Habitat indigne : un an après Marseille, l'ambition politique "pas à la hauteur", selon la Fondation Abbé Pierre

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Par Romain FONSEGRIVES - Paris (AFP)
Publié le 01 novembre 2019 - 11:44
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Des immeubles dans la rue d'Aubagne à Marseille, le 25 octobre 2019, près du site où trois immeubles insalubres se sont effondrés un an auparavant
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© GERARD JULIEN / AFP/Archives
Des immeubles dans la rue d'Aubagne à Marseille, le 25 octobre 2019, près du site où trois immeubles insalubres se sont effondrés un an auparavant
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Un an après l'effondrement meurtrier de trois immeubles insalubres à Marseille, l'ambition des pouvoirs publics "n'est absolument pas à la hauteur des enjeux posés par l'habitat indigne" en France, estime le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert.

Pour éradiquer les 600.000 logements indignes qu'elle recense, l'association réclame un plan national qui fixe aux communes et à l'État l'objectif de rénover 60.000 foyers par an pendant 10 ans.

Question: Un an après le drame de la rue d'Aubagne à Marseille, a-t-on pris la mesure de l'habitat indigne en France ?

Réponse: Difficile de dire si cette catastrophe a vraiment créé les bases d'une transformation sur la lutte contre l'habitat indigne. Il y a une sensibilité nouvelle à la question. Il y a des maires qui ont été alertés par cette catastrophe, des moyens supplémentaires qui ont été mis en place sur le plan de l'inspection comme sur le plan judiciaire. Mais concrètement, dans la mise en œuvre de réponses pour les personnes victimes d'habitat indigne, on est encore très loin du compte.

Selon nos statistiques, il y a environ 600.000 logements indignes en France. C'est énorme. Ca veut dire qu'une politique structurellement très offensive dans la durée s'impose. Il faut mettre le paquet en Ile-de-France, notamment en Seine-Saint-Denis, dans les Bouches-du-Rhône, qui est un département très touché au-delà de Marseille, une partie de l'Occitanie, certaines villes des Hauts-de-France, et un ensemble de villes moyennes en déprise économique, et dont le parc se dégrade à vitesse grand V.

Q: Les pouvoirs publics manquent-ils d'ambition sur ce sujet ?

R: L'ambition formulée aujourd'hui par la puissance publique n'est absolument pas à la hauteur des enjeux posés par l'habitat indigne dans notre pays. Nous n'avons pas été entendus sur le plan que nous avons proposé en janvier dernier: on n'est pas du tout au niveau de l'objectif de 60.000 logements rénovés chaque année pendant 10 ans, que nous appelons de nos vœux.

S'il n'y a pas des objectifs de ce type, nous sommes convaincus à la Fondation Abbé Pierre que dans deux ans, on sera certes intervenu sur un certain nombre de logements, mais on n'aura pas mis une ambition considérable pour éradiquer le problème. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) a rénové ces dernières années entre 12.000 et 15.000 logements par an. Donc vous voyez qu'il y a beaucoup de chemin à parcourir.

Il faut impérativement que l'État fixe des objectifs nationaux, contractualise (ces objectifs) avec les collectivités. Et si les collectivités n'agissent pas, il faut qu'il y ait substitution de l'État. Exactement comme pour la loi SRU (Solidarité renouvellement urbain) sur la construction de logements sociaux (qui oblige les communes à disposer de 25% de logements sociaux dans leur parc immobilier, ndlr).

Q: Au-delà de la rénovation, y a-t-il d'autres mesures qui permettraient de lutter contre ce fléau ? Une police du logement, comme le proposent Les Républicains au Sénat ? Un permis de louer comme dans certains endroits de Seine-Saint-Denis ?

R: Celui qui veut agir a déjà tous les outils incitatifs et coercitifs pour le faire. Donc simplifier les polices, sans doute oui, mais ça n'empêchera pas qu'il faudra de la volonté politique.

Concernant le permis de louer, pour qu'il soit efficace il faut s'assurer qu'on ait mis en place les moyens pour donner la première autorisation (au propriétaire), c'est-à-dire qu'il y ait vraiment des visites (de contrôle) dans les logements. Et puis qu'on puisse suivre le logement dans le temps: un logement peut être sain à la première visite, mais dix ans après, il peut être complètement pourri parce qu'il y a plein d'infiltrations. Et dans ce cas, il y a eu un blanc-seing donné par un document de la collectivité au propriétaire pour le louer.

Il faut donc vraiment se doter de moyens pour accompagner le permis de louer, et on pense qu'il faut plutôt le circonscrire dans des petites zones très marquées par l'habitat indigne, des îlots dans certains centres urbains.

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