Les Américains toujours plombés par leurs prêts étudiants

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Par Cyril JULIEN - Washington (AFP)
Publié le 20 novembre 2018 - 12:06
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Michael Bloomberg, à Bruxelles, le 22 mars 2018
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© Ludovic MARIN / AFP/Archives
Michael Bloomberg, à Bruxelles, le 22 mars 2018
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En donnant près de deux milliards de dollars à son ancienne université, l'ex-maire de New York Michael Bloomberg veut faire entrer la diversité dans les établissements d'élite mais ce don record souligne aussi le problème récurrent de l'endettement étudiant aux États-Unis, qui peut plomber les finances des diplômés pendant des années.

Selon le ministère de l’Éducation, 42,2 millions d'Américains remboursaient un prêt étudiant fédéral fin juin 2018, pour une somme totale de près de 1.500 milliards de dollars, le plus gros volume de dettes derrière les prêts immobiliers.

Dans un communiqué, le milliardaire de 76 ans a annoncé un don d'1,8 milliard de dollars à l'université Johns Hopkins à Baltimore, dont il est sorti diplômé en 1964. L'argent servira dès 2019 à l'attribution de bourses aux étudiants issus de familles modestes, pour financer les quelque 72.000 dollars de frais dans ce prestigieux établissement.

L'ex-maire de New York explique qu'il avait obtenu son diplôme grâce à une bourse, alors que son père comptable ne gagnait "pas plus de 6.000 dollars par an".

"Je veux m'assurer que l'école qui m'a donné une chance pourra en permanence offrir la même opportunité à d'autres", a-t-il écrit.

Avec ce don, le plus élevé jamais fait à une université, "nous pourrons recruter plus d'étudiants (immigrés) de première génération et de condition modeste", a affirmé lundi dans un communiqué le président de Johns Hopkins, Ronald Daniels.

A l'heure actuelle, 44% des étudiants de l'institution terminent leurs études endettés, à hauteur de plus de 24.000 dollars en moyenne, selon l'université.

- La Fed inquiète -

L'association College Board a estimé à 34.740 dollars le coût moyen d'un cursus de quatre ans dans une université privée, sans compter les frais annexes (hébergement, nourriture).

De nombreux étudiants ont recours aux prêts du gouvernement fédéral ou d'établissements privés.

Mais certains, notamment les moins riches, tombent dans la spirale du surendettement. Sans débouché après leur diplôme, ils n'ont pas les moyens de rembourser leurs prêts et n'ont plus accès au crédit, ne peuvent pas louer un logement ou acheter une voiture.

Une chaîne locale du câble a même lancé cet été un jeu, "Paid Off", dans lequel les concurrents peuvent effacer leur dette étudiante grâce à leurs gains.

Le problème inquiète la Banque centrale américaine. "Si les prêts étudiants continuent à progresser, cela pourrait tout à fait affecter la croissance" actuellement florissante, a dit en mars le patron de la Fed, Jerome Powell.

Pour Sandy Baum, spécialiste de l'enseignement universitaire au centre de réflexion Urban Institute, le don de Michael Bloomberg est "génial" mais "c'est une goutte d'eau".

L'impact aurait été plus important s'il avait "distribué plus largement l'argent afin d'améliorer la qualité de l'enseignement pour un plus grand nombre d'étudiants" dans les établissements privés ou publics moins élitistes et qui manquent cruellement de financement, dit-elle à l'AFP.

- Baisser les coûts -

Mme Baum n'est pas opposée aux prêts étudiants car pour la plupart des étudiants modestes, "la question est: ne pas aller à l'université ou emprunter pour y aller". Elle souligne que des mécanismes fédéraux de gel de remboursement existent pour éviter le surendettement.

Et, précise-t-elle, la majorité des prêts se situent entre 15.000 et 20.000 dollars. S'endetter pour 40.000 dollars "n'est pas si rare pour un diplôme de +bachelor+ (4 ans d'étude) mais ce n'est pas ce genre de population qui a des difficultés de remboursement".

Joanna Darcus, avocate pour l'organisme de protection des consommateurs NCLC, salue aussi la décision de Michael Bloomberg mais dénonce le "système complètement cassé du financement de l'enseignement universitaire par la dette".

"Il est très important de baisser les coût de l'enseignement" pour les étudiants modestes alors que la dette étudiante accentue le fossé entre riches et pauvres, dit-elle à l'AFP.

Le NCLC prône une augmentation du nombre et du montant des bourses universitaires. "Si des gens peuvent aller à l'université sans s'endetter (...) nous ne dépenserons pas pour le remboursement des emprunts et ceux-ci n'altèreront pas les décisions personnelles, professionnelles et financières", assure Mme Darcus.

Plusieurs personnalités politiques - dont le sénateur indépendant Bernie Sanders candidat à la primaire démocrate pour l'élection présidentielle 2016 - réclament des mesures au niveau national pour réduire l'endettement étudiant, en vain jusqu'ici.

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