Sortir du placard, un dilemme adolescent à l'écran et à l'école

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Par Javier TOVAR - Los Angeles (AFP)
Publié le 18 avril 2018 - 05:52
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L'équipe du film "Love, Simon" à Los Angeles, le 13 mars 2018
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© Rodin Eckenroth / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives
L'équipe du film "Love, Simon" à Los Angeles, le 13 mars 2018
© Rodin Eckenroth / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives

Orchidée n'a confié qu'à six personnes qu'elle est lesbienne, cela lui coûte d'en parler et elle tremble à l'idée que sa mère ne l'apprenne.

"Elle m'a dit que si j'étais homosexuelle elle n'allait pas m'aider, elle ne fera rien pour moi et va m'expulser de la maison", raconte à l'AFP l'adolescente de 14 ans, qui a demandé que son vrai nom soit remplacé par celui de sa fleur préférée.

Elle pense chaque jour à révéler à tous son orientation sexuelle mais elle n'est pas prête: "L'homophobie que ma mère a martelé en moi perdure", lance la jeune fille au visage parsemé d'acné.

Avouer son homosexualité, "sortir du placard" comme on dit, c'est difficile pour tous les adolescents et pour beaucoup d'adultes, et c'est le thème d'une comédie romantique américaine, "Love, Simon", qui cartonne aux Etats-Unis et sort fin juin en France.

Elle vient s'ajouter aux autres créations récentes consacrées à l'adolescence comme la série de Netflix "13 Reasons Why" sur le suicide d'une lycéenne ou le film au scénario oscarisé "Call me by your name" sur un adolescent de 17 ans qui vit une romance estivale homosexuelle avec un beau doctorant.

Dans "Love, Simon", le protagoniste ne s'explique pas pourquoi il a tant de mal à annoncer à sa famille et à ses amis pourtant larges d'esprit qu'il est gay.

Un dilemme vécu dans la vraie vie par de très nombreux homosexuels, adolescents ou adultes, malgré l'acceptation pourtant de plus en plus grande de la société, comme le montre la légalisation du mariage homosexuel et le grand nombre de couples de même sexe vivant avec des enfants.

Harmony Sanchez, lycéenne de 17 ans, a ainsi eu le plus grand mal à avouer sa bisexualité à sa mère, qui ne montrait pourtant pas de préjugés.

"Elle m'a demandé +pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt?+", se souvient Harmony, qui craignait aussi la réaction de ses grands-parents.

Pour l'ONG The Trevor Project, spécialisée dans la prévention du suicide des jeunes LGBT, la famille reste le principal obstacle qui empêche de "sortir du placard".

Les jeunes rejetés par leur famille pour avoir avoué qu'ils ne sont pas hétérosexuels "ont 8,4 fois plus de risques de tenter de se suicider que ceux qui ne sont pas rejetés par leurs proches", d'après Adam Hunt, directeur des services de crise de cette organisation.

Addrienne, 15 ans, a réussi sans encombre à dire à sa mère qu'elle était bisexuelle, mais son père est devenu comme fou.

"Je n'avais plus le droit d'aller dormir chez des amis. (Mon père) voulait que ma mère surveille mes interactions avec les filles, comme il l'aurait fait avec des garçons mais avec les filles ... Quel est l'intérêt de sortir du placard si c'est pour ruiner mon enfance parce que je n'ai plus le droit de rien faire d'amusant", raconte-t-elle.

Au final, elle a tout nié, juré qu'elle était hétérosexuelle. "Un mensonge de survie", comme elle dit.

- "Lieu sur" -

Ces jeunes filles suivent des cours dans le collège et lycée Daniel Pearl de Van Nuys, une banlieue de Los Angeles. Avec seulement 365 élèves, c'est un cocon comparé aux établissements scolaires habituels de la ville, qui comptent fréquemment trois fois plus d'inscrits.

Harmony considère cette école spécialisée dans le journalisme comme "un lieu sûr pour les jeunes de la communauté LGBTQ" (lesbienne, gay, bisexuelle, transexuelle et queer). "Si quelqu'un se fait embêter, ce n'est pas nécessairement l'encadrement qui intervient, ce sont les autres élèves".

Beaucoup d'écoles de Los Angeles ont des clubs LGBT, toutes mettent en place des programmes anti-harcèlement et offrent des aides psychologiques.

Pourtant, le problème persiste: une étude de l'ONG GLSEN publiée en 2016 montre que 85% des étudiants LGBT sondés ont souffert d'agressions verbales et 66% disent avoir subi une/des formes de discrimination en classe.

Orchidée pense ne plus parler de sa sexualité à l'école et certainement pas chez ses parents: "J'ai toujours pensé que si je sortais du placard, ce serait quand je suis partie et que je suis autonome".

"Comme ça si vous ne m'acceptez pas, c'est votre choix. Mais il faut vous renseigner avant de juger rapidement", énonce-t-elle, comme pour un dialogue imaginaire qu'elle se serait répété bien des fois.

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