"Hors Normes" : les héros quotidiens de la lutte contre l'autisme (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 22 octobre 2019 - 17:00
Mis à jour le 24 octobre 2019 - 12:40
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Vincent Cassel Film Hors Normes
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©Gaumont
Vincent Cassel a un rôle émouvant dans ce film.
©Gaumont

CRITIQUE – Présenté hors-compétition en clôture du dernier Festival de Cannes, "Hors Normes", le nouveau film d'Éric Toledano et Olivier Nakache, les réalisateurs d'"Intouchables", sort ce mercredi dans les salles. Il évoque, avec humour et émotion, le sort d'adolescents atteints d'autisme.

SORTIE CINÉ – C'est un film formidable. Dans Hors Normes (ce mercredi 23 octobre sur les écrans), Éric Toledano et Olivier Nakache, les réalisateurs d'Intouchables, évoquent un sujet grave –l'autisme– mais avec humour, humanité, optimisme, en alternant les rires et les larmes comme ils savent le faire dans tous leurs films.

Et leurs deux principaux acteurs sont formidables, eux aussi. Vincent Cassel interprète Bruno, fondateur depuis une quinzaine d'années d'une association, La Voix des Justes, qui s'occupe 24 heures sur 24 d'adolescents atteints de formes d'autisme lourd. Reda Kateb, lui, est Malik, son partenaire qui lui fournit, comme accompagnateurs et référents, des jeunes des quartiers difficiles regroupés dans son association L'Escale et qu'il tente d'intégrer dans la société.

Le portable de Bruno n'arrête pas de sonner. "Je vais trouver une solution" est sa réponse la plus fréquente. Il est célibataire, et ses collègues de l'association n'arrêtent pas de lui organiser des rendez-vous amoureux mais il consacre toute sa vie à son association et à la quarantaine d'adolescents dont il s'occupe, dont Joseph, l'un des premiers, qui a une manie: tirer la sonnette d'alarme des trains et des métros dans lesquels il se trouve.

Malik est marié et père de trois enfants, mais lui aussi passe son temps dans son association et voit peu sa famille. Il doit apprendre aux jeunes de banlieue la discipline, le respect des horaires, le goût du travail bien fait, comme au jeune Dylan, un nouveau venu, à qui il va confier la garde de Valentin, 14 ans, un autiste violent et renfermé.

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Bruno et Malik, avec leurs équipes, font un travail remarquable. Mais les deux associations n'ont pas d'agrément officiel et sont l'objet d'une enquête de l'IGAS (Inspection générale des services) qui menace leur existence…

Comme pour Intouchables, leur film-phénomène de 2011 avec ses 19,5 millions de spectateurs en France (juste derrière les 20,5 millions de Bienvenue chez les Ch'tis, juste devant les 17,3 millions de La Grande Vadrouille), Éric Toledano et Olivier Nakache ont tiré leur scénario d'une histoire vraie: Bruno et Malik et leurs associations La Voix des Justes et L'Escale sont inspirés de Stéphane Benhamou, créateur du Silence des justes en 1996 (voir ici le site internet de l'association), et de Daoud Tatou, fondateur du Relais IDF en 2000 (voir ici le site internet de l'association). Les deux réalisateurs ont rencontré le premier en 1994 quand ils étaient moniteurs de colonies de vacances et le second quelques années plus tard.

Après une pure comédie très réussie, Le Sens de la Fête (2017), Éric Toledano et Olivier Nakache reviennent, pour ce septième long-métrage en commun, à des thèmes qui leur sont chers, comme ils l'avaient fait dans Intouchables ou dans Samba (1974): les milieux associatifs, les immigrés, l'acceptation de la différence, l'éloge du vivre-ensemble, la main tendue à l'autre. Mais toujours en évitant le mélo, grâce à l'humour des dialogues et des situations. "La comédie, c’est parfois de la tristesse déguisée, mais c’est surtout notre façon de nous exprimer et de communiquer entre nous. Dans ces associations, vous passez par toute une palette d’émotions dont le rire, évidemment. Il faut juste qu’il vienne se nicher intelligemment dans les situations", explique Éric Toledano.

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Le sens de la comédie n'exclut pas le sérieux, la précision, la véracité des situations. "Pendant deux ans, nous nous sommes immergés au sein de ces deux associations", poursuit Éric Toledano. "Les scènes du film, y compris celle de la fugue de Valentin, ont toutes été vécues dans la réalité. Dans Hors Normes, chacun est représenté, les autistes, les parents, les référents mais aussi les médecins, les responsables de la santé, l’IGAS. Nous ne pouvions nous permettre de prendre des distances avec la réalité ou de nous montrer maladroits avec trop d’approximations".

Pour cela, ils ont fait appel, pour de nombreux rôles, à de vrais autistes et de vrais encadrants référents, comme Benjamin Lesieur qui interprète Joseph, l'autiste dont s'occupe Bruno et qui symbolise cet équilibre entre humour et émotion qui anime tout le film.

Tous ces acteurs amateurs encadrent le duo empathique formé par Vincent Cassel et Reda Kateb. Le premier (vu récemment dans Le Monde est à toi ou L'Empereur de Paris) est inhabituellement émouvant, les réalisateurs "ont discerné quelque chose chez moi que je ne soupçonnais pas, des choses que je ne me savais pas capable de «sortir»", explique-t-il. Le second (vu récemment dans Django ou Frères ennemis) est plus calme et plus souriant que d'habitude en éducateur des jeunes en difficulté, dans ce film qui, dit-il, "est une parabole sur l’énergie des quartiers: il montre que lorsque l’on apporte un regard de confiance à ces gamins tout en restant vigilant, ils grandissent et s’ouvre alors la voie d’un avenir professionnel".

Lire les critiques:

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> L'Empereur de Paris: Vincent Cassel, nouveau Vidocq

> Django: Reinhardt, le guitariste de jazz aux doigts d'or

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Au-delà de l'hommage au travail ce ceux qui s'occupent des autistes en refusant, par le sport, les sorties, le dialogue, de les laisser enfermés, attachés et abrutis par les médicaments, la question que pose le film est celle de l'intégration et de la place qu'accorde la société à ceux qui sont différents ou marginaux. "C’est tout le sujet du film. Qu’est ce qui définit la notion de marge et la notion de norme? Ce que montre le film, c’est que parfois, c’est en transgressant la norme, à l’image de Bruno et Malik, qu’on la redéfinit. Nous traversons une période où la désobéissance civile gagne. La transgression peut être chaotique mais fertile. Nous n’avons aucune réponse à apporter avec le film, pas de message à adresser au reste de l’humanité. Plus nous avançons dans la vie, plus nous avons la certitude que ce qui importe, c’est le niveau de questionnement", conclut Éric Toledano.

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