Une nouvelle espèce humaine découverte aux Philippines

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Par Pascale MOLLARD-CHENEBENOIT - Paris (AFP)
Publié le 10 avril 2019 - 21:40
Mis à jour le 11 avril 2019 - 09:06
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La grotte de Callao dans le nord de l'île de Luçon, le 9 aout 2011
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© Florent DETROIT / Florent DETROIT/AFP/Archives
La grotte de Callao dans le nord de l'île de Luçon, le 9 aout 2011
© Florent DETROIT / Florent DETROIT/AFP/Archives

La famille s'agrandit: des chercheurs ont annoncé mercredi avoir découvert une nouvelle espèce humaine aux caractères morphologiques singuliers, qui vivait sur l'île de Luçon, aux Philippines, il y a plus de 50.000 ans.

L'analyse de treize restes fossiles (dents, phalanges de pied et de main, fragments de fémur) trouvés dans la grotte de Callao, et appartenant à au moins trois individus dont un enfant, ont conduit ces scientifiques à considérer qu'il s'agissait d'une nouvelle espèce, qu'ils ont nommée Homo luzonensis.

Elle présente à la fois "des éléments ou caractères très primitifs ressemblant à ceux des Australopithèques et d'autres, modernes, proches de ceux des Homo sapiens", explique Florent Détroit, paléoanthropologue au musée de l'Homme à Paris et principal auteur de l'étude parue dans la revue Nature. Cela en fait une espèce "mosaïque", dit-il.

Cet Homo luzonensis "était probablement petit si on en juge par la taille de ses dents" mais "ce n'est pas un argument suffisant" pour l'affirmer, indique le chercheur.

Homo luzonensis, qui n'est pas un ancêtre direct de l'homme moderne, serait une espèce voisine, contemporaine d'Homo sapiens, mais avec un certain nombre de caractères primitifs. Deux des fossiles analysés ont été datés directement par la méthode des séries de l'uranium et sont âgés respectivement de 50.000 ans et de 67.000 ans.

Il s'agit des plus anciens restes humains connus aux Philippines, précédant les premiers Homo sapiens datés de 30.000 à 40.000 ans, mis au jour sur l'île de Palawan, au sud-ouest de l'archipel.

- Débats en vue -

Leur analyse morphologique a réservé bien des surprises.

D'abord au niveau des dents: les prémolaires d'Homo luzonensis présentent des ressemblances avec celles des Australopithèques (des hominines d'Afrique disparus il y 2 millions d'années) et d'autre espèces anciennes du genre Homo comme Homo habilis ou Homo erectus. Entre autres, ces dents ont deux ou trois racines alors que celles d'Homo sapiens en ont généralement une, parfois deux, soulignent les chercheurs.

En revanche, les molaires sont très petites et leur morphologie très simple ressemble à celle des hommes modernes. "Un individu possédant ces caractéristiques combinées ne peut être classé dans aucune des espèces connues aujourd'hui", relève Florent Détroit.

Les os du pied aussi sont très surprenants: la phalange proximale présente une courbure très marquée et des insertions très développées pour les muscles assurant la flexion du pied. Cela ne ressemble pas à une phalange d'Homo sapiens mais à celle d'un Australopithèque, hominine qui était probablement à la fois bipède et arboricole.

"Nous ne disons pas du tout que Homo luzonensis vivait dans les arbres car l'évolution du genre Homo montre que ce genre est caractérisé par une stricte bipédie depuis 2 millions d'années", souligne Florent Détroit.

La "réapparition" de caractéristiques primitives chez Homo luzonensis s'explique peut-être par l'endémisme insulaire, selon lui.

Pendant le Quaternaire, l'île de Luçon n'a jamais été accessible à pied sec. Si des hominines se trouvaient là, il faut qu'ils aient trouvé un moyen de traverser la mer.

Aux yeux du chercheur, les résultats de l'étude "montrent très clairement que l'évolution de l'espèce humaine n'est pas linéaire". "Elle est plus complexe qu'on ne le pensait jusqu'à récemment".

Il s'agit d'"une découverte remarquable" qui "va sans aucun doute susciter beaucoup de débats scientifiques", estime Matthew Tocheri de l'Université Lakehead au Canada, dans un commentaire publié dans Nature.

Florent Détroit s'attend à ce que certains collègues "s'interrogent sur la légitimité à décrire une nouvelle espèce à partir d'un si petit assemblage de fossiles".

A ses yeux, "ce n'est pas grave de créer une nouvelle espèce". Cela permet d'attirer l'attention sur ces fossiles qui semblent "différents". "Si dans le futur, des collègues montrent que l'on s'est trompé et que ces restes correspondent à une espèce que l'on connaissait déjà, tant pis, ce n'est pas grave, on oubliera"...

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