Marian Anderson, la chanteuse lyrique qui "pansait les blessures" noires américaines au XXe siècle

Auteur(s)
Moufid Azmaïesh, pour FranceSoir
Publié le 02 avril 2022 - 16:55
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Marian Anderson 2
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AFP
Marian Anderson, dans les années 50.
AFP

CHRONIQUE — Le 24 janvier 2022, tandis que 40 000 personnes éprises de liberté se pressaient devant le Lincoln Memorial aux côtés d’intervenants de premier plan tels Robert Malone, Richard Urso, Peter McCullough, l’amérindien Del Bigtree de l’Informed Consent Action Network et Robert Kennedy, fils du sénateur et candidat présidentiel assassiné en 1968, on voit comme en songe la renaissance du mouvement des droits civiques qui aboutit à la suppression de l’apartheid aux États-Unis en 1965.

S'il était possible d’affirmer que la fin de l’apartheid, ce triomphe pour l'Homme dans des États-Unis racistes, fut le fait d’un seul individu — affirmation hasardeuse, mais dans ce cas précis à méditer, cet individu serait la chanteuse lyrique Marian Anderson (1897-1993).

Qui est Marian Anderson ?

Née à Philadelphie le 17 février 1897, dans une famille très pauvre, Marian Anderson faisait des ménages dès l’âge de six ans. Remarquée pour son talent musical à l’Église, les paroissiens ont alors financé ses études auprès de Giuseppe Boghetti, formé au Conservatoire de Milan — études qu’elle poursuivit en Europe à partir de 1925. Spécialiste du Lied allemand, sa carrière a pris envol en Europe où elle était adulée, alors qu’aux États-Unis les grandes salles de récital et les maisons d’opéra lui étaient interdites en raison de sa couleur de peau. De fait, elle ne foula une scène opératique qu’en 1965 (dans le rôle d’Ulrica dans Un Ballo in Maschera), lorsque, à la toute fin de sa carrière, elle devint la première personne noire à signer un contrat avec la Metropolitan Opera.

Pour le peuple noir américain, le point tournant est peut-être le 9 avril 1939, année où l’impresario Sol Hurok la convainquit de retourner vivre aux États-Unis.

Depuis 1935, lorsqu’elle avait chanté à la Maison-Blanche, Marian Anderson avait le soutien total d’Eleanor Roosevelt, épouse du Président. Celle-ci, face au refus des Daughters of the American Revolution de permettre à Mlle Anderson de chanter dans Constitution Hall, fit en sorte qu’elle pût chanter devant le Lincoln Memorial, où se massèrent 75 000 personnes le 9 avril 1939.

Le début de la fin de l’apartheid aux États-Unis

Très grande, d’un port majestueux, drapée dans les soies des meilleurs couturiers italiens et français, sa beauté, sa grâce et son élégance auraient pu suffire à subjuguer le public. Soit dit en passant, elle était presque certainement un soprano, et non un alto, mais ce n’est pas notre propos aujourd’hui.

Car Marian Anderson avait tout le reste : l’humilité, la très grande technique européenne de chant, la maîtrise parfaite de la diction, de la rhétorique et de la poétique de l’allemand et de l’italien, une imagination fertile, une conviction absolue emportant les publics les plus froids et une compréhension de la condition humaine qui n’est donnée qu’à de rares mortels.

Marian Anderson s’est toujours refusée aux déclarations politiques, préférant laisser à d’autres la tâche de confronter directement les suprémacistes blancs. Par son seul art, elle saurait « panser des blessures » et « ouvrir la cage », selon ses propres mots. Il ne fait cependant aucun doute qu’elle voyait sa mission comme celle de libérer le peuple noir d’Amérique.

Soulignons la collaboration de toute une vie entre Marian Anderson et le pianiste allemand Franz Rupp (1901-1992). Celui-ci a dû quitter l’Allemagne en 1938, car son épouse était juive ; il avait accompagné au piano Fritz Kreisler, Casals, Schlusnus, Lotte Lehmann…

Fort heureusement, de leur collaboration, de nombreux enregistrements demeurent :

They crucified my Lord
Aufenthalt
4 Lieder de Schubert

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