Dans les musées, l'incompréhension de devoir rester fermés

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Par Jean-Louis DE LA VAISSIERE - Paris (AFP)
Publié le 11 décembre 2020 - 18:50
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La collection d'art du château de Chantilly dans l'Oise le 2 mars 2020
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© Philippe LOPEZ / AFP/Archives
La collection d'art du château de Chantilly dans l'Oise le 2 mars 2020
© Philippe LOPEZ / AFP/Archives

Supermarchés versus culture: dans le monde des musées, qui a fait d'importants efforts pour s'adapter au contexte sanitaire, on déplore un deux poids deux mesures, face à une fermeture prolongée, au moins jusqu'à début janvier.

"C'est la stupeur! Je ne vois aucune justification objective. Le commerce semble préféré à la culture. Pour Chantilly, c'est un coup de massue dont on n'avait pas besoin", tempête Christophe Tardieu, vice-président de la fondation du domaine, situé au nord de Paris.

"Pourquoi un centre commercial peut-il ouvrir, et un musée reste fermé, où des circuits ont été aménagés, où la jauge est aisée à respecter", observe-t-il.

Il s'attend pendant les vacances de Noël à une perte de recettes de billetterie de 600.000 à 800.000 euros, pour le château, où est présenté une exposition sur les porcelaines de Meyssen, et pour les spectacles équestres dans les Ecuries.

"On n'aura droit à aucun soutien. L'Etat va se défausser en disant que Chantilly dépend de l'Institut de France", affirme-t-il.

Même regret pour Jean de Loisy, à la tête de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris: "Les raisons pour lesquelles le supermarché est ouvert et le musée fermé ne sont pas seulement de santé publique mais correspondent à ce qu'est la priorité dans la philosophie politique d'aujourd'hui".

"Derrière la nécessité évidente de ce deuxième confinement, se révèle une conception de notre société, plus matérielle et moins intériorisée. C'est grave de penser que la culture n'est pas une nécessité première", déplore-t-il.

Et un haut responsable de musée ayant requis l'anonymat de rappeler qu'Emmanuel Macron avait parlé en 2017 de la culture comme d'un "bien essentiel": une conception, selon lui, largement reléguée au second plan.

Alexandre de Vogüe, directeur du mécénat du château familial de Vaux-le-Vicomte, plus grand monument historique privé de France (Seine-et-Marne), a reçu "une douche froide": "pendant le deuxième confinement, on s'était demandé, raconte-t-il, si on allait faire demi-tour, annuler notre période de Noël, mais les investissements étaient engagés..."

"Or, un tiers de nos visiteurs, soit 100.000, viennent à Noël", souligne-t-il.

-"Tenir le choc"-

Les milliers de musées de France croyaient voir le bout du tunnel, se préparant activement depuis des semaines à une réouverture le 15 décembre. Ils y croyaient d'autant plus que dans des espaces souvent vastes, et sans visiteurs étrangers, le risque de saturation est moindre.

Laurence des Cars, présidente du musée d'Orsay, a maintenu vendredi matin la présentation à la presse de la grande exposition "Les origines du monde", organisée avec le Musée national d'histoire naturelle.

Elle confie "avoir le coeur un peu lourd". "Mais nous allons tenir le choc", s'empresse-t-elle d'ajouter, sans rien objecter à la décision gouvernementale.

Le musée a dû revoir in extremis sa campagne d'affichage et s'est vu confirmer la prolongation des prêts. "Nous avions pris les devants pour prolonger l'exposition de février à début mai", confie-t-elle.

La fermeture va avoir des retombées sur les recettes de billetteries qui constituent la majeure partie des ressources des musées. Mais de puissantes institutions comme Orsay, le Louvre ou Versailles, contrairement à de petits musées aux financements privés, disposent de fonds de roulement stables provenant de l'Etat. Sans cela, c'est "insurmontable", souligne Mme des Cars.

"Des institutions américaines, essentiellement privés, doivent elles licencier et vendre des oeuvres", compare-t-elle.

De leur côté, les 14 musées de la Ville de Paris "se sont sentis baladés de semaine en semaine. Ouvrir, fermer, se préparer à rouvrir, ça a un coût énorme. On ne pourra continuer comme avant", avance un fonctionnaire de la mairie, qui s'inquiète plus pour des institutions comme le Petit palais, le Musée d'Art moderne que pour les petits musées, en partie financés par les locomotives.

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