"La Belle Époque" : le romantique retour dans le passé de Nicolas Bedos (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 06 novembre 2019 - 16:17
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Daniel Auteuil Dora Tillier Film La Belle Epoque
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Doria Tillier et Daniel Auteuil, vrai-faux couple dans ce film.
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CRITIQUE – Très applaudi au Festival de Cannes où il avait été présenté hors-compétition, le deuxième film réalisé par Nicolas Bedos, "La Belle Époque", sort ce mercredi. Daniel Auteuil y interprète un sexagénaire qui tente de revivre l'époque à laquelle il a rencontré l'amour de sa vie, en 1974.

SORTIE CINÉ – Plus le temps passe, plus la nostalgie gagne du terrain. Même à 40 ans, l'âge de Nicolas Bedos, réalisateur d'un joli deuxième film mélancolique et romantique, La Belle Époque, qui sort dans les salles ce mercredi 6 novembre après avoir été ovationné au dernier Festival de Cannes, où il avait été présenté hors-compétition.

Victor (Daniel Auteuil), auteur de BD à succès dans les années 80 et dessinateur de presse dont le journal n'existe désormais que sur Internet, est un sexagénaire désabusé, dépassé par la vitesse du progrès technologique et des transformations de la société, qui refuse d'avoir un téléphone portable. Au contraire sa femme (Fanny Ardant), psychiatre, s'adapte à la vie moderne, le trouve ennuyeux, le trompe avec le directeur du journal qui l'a viré, et décide de le quitter.

Leur fils, pour tenter de recoller les morceaux et de redonner un peu de réconfort et d'énergie à son père, lui offre une expérience d'un genre nouveau, proposée par Antoine (Guillaume Canet), un ami d'enfance qui a créé son entreprise, Les Voyageurs du Temps. Celle-ci propose à des clients fortunés des soirées à reconstitution historique avec décors dans un grand studio et comédiens et figurants permettant de se plonger dans l'époque de leur choix: un dîner à la cour du roi, une soirée avec Hemingway, une réunion de travail avec les dirigeants du IIIe Reich…

Victor accepte ce cadeau de son fils et se lance dans l'aventure. En donnant tous les détails possibles (et notamment par dessins) à l'équipe des Voyageurs du Temps, il choisit de revivre la semaine la plus marquante de sa vie: celle de mai 1974 où il rencontra sa femme, dans un café-restaurant nommé "La Belle Époque". C'est Margot (Doria Tillier), la petite amie d'Antoine, qui est chargée de jouer le rôle de la femme de Victor 40 ans plus tôt. Elle s'y prend tellement bien que Victor se prête au jeu de cette vraie-fausse fiction-réalité…

Après le déjà très réussi Monsieur et Madame Adelman (2017), c'est le deuxième film comme réalisateur de Nicolas Bedos, touche-à-tout brillant (acteur, scénariste, auteur de pièces de théâtre, chroniqueur télé et radio) qui, ici encore, s'est occupé de tout: réalisation, scénario, dialogues et même musique. Comme dans son premier film, qui racontait la vie d'un couple pendant près d'un demi-siècle, il a choisi sa compagne Doria Tillier pour jouer le rôle féminin principal, mais a laissé à Guillaume Canet le soin d'interpréter son double de cinéma, cet Antoine qui supervise, dans son studio derrière une vitre, la mise en scène de cette reconstitution historique dans laquelle joue sa petite amie.

L'idée de départ du scénario est originale, et son traitement est ensuite très réussi. Le personnage de Victor se retrouve transporté, dans un décor de carton-pâte, en pleine année 1974 avec dans la (fausse) rue l'affiche électorale de Giscard, Solex, Renault-16 et Simca-1000, hippies et chemises à cols pelle à tarte, dans le restaurant reconstitué un juke-box, un client qui lit France-Soir, des œufs durs sur le comptoir en zinc et une blanquette de veau à 20 francs, et dans sa chambre d'hôtel un tourne-disque qui passe les tubes de l'époque (J'ai 10 ans d'Alain Souchon ou Always Something There to Remind Me) et un vieux poste de télé avec Danièle Gilbert, Joe Dassin et Nana Mouskouri.

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Mais Nicolas Bedos –qui n'était pas né en 1974, année des 40 ans de son père Guy Bedos– évite de faire de son personnage principal un porte-parole ronchon du "c'était mieux avant". Il dresse simplement le constat que, chez beaucoup de quadragénaires, quinquagénaires, sexagénaires et plus, existe aujourd'hui une certaine forme de nostalgie sociétale. "Parce que je l’observe autour de moi, y compris chez de fervents progressistes, dont certains ne savent plus trop où ils habitent!", explique-t-il. "La disparition progressive du manichéisme politique, entérinée par l’arrivée de Macron, l’emballement de la révolution technologique, la raréfaction des grands rendez-vous télévisuels donc d’un certain partage collectif en matière de culture, tout ça bouscule un peu et provoque des réflexes, sinon réactionnaires, du moins nostalgiques! Toutes les jérémiades d’Auteuil dans le film, je me suis surpris à les dire ou à les entendre autour de moi!".

De manière plus personnelle, Nicolas Bedos exprime ici aussi, comme dans son premier film, son angoisse du temps qui passe. "Sans me prendre pour Marcel Proust, depuis tout petit je développe surtout une peur pathologique de l’érosion des sentiments, l’effacement des souvenirs, tout ça", dit-il. "Il y a une trouille du désamour qui se balade dans mes trois pièces et mes deux films. Je cherche –en vain– des solutions à travers la fiction qui permettraient de recouvrer l’intensité du souvenir. Des astuces susceptibles de réconcilier ces fragments de vie dont nous sommes tous constitués".

Son film, qui oscille constamment entre mélancolie et ton sarcastique, est une comédie romantique drôle et touchante qui rend aussi hommage aux acteurs, au cinéma, au mélange réalité-fiction, au "film dans le film". Aux côtés d'une Doria Tillier étonnante d'aisance, il est porté par un beau trio d'acteurs émouvants et forts (Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Fanny Ardant) et des seconds rôles de qualité (Pierre Arditi, Denis Podalydès, Michaël Cohen).

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Très prometteur pour la suite de sa carrière de réalisateur, ce deuxième film de Nicolas Bedos montre notamment l'acuité de son regard sur notre époque, ses modes, ses manies, ses transformations, la vitesse du temps qui passe. Exemple: tous ceux que les tics de langage agacent se délecteront notamment d'un dialogue en début de film qui ridiculise la mode actuelle de l'emploi intempestif du mot "sur" ("J'habite SUR Paris", "On est SUR un dossier compliqué", "On part SUR une entrecôte-frites"). Daniel Auteuil est assis et on l'interroge sur ses activités: "En ce moment, vous êtes sur quoi?". Il répond: "En ce moment, je suis sur une chaise".

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