. Elle avait qualifié l'évènement de "tentative moderne de lynchage".

Cette semaine, après les dernières révélations, elle s'est dite "triste, en colère et déçue", dans un message sur Facebook.

"Il faut dire la vérité: les crimes motivés par la haine sont en hausse aux Etats-Unis", a-t-elle écrit. "Une partie de la tragédie de cette situation est qu'elle détourne notre attention de cette vérité, et que certains s'en sont saisis, qui aimeraient effacer et minimiser l'importance des vrais problèmes."

Mais certains, notamment chez les conservateurs, ont critiqué la réaction trop prompte au début de l'affaire.

"Les médias devraient être révoltés. Il les a tous menés en bateau", a tweeté Nikki Haley, ancienne ambassadrice de Donald Trump à l'ONU.

"Alors que certains observateurs plaidaient pour la prudence dans l'affaire Smollett, leur prudence a été condamnée comme de l'intolérance", a écrit l'auteur et éditorialiste Noah Rothman dans le New York Times. "Munis de bonnes intentions, des observateurs prennent le risque de renforcer leurs préjugés en suspendant leur esprit critique."

Kami Chavis, elle, est inquiète de l'avenir pour les victimes de crimes racistes qui, dit-elle, avaient déjà du mal à être prises au sérieux avant cette affaire.

"Le cas de Jussie Smollet ne doit pas dissuader les forces de l'ordre, les procureurs ou les jurés d'agir", plaide-t-elle.

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