Relation fusionnelle avec son enfant : où sont les limites ?

Auteur:
 
Rodolphe Oppenheimer, édité par la rédaction
Publié le 26 avril 2018 - 14:48
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Un père et son enfant.
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©Capture d'écran Change.org
Il faut savoir poser une limite à sa relation avec un enfant pour aider à son développement.
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La venue d'un enfant entraîne souvent une focalisation sur le nouveau venu dans la famille, saine et prévisible. A condition de savoir mettre des limites. Pour "France-Soir", le psychanalyste Rodolphe Oppenheimer livre ses conseils pour savoir fixer la séparation nécessaire entre l'amour parental normal et la "fusion" excessive.

Il n’est pas aisé de trouver l’équilibre parfait dans nos relations avec nos enfants.

Dans le cadre d’une étude sur la composition familiale actuelle, il a été déterminé qu’un enfant sur sept vit avec un seul de ses deux parents. Il s’agit du père ou la mère bien entendu, mais, dans les faits, neuf fois sur dix ce sont les mères qui élèvent leurs enfants seules. Elles ont à cœur d’offrir une vie aussi équilibrée que possible, faite de bonheur, d’amour et de protection sans pour autant faire de leurs enfants des "rois".

Le phénomène fusionnel peut exister, mais il doit être limité dans sa durée. Si l’enfant à sa naissance occupe une place omniprésente, les deux parents doivent conserver leur rôle de parents mais ne doivent pas pour autant étouffer leur vie de couple. L’enfant, le nouveau-né, ne doit pas remplacer le conjoint sans quoi c’est le schéma familial entier qui va être bouleversé. Pour mémoire, n’oublions pas qu’avant la naissance, l’enfant et sa mère entretiennent une relation particulière pendant neuf mois. Il s’agit donc d’une "fusion" réelle que l’on ne peut briser du jour au lendemain.

Vers six ans il faut commencer à installer des limites dans cette fusion enfant-maman, il ne s’agit absolument pas de les séparer, mais de pousser l’enfant à intégrer l’ensemble de la famille telle qu’elle est construite, le père, puis les frères et sœurs, oncles, tantes, cousins, puis les amis. Il n’est pas rare d’entendre que tout le phénomène de socialisation de l’enfant se construira à ce moment de sa vie. L’enfant ne doit pas se confondre avec une mère ni avec un père, il doit conscientiser qu’il est un être à part entière. En l’absence de structures, un parent au même titre qu’un enfant, ne pourra pas fixer de barrières de son "moi" avec le monde.

La crise d’adolescence a vocation à détacher l’enfant de la fusion parentale. Même si elle est parfois violente au goût des parents, elle apparait nécessaire dans la construction psychique de l’enfant. Tout en se détachant de sa cellule familiale, l’adolescent rencontre la vie, la sphère amoureuse et s’entoure de copains, d’amis. Il se crée sa propre vie au fur et à mesure des années.

Lire aussi: Comment gérer la crise de la quarantaine?

Il est important qu’un parent reste dans son rôle et qu’un enfant ne soit pas traité comme un adulte. Bien qu’il soit plus simple de tout céder à un enfant, ce type d’agissements serait de nature à ne pas lui offrir un cadre, il ne se sentirait pas contenu. Il risquerait au début de l’adolescence de ressentir des troubles anxieux. L’enfant doit avoir un minimum d’autonomie sous le contrôle de ses parents, assez tôt. Il peut faire des petites choses et le parent peut, petit à petit, donner à l’enfant des petites tâches qui augmenteront avec le temps (commencer à apprendre à faire son lit, ranger sa chambre, s’habiller tout seul même si cela prend du temps etc.). Il ne faudra pas exiger d'un petit plus qu’il ne peut faire: procédez par étapes sans le brusquer mais en le responsabilisant.

Il pourra en grandissant acquérir une autonomie selon son âge et son degré de maturité. Une fusion trop importante et trop longue serait au détriment du couple. Il est n’est pas recommandé, pour les parents, de se sacrifier pour un enfant, le couple n’en serait qu’usé et l’enfant se consacrera uniquement à ses parents tendant à vouloir "rendre" ce sacrifice au détriment de sa propre vie ("mes parents se sont sacrifiés pour moi à moi de me sacrifier pour eux"). Il s’agirait d’une notion perdant-perdant. Plus un enfant est sensible à ce qui se passe autour de lui, plus le parent à l’impression qu’il peut se confier et raconter ses problèmes de couple, mais il ne faut pas perdre de vue qu’un enfant n’est pas un confident,. Il doit garder sa place pour son bon équilibre psychique.

Un enfant qui entend que des problèmes terrassent ses parents n’est qu’un témoin enchaîné qui ne peut en rien contribuer à la situation, il faut qu’il reste concentré sur des activités sur lesquelles il peut agir (devoirs, activités culturelles etc.). Un enfant intelligent ou précoce n’est pas un adulte, il doit pouvoir se créer un monde à lui, un monde qu’il pourra, s’il le souhaite, partager en partie avec vous, mais ce monde doit être le sien et lui appartenir cela construira sa notion d’individualisation. Entre ne rien dire tout en présentant une mine patibulaire et se confier à une enfant comme à un psy, il faudra trouver le meilleur compromis.

Voir aussi: Internet et les enfants: comment les accompagner et les préserver

Combien de patients et de patientes m’ont confiés ne plus avoir besoin de partenaires tant la joie vécue avec leurs enfants est grande. Or, les enfants ne doivent pas être le "centre du monde" de l’adulte, du parent. Un petit garçon ne doit pas être considéré comme "l’homme de la famille" dans une famille monoparentale. Cette appellation est fausse (il n’est pas un homme, mais un petit garçon), elle suggère également que c’est lui qui "commande". Cette charge est trop lourde pour lui et elle est fausse; seuls les parents, la mère et/ou le père "commandent" quelle que soit la configuration familiale. Pour une petite fille c’est la même chose, elle n’est pas "la femme de la maison", elle reste une petite fille qui a pour seules missions de jouer et grandir, elle ne doit pas être enfermée dans un schéma culturel d’un autre âge.

L’enfant qui a son espace ne doit pas pouvoir accéder au monde des adultes sans y être autorisé. Il peut faire un câlin le soir avant de se coucher dans son lit ou le matin au réveil, mais les règles doivent être extrêmement claires. La seule dérogation à cette règle est la peur nocturne, il faut dans ce cas expliquer à l’enfant qu’il doit être conscient qu’être réveillé en sursaut n’est agréable pour personne et que cette dérogation ne s’applique que si "vraiment" il y a un souci. Vous lui montrez ainsi que même s’il y a des règles de vie à respecter, vous êtes et serez toujours s'il a un problème.

Cet article a été rédigé par Rodolphe Oppenheimer, psychanalyste libéral (http://www.psy-92.fr/). Ses deux derniers ouvrages, Peurs, angoisses, phobies, par ici la sortie! (Ed. Marie B) et Se libérer des troubles anxieux par la réalité virtuelle (Ed. Eyrolles) sont disponibles en librairie.

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