Didier Raoult, chercheur passionné de virus, accusé de "charlatanisme"

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Par Julie PACOREL, Olivier LUCAZEAU - Marseille (AFP)
Publié le 03 décembre 2021 - 17:52
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Le professeur de médecine français Didier Raoult (g) et son avocat français Fabrice Di Vizio le 5 novembre 2021 à Bordeaux
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© Philippe LOPEZ / AFP/Archives
Le professeur de médecine français Didier Raoult (g) et son avocat français Fabrice Di Vizio le 5 novembre 2021 à Bordeaux
© Philippe LOPEZ / AFP/Archives

Découvreur de bactéries, spécialiste mondialement reconnu des maladies tropicales, Didier Raoult a vu son image écornée jusqu'à recevoir vendredi un blâme de ses pairs, certains l'accusant d'être un "charlatan" en raison de sa promotion d'un traitement à l'hydroxychloroquine contre le Covid-19.

Avant la pandémie mondiale, ce personnage de druide fantasque, aux longs cheveux blancs, une bague à tête de mort à l'auriculaire, n'était connu que de la communauté scientifique.

Mais dès le début de la crise sanitaire en 2020, Didier Raoult, basé à Marseille, à l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, s'est fait connaître du monde entier, jusqu'à devenir l'égérie des "anti-système", dont le portrait est brandi dans les manifestations contre les mesures de restrictions.

Car dès la première vague, l'infectiologue marseillais est allé à contre-courant, en permettant à la population de se faire tester massivement et gratuitement au Covid dès mars 2020, à l'encontre des consignes officielles.

Mais il s'illustre surtout en défendant, envers et contre tous, l'utilisation de l'hydroxychloroquine, un dérivé synthétique de la quinine, prescrit depuis plusieurs décennies contre le paludisme, pour soigner le Covid-19.

Plusieurs études randomisées – la britannique Recovery, la française Hycovid ou Solidarity menée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) – ont toutes conclu que l'hydroxychloroquine n'était pas efficace contre la maladie.

Couplées à ses vidéos tonitruantes sur YouTube, ses méthodes pour défendre l'hydroxychloroquine ont été de plus en plus contestées, notamment par ses pairs.

Depuis l'été 2021, les six membres fondateurs de l'institut, dont les hôpitaux publics de Marseille (AP-HM), ont annoncé leur volonté de tourner la page Didier Raoult, et lui cherchent officiellement un successeur pour l'été 2022.

Lâché par les politiques qui le soutenaient au début de l'épidémie, le scientifique est aujourd'hui acculé de toutes parts, accusé ouvertement d'être un "charlatan" par nombre de confrères pour avoir fait la promotion d'un traitement sans validation scientifique.

L'IHU est quant à lui ciblé par plusieurs enquêtes, de l'Université d'Aix-Marseille, de l'AP-HM et même de l'Autorité du médicament (ANSM), y compris sur des études menées par le professeur Raoult bien avant la crise du Covid-19.

On fait "le procès de la réussite" rétorque Didier Raoult, qui assure avoir reçu "plus de 600.000 patients", sans "aucune plainte" de ces derniers.

- Collectionneur de virus -

Né à Dakar, ce fils de médecin militaire collectionne les bactéries et les virus - il en a plus de 3.000 parmi les plus dangereux au monde dans ses locaux à l'hôpital marseillais La Timone.

Spécialiste mondial des Rickettsies, ces bactéries intracellulaires à l'origine notamment du typhus, il a aussi décrypté le génome de la bactérie à l'origine de la maladie de Whipple, une infection bactérienne chronique, près d'un siècle après l'apparition de cette pathologie.

Dans ses laboratoires, il a multiplié les trouvailles. Comme Mimivirus, ce virus géant qu'il identifie en 1992 et baptise en l'honneur de "Mimi l'amibe", ce héros inventé par son père quand celui-ci lui racontait des histoires pour lui expliquer l'évolution. Puis c'est Spoutnik qu'il repère, grâce à Mimivirus : ce virus nain est exceptionnel car virophage, capable d'infecter un autre virus pour prospérer.

Avec ses équipes, il identifie des dizaines de nouvelles bactéries pathogènes, dont deux portent son nom aujourd'hui: Raoultella planticola et Rickettsia raoultii.

Pionnier de la paléomicrobiologie, Didier Raoult est aussi celui qui a proposé au ministre de la Santé Jean-François Mattei, au début des années 2000, de créer sept "infectiopôles", "des forteresses à la Vauban" contre les maladies infectieuses.

Dix ans plus tard, six IHU sont créés en France, chacun sur un thème différent: Imagine à Paris, sur les maladies génétiques ou Méditerranée Infection, à Marseille, qu'il dirige depuis 2011.

Arrivé à Marseille à l'âge de neuf ans avec ses parents, de retour d'Afrique, Didier Raoult a bourlingué sur un navire de la marine marchande, à 18 ans. Il a passé son bac littéraire à 20 ans, en candidat libre, avant de faire médecine.

Marié à une psychiatre et père de deux enfants, il avait déjà pris des positions controversées, comme quand il a exprimé ses doutes face au réchauffement climatique et à ces modèles mathématiques catastrophistes qui ne seraient qu'une forme moderne de "divination".

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