L'Etat islamique lance une offensive sur plusieurs pays pour "venger le califat"

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Matteo Puxton, édité par Maxime Macé.
Publié le 11 avril 2019 - 11:52
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Capture d'écran d'une vidéo de propagande du groupe Etat islamique (EI) montrant des jihadistes dans un lieu non précisé de la province irakienne d'Al-Anbar, le 17 mars 2014
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© - / AL-FURQAN MEDIA/AFP/Archives
Les djihadistes de l'Etat islamique ont lancé mardi une opération à portée mondiale pour "venger le califat".
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L'Etat islamique a lancé depuis mardi une opération militaire coordonnée sur plusieurs pays qui doit être une "Revanche pour le Cham". Matteo Puxton, observateur de référence du groupe djihadiste, fait le point pour France-Soir sur les multiples attaques menées par l'EI depuis quelques jours.

Le mardi 9 avril 2019, l'Etat islamique (EI) lance une offensive coordonnée d'opérations militaires à la fois par ses cellules clandestines en Syrie et en Irak, mais également dans les branches extérieures au Levant où il est en capacité de frapper ses différents adversaires. Cette opération est baptisée, dans la propagande du groupe, "Revanche pour le Cham", en référence à la chute du dernier réduit territorial en Syrie à Baghouz il y a quelques semaines. Ce qui ne signifiait pas en soi la disparition de l'EI, est-il besoin de le rappeler, puisqu'en Irak l'insurrection est installée depuis plus d'un an, et en Syrie depuis plus de 9 mois.

La première attaque où apparaît mardi 9 avril, dans les revendications de l'EI, l'opération "Revanche pour le Cham", est un raid en Libye visant l'oasis de Fuqaha. La branche libyenne, qui s'est patiemment reconstruite depuis la chute de Syrte en décembre 2016, avait été relativement discrète depuis décembre 2018, moment d'où datait les dernières revendications du groupe. L'Etat islamique profite manifestement de l'offensive du maréchal Haftar contre Tripoli pour viser une cible traditionnelle, Fuqaha, déjà victime de plusieurs raids – le dernier en octobre 2018.

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Cette ville est importante pour les forces du maréchal Haftar puisqu'y transitent certaines des unités engagées dans l'offensive contre Tripoli. La wilayat (province) al-Barqah de l'EI annonce avoir tué le commandant de la garde municipale de Fuqaha, et le maire de la localité, dont la maison a également été incendiée, avec le poste de la garde municipale et des maisons "d'apostats" -dont plusieurs auraient été enlevés. Un second communiqué de l'organisation djihadiste précise que le groupe était à la recherche de membres des forces de Haftar. La presse locale confirme l'attaque, menée par une colonne de véhicules qui a coupé les communications et l'électricité dans Fuqaha.

Communiqué de l'EI sur l'attaque à Fuqaha (Libye).

On retrouve l'opération "Revanche pour le Cham", ensuite, en Egypte: la wilayat Sinaï annonce qu'un kamikaze, Abou Hajar al-Masri, a fait sauter sa ceinture d'explosifs devant un poste de police de Sheikh Zuwayd, tuant ou blessant 15 policiers selon l'Etat islamique, dont le chef du département d'enquêtes. Le ministère de l'Intérieur égyptien annonce quant à lui que quatre policiers ont été tués, ainsi que trois civils (dont un enfant de 6 ans...) et que 26 civils ont été blessés. Dans la soirée, l'EI diffuse une photo du kamikaze. Le groupe djihadiste monte également d'autres attaques: un engin explosif improvisé cible un char M-60 au sud d'el-Arish; un sniper abat un soldat à un checkpoint à Rafah; un véhicule blindé Fahd-240 est visé par un engin explosif improvisé à un autre checkpoint.

Abou Hajar al-Masri, le kamikaze de Sheikh Zuwayd (Egypte). Il tient un fusil d'assaut AK-103-2.

C'est ensuite le secteur d'al-Khayr en Syrie (correspondant en gros à la province de Deir Ezzor) qui annonce plusieurs attaques liées à l'opération "Revanche pour le Cham". Un responsable de la sécurité du "PKK" (dans la terminalogie de l'EI, les forces kurdes syriennes sont associées au PKK turc) est assassiné avec une arme à silencieux dans sa maison près d'Hawaij. Un autre membre du "PKK" est capturé près d'al-Busayrah, exécuté, son véhicule pris de même que ses armes. Une embuscade est tendue à deux véhicules près d'al-Busayrah également, et l'Etat islamique procède aussi à une attaque à l'engin explosif improvisé et à celle d'un checkpoint. La zone d'opérations circonscrite ici est celle où les "détachements de sécurité" de l'EI sont les plus actifs depuis le lancement de l'insurrection à Deir Ezzor en territoire tenue par les Forces démocratiques syriennes (août 2018). L'organisation salafiste fait exploser un engin explosif improvisé dans le secteur de Dhiban.

