"Jonquille" de Jean Michelin : l'engagement français en Afghanistan au plus près des soldats

Auteur(s)
Maxime Macé
Publié le 10 novembre 2017 - 15:14
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"Jonquille" de Jean Michelin: l'engagement français en Afghanistan au plus près des soldats
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©Gallimard
"Jonquille" de Jean Michelin est sorti le 2 novembre 2017.
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Jean Michelin, capitaine d'une compagnie de chasseur à pied de l'armée française, a été déployé avec ses hommes à l'été 2012 en Afghanistan. De cette expérience hors norme, il en a tiré un livre, "Jonquille", publié chez Gallimard.

Jonquille c'est d'abord l'histoire du capitaine Jean Michelin. C'est ensuite celle des hommes qu'il avait sous son commandement. Et enfin une partie du récit de l'engagement de l'armée française en Afghanistan. L'ouvrage, édité par Gallimard, est donc une autobiographie de Jean Michelin et de sa compagnie de chasseurs à pied qui se nomme Jonquille, déployés dans la province de la Kapisa (est de l'Afghanistan) à l'été 2012, peu avant le désengagement français.

Le style est sobre, sans fioriture, presque militaire aurait-on envie de dire, mais la lecture n'en est pas impactée car le récit est particulièrement fluide et ne présente pas de pauses malgré les longs moments d'attentes du soldat dont on apprend l'omniprésence à travers ces pages. L'auteur fait vivre à son lecteur les petits et grands moments de son engagement. Jean Michelin écrit une histoire et narre aussi bien les petits tracas de l'ordinaire, parfois avec humour, que l'impuissance, la frustration et la douleur d'un officier qui voit ses hommes, et leurs interprètes afghans, être la cible d'un attentat-suicide meurtrier alors qu'il se trouve loin d'eux.

On regrettera toutefois les très nombreux acronymes militaires, souvent anglophones, qui, bien que systématiquement expliqué, peuvent perdre le profane tant ils sont récurrents. Le lecteur ne doit pas non plus venir y chercher des réflexions sur les enjeux géopolitiques de cette guerre, elles sont absentes de ce livre. L'auteur s'interroge toutefois sur la question capitale, "brûlante" écrit-il, du sort de ces Afghans qui ont servi comme interprètes auprès de l'armée française.

On apprend d'ailleurs que l'un de ces auxiliaires locaux attaché à la compagnie de Jean Michelin, Hekmat, a pu immigrer en France avec sa famille. L'auteur souligne avec gravité "qu'il vit aujourd'hui très modestement dans une petite ville de province (…) lui qui nous était indispensable et qui a risqué sa peau avec nous (...) et qui, aujourd’hui, est sans doute un anonyme dans un bus, que les gens regardent peut-être d’un œil mauvais...".

S'il est une qualité que l'on ne peut pas enlever à cet ouvrage c'est d'apporter un témoignage brut, sans lyrisme, sur la vie des militaires français en opérations extérieures et particulièrement en Afghanistan. Le grand public ne connaît finalement de ces soldats que ce que les reportages et documentaires qui leur ont été consacrés ont montré.

A la fin de la lecture de cet ouvrage, on a l'impression d'avoir approché la personnalité des militaires cités dans ce livre, dont l'auteur parle presque autant que de lui-même, de les connaître un peu. Et c'est là la grande force de ce livre: nous parler de la vie de ces gens, de leur quotidien, dont nous ignorons tout.

 

Trois questions à Jean Michelin, auteur de Jonquille.

> Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire le récit de votre expérience en Afghanistan?

"Il y a trois raisons qui m'ont poussé à écrire cette histoire. La première, c'est que je voulais que la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui ont servi avec moi ne se perde pas. J'étais capitaine dans un bataillon de chasseurs à pieds tout à fait ordinaire, dans une mission que beaucoup d'autres ont faite avant moi, et après moi ailleurs qu'en Afghanistan, et il me semblait dommage que personne ne connaisse cette histoire. Ecrire ce livre était une façon de rendre hommage à mes soldats ordinaires qui ont vécu des choses extraordinaires, de ce que nous avons construit et de ce que nous avons laissé là-bas.

"La deuxième raison est plus personnelle: l'écriture a été un exutoire pour évacuer les sentiments de deuil, de culpabilité parfois, de colère aussi. Une façon de gérer l'après, le retour.

"Enfin, je voulais pouvoir rendre compte de +ce que c'était+ pour pouvoir me reconnecter avec mes proches, pour pouvoir raconter ce que j'avais vécu".

> Quel est souvenir que vous abordez dans votre ouvrage qui vous a le plus marqué?

"C'est évidemment l'attentat suicide du 9 juin 2012, au cours duquel quatre soldats français et deux interprètes afghans ont été tués, qui m'a le plus marqué. C'est cet événement qui a défini le mandat de ma compagnie. Ce n'est qu'une partie de l'histoire, mais cinq ans après, c'est sans doute ce à quoi je repense le plus souvent".

> Avez-vous eu des retours de vos hommes sur ce livre?

"J'ai communiqué assez tard sur le livre, à l'exception d'amis proches. J'ai demandé aux soldats mentionnés nommément dans le livre l'autorisation d'utiliser leurs prénoms et j'ai reçu des messages absolument bouleversants en réponse, tous soutenant unanimement mon projet. Je crois que la plupart sont heureux et fiers que ce témoignage existe. Certains des anciens de Jonquille sont venus à la séance de signature organisée à Paris le jour de la sortie. D'autres m'envoient, sur les réseaux sociaux, des images du livre qu'ils viennent de recevoir. J'ai reçu les remerciements d'une épouse dont le mari ne parle pas de ses missions.

"D'une manière générale, cela m'a permis de réaliser à quel point les souvenirs sont encore vivaces pour beaucoup et à quel point les liens invisibles tissés au cours de ce mandat sont demeurés forts, même dans le cas de soldats que, pour la plupart, je n'ai pas revu depuis notre retour. C'était ma plus grande angoisse en écrivant ce livre -trahir leur mémoire, leur manquer de respect, ne pas dire la vérité et que l'on me le reproche- et il faut bien reconnaître que leurs retours m'ont énormément touché, et rassuré aussi. Je me dis, même avec le peu de recul que j'ai puisque le livre n'est sorti que depuis quelques jours, que j'ai bien fait de l'écrire. J'en avais besoin, et eux aussi, je crois".

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