Clément Méric : un accusé assume son passé de skinhead, mais pas les violences

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Par Clara WRIGHT - Évry (AFP)
Publié le 26 mai 2021 - 19:09
Mis à jour le 27 mai 2021 - 00:02
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Samuel Dufour (C), un des trois skinheads impliqués dans la mort de Clément Méric, arrive au tribunal, le 4 septembre 2018 à Paris
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© Thomas SAMSON / AFP
Samuel Dufour, le 4 septembre 2018 arrive au tribunal de Paris
© Thomas SAMSON / AFP

Au deuxième jour du procès en appel pour la mort en 2013 du jeune militant antifasciste Clément Méric, Samuel Dufour a assumé son passé de skinhead mais cherché à décorréler ses opinions des violences qui lui sont reprochées.

Interrogé mercredi à la barre au sujet d'images découvertes sur une clef USB, affichant Hitler, Mussolini ou encore des slogans suprémacistes blancs, Samuel Dufour, 27 ans aujourd'hui, a déclaré: "Si vous voulez m'entendre dire que je suis un skinhead, un nazi, un facho, et tout ce que vous voulez mettre derrière, oui... mais je n'ai pas touché Clément Méric".

"Vous avez compris, vous n'êtes pas jugé pour vos opinions" mais la cour s'intéresse à "comment vous les exprimez vis-à-vis des autres", dans le cadre de l'examen de personnalité, a rétorqué Cosima Ouhioun, avocate de la famille Méric.

En 2018, la cour d'assises de Paris avait condamné Samuel Dufour à sept ans de prison pour violences volontaires en réunion et avec armes, ayant entraîné la mort de Clément Méric, sans intention de la donner. Bien qu'il n'ait pas frappé la victime lors de la bagarre mortelle en 2013, sa participation avait empêché les antifascistes de secourir Clément Méric, selon la cour.

Samuel Dufour avait fait appel. Dans ce nouveau procès devant les assises de l'Essonne, qui doit durer jusqu'au 4 juin, lui et un autre accusé encourent jusqu'à vingt ans de réclusion.

Mardi, la cour s'est intéressée à la personnalité de l'ancien skinhead Esteban Morillo, qui avait reconnu en première instance, en 2018, avoir porté "deux coups" mortels à la victime et avait été condamné à onze ans de prison.

- "On les défonce. MDR" -

Le 5 juin 2013, en fin d'après-midi, deux petits groupes de jeunes militants d'extrême gauche et d'extrême droite se retrouvent fortuitement à une vente privée dans le quartier Saint-Lazare à Paris. Quarante minutes plus tard, une bagarre éclate dans la rue.

Clément Méric, étudiant de Sciences Po Paris âgé de 18 ans, s'effondre sur le bitume après avoir été frappé au visage.

La police retrouve des messages dans le téléphone de Samuel Dufour.

"Salut, j'ai frappé avec ton poing américain, écrivait l'accusé.

- Sérieux, qu'est-ce que tu as fait encore ?

- Ba, il et parti à l'hôpital. 5 contre 3. On les défonce. MDR."

A la barre, Samuel Dufour, à la carrure imposante sous son gilet de costume, a nié avoir utilisé un tel coup-de-poing américain (une arme en métal percée de trous dans lesquels on passe les doigts).

En première instance, les expertises n'avaient pas pu certifier que les blessures constatées lors de la rixe avaient été infligées par cette arme, mais ces expertises n'en avaient pas non plus exclu l'usage.

Mercredi, l'accusé a tenu à souligner ne pas être "connu pour violences avant ou après" la mort de Clément Méric.

- "Désolé" -

L'enquêtrice qui a mené son examen de personnalité, en 2013 peu après les faits, a elle souligné un "changement de comportement" à l'adolescence.

"Littéralement, j'ai pété un câble", a expliqué Samuel Dufour: l'apprenti boulanger "en a eu marre" d'être "traité de facho" dès qu'il évoquait en public ses opinions, tel son sentiment d'injustice devant un ascenseur social bloqué pour ses parents "qui travaillent mais n'arrivent pas à s'en sortir".

"Je me suis dit: vous voulez voir un facho, vous allez en voir un ! Et j'y suis allé à fond", a raconté le jeune homme.

Rasage de crâne. Bombers. Musculation. Soirées au Local, un bar prisé de Serge Ayoub, à la tête du mouvement d'extrême droite la Troisième Voie. Et tatouages nazis.

Pour intégrer ce mouvement, "il faut faire rapidement les tatouages, il faut envoyer des images... mais au jour d'aujourd'hui, je ne pense plus du tout comme ça", a assuré le jeune homme.

"Etait-ce une erreur ?", lui a demandé le président de la cour. "Tout le monde fait des erreurs", a éludé l'accusé, qui a par ailleurs affirmé être "désolé qu'il y ait un mort dans cette histoire".

A l'enquêtrice qui réalisait son examen de personnalité en 2013, Samuel Dufour s'était résumé ainsi: "Je suis un gros con, qui ne veut pas se laisser faire".

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