"Ready Player One" : Steven Spielberg plus jeune que jamais (critique)

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Jean-Michel Comte
Publié le 26 mars 2018 - 10:27
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Film Spielberg Ready Player One
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©Warner Bros
En 2045, dans le mobile-home qui lui sert d'appartement, Wade (Tye Sheridan) s'échappe de la vie quotidienne grâce à la réalité virtuelle.
©Warner Bros
Deux mois après "Pentagon Papers", Steven Spielberg présente son nouveau film, ce mercredi sur les écrans: "Ready Player One". Il s'agit cette fois d'un film de science-fiction tiré d'un best-seller, dont l'histoire se déroule en 2045.

Cette année, double ration de Steven Spielberg. Neuf semaines après son formidable Pentagon Papers avec Tom Hanks et Meryl Streep, le plus fameux réalisateur américain actuel présente son nouveau film Player Ready One, ce mercredi 28 sur les écrans français. Un film totalement différent mais tout aussi réussi.

Pentagon Papers, hommage à la liberté de la presse, était tiré d'une histoire vraie, celle du bras de fer entre le Washington Post et le gouvernement Nixon en 1971. Player Ready One, lui, est un film de science-fiction dont l'histoire se situe en 2045, tiré d'un best-seller d'Ernest Cline paru en août 2011.

En 2045, dans une société frappée par la crise économique, le chômage, la pauvreté, la surpopulation, la destruction de l'environnement, le chaos et un profond sentiment collectif et individuel de désespoir, la population n'a qu'une possibilité d'échappatoire: OASIS. Il s'agit d'un jeu vidéo géant, un monde virtuel auquel tout un chacun peut se connecter, avec un masque de réalité virtuelle et éventuellement une combinaison connectée dotée de capteurs. Dans OASIS, n'importe qui peut créer son avatar et vivre une autre vie, quelques minutes, ou quelques heures, ou des journées entières: s'amuser, faire des rencontres, adhérer à un clan, se battre, gagner de l'argent, participer à des compétitions, devenir célèbre ou rester dans l'anonymat, voyager aux limites de l'imagination. C'est Facebook en mieux et en 3D.

Lire la critique – Pentagon Papers: Tom Hanks et Meryl Streep défendent la liberté de la presse

Comme des millions de gens, Wade Watts (Tye Sheridan), 18 ans, orphelin qui vit chez sa tante Alice dans le quartier des "Piles", empilage de mobile-homes délabrés aussi haut qu'un gratte-ciel à Columbus (Ohio), est accro à OASIS. Il y a créé son avatar, Parzival, qui depuis cinq ans tente, comme des millions de gens, de relever un défi: le brillant et excentrique créateur d'OASIS, James Halliday (Mark Rylance), devenu milliardaire, a légué après sa mort son immense fortune et le contrôle absolu de ce monde virtuel à celui qui remportera les trois manches d'une compétition en forme d'énigmes.

Tous les concurrents tentent de rassembler des indices, dans les archives vidéo de James Halliday, pour trouver les clés des trois énigmes. Mais la multinationale Innovative Online Industries (IOI), qui mobilise –en les payant ou sous la contrainte– des milliers de personnes pour travailler et agir dans OASIS et étudier les indices susceptibles de résoudre les trois énigmes, est décidée à remporter le défi à tout prix, pour devenir la première entreprise mondiale.

Un jour, Wade Watts/Parzival remporte la première des trois épreuves imaginées par James Halliday. Il devient à la fois une célébrité dans OASIS et une cible pour le méchant patron d'IOI, qui n'hésite pas à employer les grands moyens pour le neutraliser. Pour se sauver, pour sauver OASIS, et pour tenter de gagner le défi final, Parzival va être aidé par quatre amis virtuels: son meilleur ami Aech, gros baraqué moitié humain moitié machine; Art3mis, jolie motarde rousse aux yeux verts, intrépide et combative; Daito, redoutable samouraï japonais, spécialiste des combats à l'épée et des arts martiaux; et Sho, jeune guerrier ninja brave et courageux. Les cinq ne se connaissent que par leurs avatars, mais vont bientôt se rencontrer dans la vraie vie pour combattre les sbires d'IOI qui vont les traquer –dans le monde virtuel comme dans le monde réel…

"L’un des aspects les plus fascinants de cette histoire, c’est ce qui se passe quand ces personnages –qui ne se connaissent qu’en tant qu’avatars –se rencontrent en tant qu’êtres humains. Quand ils font connaissance dans le monde réel, ils ont des prises de conscience vraiment intéressantes", explique Steven Spielberg, qui n'en est pas à son premier film de science-fiction mais qui est ici au sommet de son art.

