La force létale des opiacés, une vertu pour certains en Amérique

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Par AFP
Publié le 14 décembre 2017 - 08:39
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La "chambre de la mort" de la prison de Huntsville, au Texas, le 29 février 2000
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© PAUL BUCK / AFP/Archives
La "chambre de la mort" de la prison de Huntsville, au Texas, le 29 février 2000
© PAUL BUCK / AFP/Archives

Qualifiés de "fléau" par Donald Trump en raison des milliers de morts qu'ils font chaque mois en Amérique, les opiacés sont au contraire nouvellement considérés avec intérêt pour exécuter les condamnés, en vertu justement de leur puissance létale.

Deux Etats, le Nevada et le Nebraska, ont ainsi prévu d'approvisionner les bourreaux de leurs prisons en fentanyl, un analgésique opioïde qui a tué plus de 20.000 personnes en 2016 aux Etats-Unis.

Médecins et militants contre la peine capitale dénoncent cette première, une expérimentation humaine selon eux hasardeuse.

Ils mettent en garde contre le risque de graves souffrances pour le prisonnier, cobaye contre son gré. Le fentanyl, antidouleur servant aussi d'anesthésique, est 50 fois plus puissant que l'héroïne et jusqu'à 100 fois plus que la morphine.

On estime que deux millions d'Américains sont devenus dépendants aux opiacés, une famille de produits sédatifs et de médicaments analgésiques délivrés sur ordonnance et issus de l'opium ou d'un processus de synthèse. Cette situation fait s'envoler les décès par surdoses.

Selon Deborah Denno, une experte de la peine capitale à l'université de droit de Fordham, les Etats souhaitant utiliser le fentanyl ne se fondent pas sur des analyses scientifiques, mais répondent de façon précipitée à la pénurie actuelle de substances létales.

"Le recours au fentanyl dans certains Etats augmente énormément le risque d'exécution ratée, par conséquent douloureuse", explique-t-elle à l'AFP. "Toute nouvelle substance se traduit par la mise en oeuvre dangereuse de protocoles que les Etats choisissent en fonction de la disponibilité des produits".

- Exécutions 'chaotiques' -

La pénurie en "médicaments de la mort", aiguë depuis plusieurs années, est entretenue par le refus des grands laboratoires de livrer les prisons américaines, afin de ne pas associer leur image à la peine capitale.

Les injections létales sont généralement composées de trois substances administrées successivement, la première endormant le prisonnier, la deuxième paralysant ses muscles et la troisième arrêtant son coeur.

Plusieurs exécutions récentes ont illustré les failles du premier produit quand des prisonniers, insuffisamment plongés dans l'inconscience, ont suffoqué et subi un calvaire avant d'expirer.

"En quarante ans d'existence, jamais les exécutions par injection létale n'ont été aussi chaotiques et irréfléchies qu'aujourd'hui", assure Mme Denno.

Le mois dernier, l'Etat de l'Ohio a dû suspendre l'exécution d'un condamné gravement malade, les agents pénitentiaires ne lui trouvant pas de veine suffisamment solide pour supporter la perfusion mortelle.

La controverse sur les substances létales contribue au ralentissement du rythme des exécutions aux Etats-Unis, une tendance confirmée par un rapport publié jeudi par le Centre d'information sur la peine de mort (DPIC), organisme indépendant qui fait autorité.

"Le déclin à long terme de la peine de mort s'est poursuivi en 2017, malgré les efforts des quelques Etats voulant réaliser à tout prix les exécutions qu'ils avaient planifiées cette année", analyse le DPIC.

Les Etats-Unis ont compté seulement 23 exécutions en 2017, le deuxième chiffre le plus bas depuis 1991, très loin des 98 exécutions de 1999. Huit Etats seulement ont pratiqué des exécutions, alors que la peine capitale est théoriquement en vigueur dans 31 Etats.

- Incertitude sur l'azote -

L'année devrait par ailleurs se terminer sur un nombre de 39 verdicts de peine de mort rendus par les tribunaux. Là aussi, il s'agit du deuxième plus bas niveau depuis que la Cour suprême a déclaré anticonstitutionnelle la peine de mort en 1972, un arrêt qui avait été renversé quatre ans plus tard.

Enfin, seulement 55% des Américains se disent favorables à la peine capitale, selon un sondage Gallup, soit le plus petit ratio en 45 ans.

Les controverses sur les injections poussent des Etats à envisager le retour à la chaise électrique ou à explorer des méthodes d'exécution inédites. L'Etat du Mississippi a ainsi légalisé au printemps un procédé jamais utilisé consistant à faire inhaler de l'azote au condamné.

"Il n'existe pas d'information fiable sur comment se passerait une telle exécution", avertit Deborah Denno, qui évoque la possibilité que cette pratique viole le huitième amendement de la Constitution américaine interdisant les châtiments "cruels et inhabituels".

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