Au Pakistan, des transgenres candidates aux législatives

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Par Sajjad TARAKZAI - Islamabad (AFP)
Publié le 09 juillet 2018 - 11:48
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Nadeem Kashish, candidate aux élections législatives, transgenre, participe à une émission de radio le 5 juillet 2018 à Islamabad
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© AAMIR QURESHI / AFP
Nadeem Kashish, candidate aux élections législatives, transgenre, participe à une émission de radio le 5 juillet 2018 à Islamabad
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"Donnez-moi une chance !", plaide Nadeem Kashish, candidate aux élections législatives du 25 juillet. Non qu'elle ait le moindre espoir de gagner, mais dans l'optique de faire progresser la cause de sa communauté, les transgenres.

"Je me présente pour la première fois et votre vote me donnera mon identité", explique-t-elle aux habitants d'un quartier pauvre de la capitale pakistanaise Islamabad.

Elle affrontera dans cette circonscription le Premier ministre sortant Shahid Khaqan Abbasi et le chef de file de l'opposition Imran Khan.

Elle distribue avec enthousiasme des tracts arborant sa photo en noir et blanc et son numéro de portable aux passants, commerçants, motocyclistes.

Deux slogans y sont imprimés: "Préservez l'eau pour la prochaine génération" et "J'ai besoin de votre soutien".

Pour la communauté transgenre, l'enjeu du scrutin est avant tout la visibilité. "Le gouvernement nous a apporté son soutien et de l'espace (pour être candidats) et nous utiliserons cette opportunité au maximum", souligne-t-elle.

Les "khawajasiras", un terme désignant un troisième sexe qui regroupe tant les femmes transgenres que les travestis et les eunuques, se battent depuis longtemps pour leurs droits au Pakistan, avec certains résultats.

En 2009, ce pays de culture conservatrice et patriarcale a été parmi les premiers au monde à légalement reconnaître un troisième sexe. Plusieurs d'entre eux se sont déjà présentés à des élections dans le passé.

Reste qu'au quotidien, les "khawajasiras" vivent en parias, souvent réduites à la mendicité et à la prostitution. Extorsions et discriminations sont fréquentes, tout comme les meurtres de transgenres.

Le Parlement pakistanais a par ailleurs adopté cette année une loi accordant aux transgenres le droit de déterminer eux-mêmes leur sexe sur tous les documents officiels, et même d'opter pour un mélange des deux.

Les autorités ont aussi facilité la question du genre dans les règles électorales, permettant par exemple à un candidat s'identifiant comme une femme de se présenter comme telle, une avancée jugée historique dans la communauté.

- Minorité politisée -

Il en va de même pour les électeurs, indique Altaf Ahmad, un porte-parole de la Commission électorale pakistanaise: les personnes transgenres "seront libres de voter dans les isoloirs pour femmes ou ceux pour hommes", indique-t-il.

Elles se verront même attribuer des coupes-files leur permettant d'éviter les longues queues attendues le jour du scrutin.

Le nombre de transgenres vivant aujourd'hui au Pakistan est estimé à plus d'un demi-million, selon plusieurs études. Il pourrait même s'élever à près de 2 millions selon TransAction, une organisation de défense des droits de la communauté.

Ils constituent l'une des minorités les plus politisées du pays. Initialement, 13 d'entre eux avaient déposé leur candidature aux élections du 25 juillet, mais neuf d'entre eux ont dû renoncer depuis, en général faute de moyens financiers.

Pour mener campagne, les candidats transgenres s'appuient essentiellement sur les réseaux sociaux et sur des rassemblements locaux. "Mais je crois néanmoins qu'ils parviendront à obtenir quelques voix", estime Uzma Yaqoob, qui dirige le Forum des initiatives pour la dignité (FDI), une ONG.

Pour Mme Kashish, le principal message est que les transgenres ont leur place dans la démocratie naissante au Pakistan et peuvent l'aider à progresser.

Les quatre candidats transgenres ont récemment participé ensemble à une émission de radio qu'elle anime. L'une d'entre elles, Lubna Laal, qui se présente dans la province du Pendjab (centre), souligne que la route vers la reconnaissance sera encore longue.

"Nos parents ne nous acceptent pas", regrette-t-elle. "La société non plus ne nous accepte pas, c'est ça le principal problème".

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