Il a fait deux films en un: les séquences qui ont lieu dans OASIS, tournées en numérique, et les séquences de la vie réelle, tournées donc en prises de vues réelles. Avec de l'action, du suspense, des combats et des morts dans chacun des deux mondes, et en fin de film des scènes de solidarité collective et de foule unie pour combattre ensemble, à la fois dans OASIS et dans le monde réel –comme une pétition sur Facebook, d'un côté, et une manifestation de syndicats dans la rue, de l'autre. Et comme pour dire que la solitude et le virtuel ne doivent pas remplacer complètement le collectif et le réel: "Il suffit d’un peu d’imagination pour plonger jusqu'aux confins de l’OASIS. Mais en fuyant la réalité, on se coupe aussi d’une certaine façon de tout véritable contact humain. L’histoire est donc divertissante, mais elle tient aussi un peu de la satire sociale", explique-t-il.

Il y a aussi dans le film une histoire d'amour entre les deux jeunes personnages principaux, et beaucoup d'humour dans les références aux années 80 que Spielberg a glissées constamment tout au long de la description du monde virtuel d'OASIS. Ainsi l'une des clés des énigmes de James Halliday est une allusion au jeu vidéo Adventure d'Atari datant de cette époque, et les tubes musicaux dont on entend quelques extraits sont signés Rush, Depeche Mode, Van Halen, A-Ha ou Everybody Wants To Rule The World (1985), du groupe Tears for Tears (voir ici le clip).

Et surtout, dans OASIS, les clins d'œil aux films de ces dernières décennies se multiplient, comme pour dire qu'en 2045 on aura gardé intacte la mémoire du cinéma du XXe siècle: Jurassic Park, King Kong, Le géant de fer, Alien, Superman, Batman, Saturday Night Fever, Retour vers le futur, Chucky, Godzilla, Goldorak, Citizen Kane et surtout un étonnant hommage au film Shining (1980) de Stanley Kubrick, d'un humour et d'une virtuosité épatants.

C'est une manière pour Spielberg de dire –un peu le même message que Pentagon Papers, finalement– que le présent et le futur n'effaceront jamais le passé; que le cinéma est toujours vivant à l'heure d'Internet, des réseaux sociaux et de la réalité virtuelle; que la vie rêvée ne remplacera jamais la vraie vie; et qu'à 71 ans, il est toujours le meilleur. Et peut faire sienne la réflexion de James Halliday, à un moment du film: "Je ne veux plus de règles. Je suis un rêveur. J'ai créé des mondes" –et réalisé des films aussi différents que Les dents de la mer et La couleur pourpre, que Les aventuriers de l'Arche perdue et Always, que E.T. l'extraterrestre et La liste de Schindler, que Jurassic Park et Amistad, que Minority Report et Il faut sauver le soldat Ryan, que La guerre des mondes et Munich, que Les aventures de Tintin et Lincoln, que Pentagon Papers et Ready Player One

Lire la critique – Le Bon Gros Géant: Steven Spielberg, le conte est bon

Derrière sa caméra, Steven Spielberg est donc un génie. Mais c'est dans OASIS plutôt que dans les scènes de Columbus (Ohio) que le spectateur de ce Ready Player One aura le souffle coupé par des séquences qui ne sont pas toujours des scènes d'action ou de combat, comme celle du Distracted Globe, cette boîte de nuit étonnante où l'on danse en apesanteur, entre autres plaisirs nocturnes, entre deux coupes de champagne sous les néons au milieu de milliers de fêtards de toutes espèces.

Grâce aux effets spéciaux numériques, le spectateur est plongé dans un jeu vidéo géant. Sauf que ce n'est pas un jeu vidéo, c'est un film de Spielberg. Et que l'écran n'est pas celui d'un ordinateur ou d'une tablette, mais un écran de cinéma. Conseil donc aux jeunes cinéphiles internautes: pour une fois, ne téléchargez pas ce film (légalement ou illégalement) sur votre ordinateur ou votre tablette, allez le voir dans une vraie salle de cinéma au milieu de vrais spectateurs –vous verrez, entendrez, ressentirez la différence. Et tirerez la conclusion qu'énonce James Halliday: "La réalité est la seule chose qui soit réelle".

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