Burkini, voile : la laïcité s'apprend aussi sur les bancs de l'université

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Par AFP
Publié le 08 juillet 2017 - 10:36
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Un prisonnier musulman prie dans sa cellule, le 17 septembre 2009 à la prison de Fleury-Mérogis, prè
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© MEHDI FEDOUACH / AFP
Un prisonnier musulman prie dans sa cellule, le 17 septembre 2009 à la prison de Fleury-Mérogis, près de Paris
© MEHDI FEDOUACH / AFP

Mariage civil, port du burkini ou encore d'un habit traditionnel en prison: Taïcha Ben Taled a potassé tous ces sujets au cours de son cursus "Religions, Droit et Vie sociale" à l'Université de Rennes et reconnaît s'être "enrichi d'une base laïque", pour mieux exercer sa fonction d’aumônier en prison.

Comme l'imam de Saint-Brieuc, une quinzaine de cadres religieux et personnels des administrations, neuf femmes et sept hommes de niveaux disparates allant du bac au master 2, venus de tout l'Ouest, ont composé la première promotion bretonne de ce diplôme universitaire (DU), souhaité par Manuel Valls, ministre de l'Intérieur de l'époque.

Au total, 125 heures de cours ont été dispensés entre septembre et mai, suivis d'un mémoire et d'un oral. Les enseignements ont porté notamment sur les relations entre l’État et les religions, l'individu et la liberté de religion, le Droit des organisations religieuses, l'éthique ou encore la fiscalité des cultes.

Des connaissances qui permettront de "répondre aux questions" des fidèles, explique Taïcha Ben Taled qui a validé son DU fin juin tout comme cinq autres imams.

Lorsque "des couples viendront me voir à la mosquée et qu'ils souhaiteront se marier, je vais leur dire qu'en France, c'est le mariage civil qui compte". Ou si "des détenus me demandent s'ils peuvent revêtir le kamis (habit traditionnel) en prison", M. Ben Taled pourra répondre que non, puisqu’il s'agit d'un établissement public.

"Beaucoup de gens pensent que la laïcité c'est interdire. La laïcité c'est la liberté de chacun d’exercer les religions ou non. Quand je suis universitaire, je n’ai pas le droit de mettre mon voile, quand je sors, je le mets librement", cite en exemple Brigitte Feuillet, responsable pédagogique et professeure de Droit.

"80% des enseignements comportent du droit, qui est finalement un moyen de faire vivre ensemble des pensées différentes, des religions différentes", affirme Mme Feuillet.

Désormais les responsables du culte de toutes les religions que l’État emploie dans les hôpitaux, prisons ou au sein de l'armée ne seront recrutés que s'ils obtiennent ce DU auprès d'un des 14 établissements qui le dispensent en France.

- "Débat du burkini" -

"Sur le papier, la composition de notre formation était improbable, des métiers différents, des âges allant de 22 à presque 60 ans mais on prenait du plaisir à se trouver tous les lundi", déclare Pauline Biou, responsable des aménagements de peine au centre pénitencier de Rennes.

"Un bol d'air" pour la jeune femme qui s'est longtemps sentie "oppressée par le débat du burkini". Avec ses camarades de classe, "où chacun osait mettre les pieds dans le plat", elle s'est interrogée sur "l'intention religieuse de ce maillot de bain". "On est dans un contexte où l'on met du religieux là ou il n'y en a pas, on mélange tout", regrette la juriste, qui se déclare athée.

"J'ai appris presque autant dans les échanges informels le temps du midi avec mes collègues que pendant les cours", ajoute la major de sa promotion où religieux et anti-religieux se côtoyaient. "C'est passionnant parce que eux se demandaient comment on peut vivre sans croire et nous inversement".

"Si nous n'étions pas d'accord, on en discutait sans être emporté par des élans d'enthousiasme religieux", atteste Florence Simiand, en charge de l'aumônerie catholique de l'enseignement public d'Ille-et-Vilaine.

"J'espère à terme dans la mission qui est la mienne expliquer auprès des collégiens et lycéens à quel point chacun peut s'exprimer mais qu'il faut respecter le cadre légal dans lequel on vit", poursuit la responsable diocésaine.

A l'issue de la formation, Pauline Biou dont le mémoire portait sur "le port du vêtement cultuel en détention", sait désormais vers quel texte de loi se référer dans son quotidien professionnel. Pour autant, elle admet qu'"il s'agit beaucoup d'une question d’appréciation". "Je suis repartie avec plus de questions qu'au départ. C'est pas plus mal finalement, cela montre que le sujet est très mouvant et pas arrêté."

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