Novembre 1954 : Gaston Dominici condamné à mort (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 25 novembre 2014 - 19:26
Mis à jour le 22 novembre 2019 - 18:37
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La Une de "France-Soir" du 28 novembre 1954.
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Le 28 novembre 1954, Gaston Dominici est condamné à mort pour le meurtre, deux ans auparavant, d'un couple d'Anglais et de leur fille, près de sa ferme. Mais sa culpabilité ne sera jamais clairement démontrée et il sera gracié quelques années plus tard.

Ce fut l'une des affaires judiciaires les plus passionnantes de la seconde moitié du XXe siècle: aujourd'hui encore, plus de 60 ans après les faits, l'affaire Dominici reste un mystère.

Dans la nuit du 4 au 5 août 1952, un couple d'Anglais et leur fillette sont assassinés à Lurs, petit village des Alpes de Haute-Provence (à l'époque Basse-Alpes), à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Digne.

Sir Jack Drummond, un biochimiste réputé de 61 ans, sa femme Ann, 45 ans, et leur fille Elizabeth, 10 ans, s'étaient arrêtés pour camper à la belle étoile et avaient garé leur voiture sur le bord de la RN96, près de la Durance. Au petit matin on retrouvera le couple tué par balles et la fillette, un peu plus loin, le crâne défoncé.

A 200 mètres de là se trouve La Grand'Terre, la ferme des Dominici: le patriarche Gaston, 75 ans, d'origine italienne, sa femme Marie, surnommée "la Sardine", leurs deux fils Gustave et Clovis.

Le commissaire Edmond Sébeille, de Marseille, est chargé de l'affaire et, après 15 mois d'enquête, en novembre 1953, Gaston Dominici passe aux aveux, après avoir été accusé par ses deux fils. Il explique aux policiers avoir surpris Mme Drummond en train de se déshabiller et lui avoir fait des avances: le mari est intervenu et Gaston a tiré sur le couple, avant de poursuivre la fillette.

Un an plus tard commence le procès Dominici, à Digne, suivi par de nombreux journalistes et dans une atmosphère passionnée. Onze jours plus tard, à la veille du verdict, le 28 novembre 1954, France-Soir, premier quotidien français, consacre son titre de première page au réquisitoire de l'avocat général.

"Peine de mort pour Dominici, réclame l'avocat général, dont la démonstration a fait forte impression", titre le journal. "La démonstration de l'avocat général, extrêmement brillante, a été suivie avec un intérêt soutenu par un auditoire qui semble avoir été sensible au langage direct et pathétique de l'accusateur", ajoute France-Soir, à côté d'une photo de celui-ci, Calixte Rozan.

Les jurés seront en effet sensibles à ses arguments puisque, le lendemain, Gaston Dominici sera condamné à mort, malgré l'absence de preuves et les différentes contradictions de ses témoignages. Une contre-enquête sera ouverte après cette condamnation mais ne donnera rien.

Dominici cependant verra sa peine commuée par le président René Coty en 1957 et sera gracié et libéré par le général de Gaulle en 1960. Il mourra dans un hospice cinq ans plus tard, à 88 ans, emportant avec lui son secret.

Cette affaire Dominici a passionné l'opinion publique. L'écrivain Jean Giono a couvert le procès pour l'hebdomadaire Art, le cinéaste américain Orson Welles y a consacré en 1955 un documentaire inachevé, et l'affaire a donné lieu à de nombreux livres, à un film sorti en 1973 (avec Jean Gabin dans un de ses derniers rôles), à un téléfilm en 2003 (avec Michel Serrault), et à plusieurs blogs et forums sur Internet.

La plupart de ces documents s'interrogent sur la culpabilité de Gaston Dominici, et élaborent d'autres hypothèses: la volonté de protéger son fils Gustave, un différend familial, un crime de rôdeurs, un accident, un règlement de comptes entre anciens résistants, une affaire d'espionnage (Jack Drummond aurait été membre des services secrets britanniques), etc.

Plu de soixante après, le mystère persiste. Alain Dominici, petit-fils de Gaston, a réclamé à trois reprises la révision du procès de son grand-père, et continue de le faire. Selon lui, la justice et la presse ont faussé les données, "la machine s'est emballée, elle est devenue folle".

Cette affaire a en tout cas tenu en haleine l'opinion publique pendant deux ans, et France-Soir s'en est largement fait l'écho. Le journal s'intéressait particulièrement aux faits divers, comme en témoignent deux autres grands titres de la Une de ce 28 novembre 1954.

L'affaire Dominici partage en effet la première page avec une "terrible tempête dans la Manche", avec "de nombreux navires en détresse". Notamment, "le pétrolier libérien ''World Concord'' (20.000 t.), coupé en deux, est en perdition avec une partie de son équipage".

Autre fait divers, "un curieux drame conjugal à Pontarlier", relate France-Soir: "Marié depuis quatre jours, un photographe puritain tente de tuer sa jeune femme qui lui avait révélé le ''Dieu des corps''", un roman passionnel de Jules Romains. "Elle avait vingt ans. Il en avait vingt-sept", précise le journal, qui raconte l'épilogue de l'histoire: "Il se suicide après avoir grièvement blessé la petite orpheline dont il était tombé amoureux en faisant son portrait". Pourquoi tout cela? Selon France-Soir, "le drame, dont les origines ne sont pas encore nettement établies, semble essentiellement l'issue d'un conflit entre ''l'esprit'' et ''la chair''". Presque aussi mystérieux que l'affaire Dominici...

(Voir ci-dessous, sur le site de l'INA, les aveux de Dominici et la reconstitution, en novembre 1953):

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