Ukraine : un supporter néofasciste italien devient combattant prorusse

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Par Ioulia SILINA - Lougansk (Ukraine) (AFP)
Publié le 10 avril 2018 - 10:11
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L'ex-néofasciste italien Andrea Palmeri, reconverti combattant pro-russe en Ukraine, s'exprime devant la presse à Lugansk, le 15 février 2018
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© Aleksey FILIPPOV / AFP/Archives
L'ex-néofasciste italien Andrea Palmeri, reconverti combattant pro-russe en Ukraine, s'exprime devant la presse à Lugansk, le 15 février 2018
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Avec son accent italien prononcé quand il parle russe, Andrea Palmeri ne passe pas inaperçu dans une cathédrale orthodoxe dans l'est séparatiste de l'Ukraine. Ancien tifoso de tendance néofasciste devenu combattant prorusse, cet Italien pose un baiser sur une icône et prie, les yeux fermés.

"Je me suis converti à la religion orthodoxe, mais je prie toujours en italien", explique à l'AFP cet homme grand de 38 ans, qui n'oublie pas se signer à l'entrée et à la sortie de l'église. "C'est le destin qui m'a envoyé ici, à Lougansk", une des deux "capitales" séparatistes de l'est de l'Ukraine, assure-t-il.

Ancien leader des Bulldog Lucca, un groupe de supporters de l'AS Lucchese (Serie C1, l'équivalent de la 3e division) d'obédience néofasciste, Andrea Palmeri est doté d'un épais casier judiciaire dans son pays d'origine.

En 2014, il prend la direction de l'Ukraine, aux côtés de nombreux européens venus combattre avec les séparatistes prorusses dans l'Est de l'Ukraine, où plus de 10.000 personnes sont mortes depuis le déclenchement de ce conflit armé en 2014.

"Les Serbes étaient les premiers à arriver, c'est un peuple frère (slave, ndlr), c'est normal. Ensuite sont venus les Italiens, puis les Français", se souvient M. Palmeri, aux bras couverts de tatouages dont un gros aigle bicéphale, les armoiries russes.

Il affirme avoir été suivi par une "trentaine d'Italiens", dont plusieurs ont été tués depuis, selon lui.

Interrogées par l'AFP, les autorités ukrainiennes ont estimé à plusieurs "centaines" le nombre d'Européens ayant combattu du côté rebelle.

Kiev et les Occidentaux accusent la Russie de soutenir militairement les séparatistes et d'avoir déployé en Ukraine plusieurs milliers de troupes régulières russes, ce que Moscou nie farouchement, n'admettant que la présence de "volontaires" russes venus de leur propre gré.

Admirateur de Vladimir Poutine, Andrea Palmeri explique avoir pris la décision d'aller en Ukraine en regardant les journaux télévisés russes, qui couvraient abondamment le conflit, décrivant les autorités ukrainiennes comme des néo-nazis voulant s'en prendre aux russophones.

"Je regardait la télé tous les jours et j'ai compris que je ne pouvais plus rester chez moi" sans rien faire, explique cet homme qui a été marié à une Russe dans le passé, condamné à plusieurs années de prison en Italie pour association de malfaiteurs, agressions et menaces.

Et d'enchaîner: "C'est la guerre d'une partie de l'Europe et de l'Amérique contre la Russie, la guerre du libéralisme contre les valeurs russes".

- Peur de revenir -

"Le plus frappant, c'est le fait qu'un militant d'extrême-droite a choisi des bataillons prorusses" qui assuraient combattre les "nazis" de Kiev plutôt que les bataillons ukrainiens, dont certains étaient ouvertement d'extrême-droite, s'étonnait en 2015 un journal local italien, il Tirreno.

Sous le nom de guerre "Italia", Andrea Palmeri a participé aux combats pendant plusieurs mois, jusqu'à ce que le froid ne lui cause des engelures aux pieds durant l'hiver 2015, lors de la bataille pour la ville de Debaltsevé, un important noeud ferroviaire que l'armée ukrainienne finit par abandonner.

"La vrai guerre est moins intéressante que celle qu'on voit dans des films. Là, tu as tout le temps peur, tu restes dans un champ par -20°C, tu ne dors pas pendant deux ou trois jours, tu essuie en permanence des bombardements", reconnait-il sans fard.

Une expérience qui lui a permis d'obtenir un "passeport" de la République autoproclamée de Lougansk mais a aggravé ses problèmes avec la justice italienne, où il affirme être désormais poursuivi pour "mercenariat".

"Nous ne sommes pas terroristes, ni mercenaires. Je me considère comme volontaire", se défend M. Palmeri, tout en restant très flou sur ses sources de revenus en Ukraine, évoquant des "sponsors" qui l'ont "aidé".

Il ne souhaite pas retourner dans son pays d'origine, par peur d'y être arrêté et déplore être séparé de son fils de sept ans resté en Italie. M. Palmeri rêve d'obtenir un jour un passeport russe, espérant que celui-ci lui permettra de retourner dans son pays d'origine.

Dans l'attente, il a construit avec l'aide d'"investisseurs italiens" une boulangerie à Altchevsk, près de Lougansk, qu'il espère inaugurer dans les prochaines semaines. "Quand je suis arrivé, je ne m'attendais certainement pas à ne jamais pouvoir rentrer".

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