Les cellules de l'Etat islamique à Raqqa participent aussi à l'opération "Revanche pour le Cham". Un engin explosif improvisé explose au passage d'un véhicule à l'est d'al-Karamah, tuant ou blessant six occupants selon le groupe. Les djihadistes attaquent également un checkpoint, et un village dans le nord de la province de Raqqa (district de Suluq). Un barrage de police est attaqué à Jadid Kabour (trois morts, cinq blessés selon l'EI).

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Dans Raqqa, les combattants de l'EI font exploser un engin explosif improvisé dans la rue al-Nour, puis, après l'arrivée des miliciens sur le site, font sauter une voiture piégée garée à proximité. L'explosion aurait tué ou blessé 12 hommes et détruit trois véhicules. Dans la soirée, l'EI diffuse une vidéo Amaq montrant l'explosion de la voiture piégée. Les sources locales confirment qu'au moins dix personnes ont été tuées. Une moto avec deux hommes est prise pour cible à l'est de Raqqa, tandis qu'un engin explosif improvisé explose devant la maison d'un "apostat" à Jadid Khabour.

Moment de l'explosion de la voiture piégée dans la rue al-Nour de Raqqa.

Dans la province de Hasakah, l'Etat islamique annonce une attaque au véhicule kamikaze sur un convoi des FDS et de la coalition circulant entre Hasakah et Shaddadi. Le kamikaze, Abou Mutasim Ansari, aurait fait exploser son véhicule sur le convoi, détruisant trois véhicules (mais aucun chiffre de pertes n'est donné, ce qui tend à laisser penser que l'attaque a échoué). Le véhicule était semble-t-il une camionnette Kia 2700.

Voir - Syrie: encerclé à Baghouz, l'Etat islamique mène une campagne de terreur à Hassaké

La branche Afrique occidentale de l'EI, au Nigéria, prend également part à l'opération de vengeance: ses combattants tirent des roquettes Grad sur l'aéroport et une base militaire à Diffa, au Niger, près de la frontière avec le Nigéria (Etat du Borno). Mais les roquettes tombent à 2km de l'aéroport.

En Somalie, la branche locale de l'Etat islamique contribue à l'opération "Revanche pour le Cham" en assassinant un officier de police à Bosasso, dans le Puntland.

En Irak, dans la province d'al-Anbar, l'EI fait exploser deux engins explosifs improvisés sur des véhicules de l'armée à al-Qaïm (8 morts ou blessés dont un officier, selon le groupe). Un engin explosif improvisé est "collé" sur le véhicule d'un officier du renseignement dans la ville d'al-Qaïm, le tuant et détruisant son véhicule selon les djihadistes. Une base de l'armée est attaquée à la frontière irako-jordanienne: l'Etat islamique annonce 11 tués ou blessés, deux véhicules détruits et les baraquements incendiés.

Dans la province de Kirkouk, le groupe terroriste fait sauter un engin explosif improvisé sur un véhicule de miliciens chiites dans le secteur de Tuz Khurmato.

Dans la province de Diyala, un djihadiste jette une grenade sur le véhicule d'un membre de l'armée dans un village au nord de Muqdadiyah.

Ainsi, l'Etat islamique a été capable de coordonner une série d'opérations à la fois avec ses cellules clandestines en Syrie et en Irak, mais également dans ses branches extérieures les plus dynamiques. L'opération "Revanche pour le Sham" se poursuit mercredi 10 avril: le secteur Dijlah (Tigre) de l'organisation revendique de nombreux tués chez les policiers et les miliciens tribaux dans la zone d'al-Shirqat, dans la province de Salahuddine (une des opérations est illustrée par un reportage photo) ; le secteur al-Khayr (Deir Ezzor) lance une attaque dans la ville de Shuhayl ; la branche Afrique occidentale utilise, peut-être pour la première fois, un commando inghimasi de quatre hommes pour attaquer la gendarmerie de Diffa au Niger, à la frontière du Nigéria.

On peut donc mesurer combien il est prématuré de crier victoire trop vite: l'Etat islamique est loin d'être vaincu.

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