Salvador : une campagne pour autoriser l'avortement, sévèrement puni

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Par Carlos Mario MARQUEZ - San Salvador (AFP)
Publié le 23 mars 2018 - 08:32
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Sa législation anti-avortement est l'une des plus strictes du monde : au Salvador, des médecins et des associations font campagne pour légaliser l'interruption de grossesse, punie par de lourdes peines de prison.

Deux cas récents, ceux de Teodora Vasquez et Maira Figueroa, ont reçu un écho international: elles ont chacune passé une dizaine d'années en prison pour une fausse couche, considérée par la justice comme un homicide.

Les deux ont été libérées après que leur peine de 30 ans de réclusion eut été commuée.

"Il faut modifier la loi pour que cela n'arrive plus jamais. Je ne veux plus que d'autres femmes soient enfermées, on ne le mérite pas", a confié à l'AFP Mme Vasquez.

Dans ce pays d'Amérique centrale, 24 femmes restent incarcérées pour fausse couche.

Le code pénal prévoit deux à huit ans de prison en cas d'avortement mais dans les faits, les juges considèrent toute perte du bébé, qu'elle soit volontaire ou accidentelle, comme un "homicide aggravé", puni de 30 à 50 ans de réclusion.

"La totale interdiction de l'avortement est une grave violation des droits de l'homme et nous voulons essayer d'améliorer la situation", explique à l'AFP la chercheuse française Léa Réus, d'Amnesty international.

Des représentants de cette ONG se sont rendus cette semaine au Salvador, où ils ont rencontré mardi une commission parlementaire chargée d'étudier une réforme de la législation.

Ils lui ont présenté une pétition signée par 209.051 personnes, dans 57 pays, soutenant cette réforme, qui veut autoriser l'avortement en cas de viol, de risque vital pour la mère ou de foetus non viable.

"Il faut tous soutenir cette dépénalisation, car ce n'est pas une question de politique mais de droits de l'homme", plaide Léa Réus.

- Les médecins ont peur -

Présenté au Parlement en octobre 2016, le projet tarde cependant à avancer. Pour la députée de gauche Lorena Peña, il est urgent de l'approuver avant la fin de la législature actuelle, le 30 avril.

Car, avec la victoire de l'opposition de droite aux élections législatives du 4 mars, le nouveau parlement risque de bloquer le texte. Le parti Arena (Alliance républicaine nationaliste), devenu majoritaire, s'oppose à toute modification de la loi.

Amnesty n'est pas la seule à faire campagne: une mission de médecins s'est rendue cette semaine au Salvador pour évoquer la question avec leurs collègues.

"Ce que nous voulons, c'est qu'on nous donne une sécurité juridique, à nous les médecins, que nos actions (dans le cas d'une interruption de grossesse, ndlr) n'aient pas de répercussions pénales", explique le docteur Guillermo Ortiz, à la tête de cette mission.

Ce médecin salvadorien installé aux Etats-Unis raconte avoir travaillé 20 ans à l'Hôpital national de la femme à San Salvador, où il a dû gérer un grand nombre d'urgences obstétriques, mais il a été particulièrement ému par le cas de Beatriz en 2013.

Beatriz, jeune femme de 22 ans souffrant de lupus, n'avait pas été autorisée à avorter d'un fœtus dépourvu de cerveau.

Après une intervention de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, l'Etat avait finalement autorisé qu'on lui pratique une césarienne. Le nouveau-né était décédé quelques heures plus tard.

"Dans les hôpitaux publics, on a peur", souligne le docteur Ortiz, car "personne ne veut être impliqué dans une procédure judiciaire, exposé au dénigrement médiatique et au jugement de la société".

La législation "a des implications dans l'exercice professionnel de la médecine, en raison du risque d'insécurité juridique", renchérit Morena Herrera, du Groupement citoyen pour la dépénalisation de l'avortement thérapeutique, ONG luttant depuis 2009 pour réformer la loi.

Et dans les faits, de nombreux professionnels se retrouvent à dénoncer les femmes perdant leur bébé.

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