Pédophilie au cinéma : pour son auteure, "Les Chatouilles" a transcendé la souffrance

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Par Rana MOUSSAOUI - Paris (AFP)
Publié le 21 février 2019 - 13:48
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Andréa Bescond en mai 2018 à Cannes
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Andréa Bescond en mai 2018 à Cannes
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"Je n'ai plus honte": pièce à succès sur la pédophilie devenue un film nommé cinq fois aux César, "Les Chatouilles" a permis à son auteure Andréa Bescond, victime enfant d'abus sexuels, de se reconstruire et d'interpeller le grand public sur ce sujet encore tabou.

Le film, coréalisé avec Eric Métayer, pourrait rafler entre autres le prix du meilleur premier film aux César 2019 vendredi soir, tandis que la pièce créée en 2014 triomphe de nouveau cette semaine dans le cadre d'un festival de théâtre engagé, "Paroles citoyennes".

Cette reprise coïncide avec la sortie en salles de "Grâce à Dieu" de François Ozon, autre film traitant de la pédophilie, et avec le sommet lancé par le pape autour des abus sexuels commis par des prêtres au sein de l'Eglise, ébranlée par plusieurs cas d'agressions depuis des années.

Pour Andréa Bescond, 39 ans, la pièce, puis le film, l'ont aidée à se reconstruire. "Aujourd'hui, je me sens en phase avec moi-même, je n'ai plus honte, je ne suis plus en colère", affirme-t-elle à l'AFP.

Et dans le même temps, elle ressent une "fierté" d'avoir réussi une œuvre qui aujourd'hui "dépasse" son cas.

"Tous les jours, des gens concernés me disent +merci de parler de nous, merci d'informer sur ces douleurs que nous vivons, sur ces traumatismes", assure la réalisatrice et scénariste qui joue au théâtre à la fois son propre personnage enfant, l'agresseur mais aussi ses parents.

- "Vous nous avez sauvés" -

"Rencontrer tous ces gens qui ont connu la même chose, ça a été très fort. Je me suis sentie étrangement accompagnée, comme dans une espèce de fratrie", poursuit la metteuse en scène dont la pièce lui a valu un Molière en 2016. Et "d'entendre à quel point ça peut aider les gens à trouver les bons mots, d'entendre les gens dire +vous nous avez sauvés+, c'est magnifique".

Bien que le sujet soit de plus en plus présent à l'écran et dans les médias et en dépit d'un début de prise de conscience au sein de la société, la réalisatrice estime qu'il reste "un immense tabou" en France. "Il faut un éveil sociétal sur la pédocriminalité.

Sur le point législatif, c'est encore insuffisant. Il faut de grandes campagnes nationales de prévention", affirme-t-elle. Et surtout, ne pas commettre à nouveau les erreurs des années 70 "où le message des campagnes de prévention consistait à dire +ton corps t'appartient, tu as le droit de dire non".

"Cela a créé des ravages parce que les enfants qui étaient violés pensaient du coup que c'était de leur faute, parce qu'on leur avait dit qu'ils pouvaient dire non", poursuit la réalisatrice.

Elle qui a subi des abus sexuels de la part d'un "ami de la famille", évoque "les mécanismes de sidération et la puissance de la manipulation de l'adulte, l'enfant n'arrivant pas forcément à parler, à se débattre, à crier".

"Il faut dire aux enfants aujourd'hui que s'ils se font agresser, ce n'est de leur faute en aucun cas, personne ne les jugera", précise-t-elle soulignant la nécessité absolue de l'écoute des victimes.

"Les Chatouilles" sont nommés dans les catégories Meilleur premier film, meilleure adaptation, meilleur montage, meilleure actrice dans un second rôle pour Karin Viard (la mère) et meilleur acteur dans un second rôle pour Clovis Cornillac (le père).

Quant à la pièce, elle fait partie des dix spectacles dans le festival "Paroles citoyennes", aux côtés d'autres pièces qui interrogent la société ou la politique, comme "1988 Le Débat Mitterrand/Chirac", "De Pékin à Lampedusa" ou encore "L'être ou pas" sur l'antisémitisme.

Elle sera encore reprise à Avignon cet été, avec une autre comédienne. Et son auteure travaille sur une autre pièce pour le festival et qui traite d'un sujet tout aussi tabou: l'accompagnement en fin de vie et le droit à la dignité.

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