Brésil : les collèges militaires à plein régime sous Bolsonaro

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Par Valeria PACHECO - Brasilia (AFP)
Publié le 27 février 2019 - 22:54
Mis à jour le 28 février 2019 - 12:42
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Un militaire ordonne à des collégiens de se mettre en rang, le 12 février 2019 au CED 07 de Ceilandia, près de Brasilia
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© Sergio LIMA / AFP
Un militaire ordonne à des collégiens de se mettre en rang, le 12 février 2019 au CED 07 de Ceilandia, près de Brasilia
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Dans un collège public près de Brasilia, un sergent explique à une vingtaine d'élèves de 13 et 14 ans que les règles ont changé: dorénavant, les cheveux des garçons doivent être coupés courts et ceux des filles noués en chignon.

Autre nouveauté pour la rentrée au CED 07 de Ceilandia: il faut entrer en classe de façon ordonnée, en rang d'oignons.

L'établissement est devenu cette année un "collège militaire", modèle appelé à essaimer de plus en plus avec l'arrivée au pouvoir en janvier du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, ex-capitaine de l'armée.

Le collège fonctionne d'après le principe de la "gestion partagée": des policiers militaires se chargent de la discipline et des tâches administratives, tandis que l'enseignement reste sous la responsabilité de professeurs civils.

"Nous sommes ici pour être des collaborateurs, pas des usurpateurs, nous n'avons absolument pas l'intention de prendre la place des enseignants", assure le capitaine de police militaire Newton de Araújo, vêtu d'un uniforme bleu impeccable.

Depuis le 11 février, quatre collèges publics de la banlieue de la capitale brésilienne ont pris part à ce projet expérimental, qui concerne près de 7.000 élèves.

"Nous avons prévu d'avoir 40 collèges de ce type dans notre région à la fin de l'année", explique à l'AFP Mauro Oliveira, porte-parole des services d'éducation du District fédéral, dont dépend Brasilia.

- Changements "imposés" -

Pour les garçons, la coupe règlementaire est calculée au millimètre: "On passe la tondeuse numéro 2 sur les côtés, numéro 4 sur le dessus", explique le sergent Nunes.

Une jeune fille qui arbore une coupe afro se demande comment elle va faire son chignon.

Dans les prochains mois, d'autres règles seront mises en place, avec notamment le port d'uniforme pour tous les élèves et l'interdiction pour les filles de porter des accessoires "ostentatoires".

Le drapeau du Brésil sera hissé tous les jours et des cours d'éducation civique et de morale seront intégrés à l'emploi du temps. Les élèves auront pour activités optionnelles les échecs ou une fanfare militaire.

"À travers les principes de la culture militaire, nous voulons inculquer des valeurs comme le civisme, l'éthique ou le patriotisme", souligne le capitaine Newton.

Lucas Monteiro, élève de 13 ans du CED 07 qui a déjà participé à d'autres programmes d'éducation chapeautés par des militaires, considère que ce modèle permet de mieux gérer des problèmes "d'agressions physiques ou verbales".

Les quatre collèges du District fédéral ayant adopté la structure militaire pour cette rentrée ont été choisis parce qu'il se trouvent dans des quartiers pauvres, avec des problèmes de violence et de trafic de drogue.

Leur fonctionnement est calqué sur celui de 120 autres collèges publics au Brésil ayant adopté ce modèle depuis des années, la moitié d'entre eux dans l'Etat voisin de Goias.

"Le succès de ce modèle a déjà été prouvé", avait affirmé Jair Bolsonaro pendant la campagne, déplorant l'existence de "préjugés au sujet des écoles cogérées par des militaires".

- "Logique conservatrice" -

Mais certains professeurs du CED 07 sont scandalisés par les changements qu'ils jugent "imposés".

"Notre proviseur nous a dit que ceux qui ne s'adaptaient pas à ce nouveau modèle pouvaient s'en aller. Ça fait mal d'entendre ça", a déclaré l'enseignante Carla Alcantara, qui est fille de militaire.

Elle s'inquiète notamment de l'impact des nouvelles normes sur les questions identitaires.

"Il faudra dire à un élève qui arbore une coupe afro: +malheureusement, tu vas devoir t'adapter à de nouvelles normes qui n'acceptent pas cet aspect de ton identité+", affirme-t-elle.

Une inquiétude partagée par certains élèves. "J'ai peur que cela affecte notre liberté d'expression", dit Maria Eduarda Lacerda, 14 ans, indignée de ne pas pouvoir s'habiller comme elle le souhaite.

Pour Miriam Fabia Alves, professeur de l'Université Goias qui étudie l'expansion de collèges militaires dans cet Etat depuis 20 ans, le concept de gestion partagée "masque le fait que la direction de l'école est confiée à la police militaire".

Cette spécialiste met par ailleurs en doute le succès de ce modèle, qui suit selon elle "une logique extrêmement conservatrice".

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