"Roubaix, une lumière" : Roschdy Zem chez les Ch'tis (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 19 août 2019 - 10:25
Mis à jour le 20 août 2019 - 20:16
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Lea Seydoux Sara Forestier Film Roubaix, Une Lumière
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©Le Pacte
Léa Seydoux (à gauche) et Sara Forestier interprètent les deux suspectes d'un meurtre à Roubaix.
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CRITIQUE – Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le nouveau film d'Arnaud Desplechin, "Roubaix, une lumière", raconte une histoire policière située dans sa ville natale. Roschdy Zem est impressionnant dans le rôle du chef du commissariat local.

SORTIE CINÉ – Après un quart de siècle de films romanesques, comédies dramatiques, souvenirs autobiographiques, exercices de style et variations intellectuelles, le réalisateur Arnaud Desplechin s'attaque à un genre nouveau pour lui: le polar sociétal. Dans son nouveau film Roubaix, une lumière, qui sort ce mercredi 21 août, il raconte une enquête policière tout en décrivant le contexte social de sa ville natale.

À Roubaix, un soir de Noël, le commissaire Daoud (Roschdy Zem), chef de la police locale, sillonne la ville. Une voiture qui brûle, son propriétaire qui affirme avoir été agressé, un interrogatoire au commissariat qui conclut à une escroquerie à l'assurance: la routine pour Daoud.

En poste depuis 7 ans, il est confronté tous les jours à des enquêtes diverses: braquage d'une boulangerie, incendie d'une maison abandonnée, fugue d'une adolescente de 17 ans depuis 5 semaines, viol d'une gamine de 13 ans. Il connaît les gens, il a de l'intuition et se trompe rarement, il alterne fermeté et compréhension.

Mais il va devoir s'occuper d'un cas plus grave que les faits divers habituels: le meurtre d'une vieille dame de 83 ans, retrouvée étranglée dans son lit. Avec son jeune adjoint le lieutenant Louis Coterelle (Antoine Reinartz), qui vient d'arriver, il va interroger les deux voisines de la victime (Léa Seydoux et Sara Forestier), toxicomanes, alcooliques, indigentes, amantes, qui font figure de suspectes…

C'est un flic chez les Ch'tis, mais plus façon frères Dardenne ou Bruno Dumont que Dany Boon. Cinéaste délicat, cérébral, intello, Arnaud Desplechin a souvent évoqué Roubaix dans ses films précédents mais jamais il ne l'avait décrite de façon si réaliste, avec ses habitants des quartiers défavorisés et ses faits divers auxquels font face les policiers. "Tous mes films, ou presque, furent romanesques. (…) Aujourd’hui, j’ai souhaité un film qui colle au réel, de toute part. Qui reprenne un matériel brut", dit-il. C'est pourquoi il est parti d'un fait divers réel qui eut lieu en 2002 à Roubaix.

Cela aurait pu se passer à Vénissieux, à la Goutte d'Or ou dans les quartiers nord de Marseille, mais "Roubaix est la plus pauvre des 100 plus grandes communes françaises", dit à un moment le jeune lieutenant de police fraîchement débarqué, en voix off. Sans tomber dans le larmoyant, avec des images sombres et sobres et en n'oubliant pas le suspense, Arnaud Desplechin filme la misère sociale incarnée par les deux jeunes femmes suspectées du meurtre.

Leur double interrogatoire, par les deux policiers, est l'occasion de scènes d'une précision au scalpel, épurées, sèches. Dans des rôles lourds, très réalistes, Léa Seydoux et Sara Forestier ne sont cependant pas toujours crédibles: souvent elles surjouent, parfois elles sont parfaites. On est davantage convaincu par les seconds rôles, acteurs non professionnels ou peu connus, qui interprètent notamment les personnages issus de l'immigration.

Mais c'est surtout Roschdy Zem –vu récemment dans le film Persona non grata qu'il a réalisé– qui impressionne. Au-delà de l'histoire policière et de l'atmosphère cinéma-vérité de la réalisation, ce 10e long-métrage de fiction d'Arnaud Desplechin (ce fut le 6e présenté en compétition au Festival de Cannes, dont il revenu bredouille comme les 5 précédents) est un beau portrait de policier qui fait preuve à la fois d'autorité, de bienveillance, d'humanité, de professionnalisme. C'est un flic qui nourrit trois chats devant chez lui (mais ne les laisse jamais entrer), est passionné par les chevaux, a un neveu en prison qui refuse de le voir, va boire des Perrier seul le soir dans un bar.

Lire la critique – Persona non grata: le polar sombre et ensoleillé de Roschdy Zem

"Au coeur du film, se trouve la question de l’inhumain. Qu’est ce qui est humain, qu’est- ce qui ne l’est plus?", explique le réalisateur. "À travers le regard du commissaire Daoud, tout s’avère profondément humain. La souffrance comme le crime. Pour Daoud, le travail de la loi est de faire rentrer dans l’humain ce qui d’abord nous a plongé dans l’effroi". Et dans ce rôle profond, calme, puissant, Roschdy Zem est parfait.

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