Se baigner nu dans les thermes au Japon : un usage qui veut résister à la déferlante du tourisme mondialisé

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Damien Durand (Kobe, envoyé spécial)
Publié le 26 octobre 2017 - 20:11
Mis à jour le 24 novembre 2017 - 19:39
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Un "onsen" au Japon.
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©Japanexperna.sa/Flickr
Dans pratiquement tous les bains publics du Japon, la nudité intégrale est la règle.
©Japanexperna.sa/Flickr
Le Japon compte un peu plus de 3.000 sources thermales, principalement visitées par une clientèle japonaise. Dans ces eaux aux propriétés réelles ou présumées sur la santé, l'usage est de se baigner entièrement nu (et déjà lavé) ce qui éloigne de fait de nombreux touristes étrangers. Face à la tentation de faire évoluer les usages pour capter la manne touristique à venir avec les JO de 2020, les exploitants veulent rester fermes.

(De notre envoyé spécial) Les avertissements pullulent sur Internet, entre blogs, sites spécialisés et pages officielles de bains publics: oui au Japon le thermalisme se pratique entièrement nu. On ne garde pas le haut et surtout pas le bas. En Europe, porter un maillot c’est de la pudeur. Au Japon, c’est un manque d’hygiène.

Le fait en serait presque anecdotique s’il ne commençait pas à poser quelques problèmes. Le Japon accueille en effet plus de 20 millions de touristes et tous ne sont pas uniquement attirés par les lumières de Tokyo et les paysages urbains à n’en plus finir. Et surtout le pays s’apprête à recevoir les jeux Olympiques et la manne financière qui va avec côté tourisme. Ce qui nécessite quelques aménagements, comme des changements de signalisation routière ou une tentative (aux résultats mitigés) de faire monter le niveau d’anglais dans les hôtels. Mais la possibilité d’autoriser le maillot dans les bains publics ne passe pas… comme l’angoisse de futurs touristes frustrés de rater une expérience authentique mais trop pudiques pour déambuler nus dans les établissements dédiés.

Lire aussi: Japon: sur l'île d'Awaji, la lutte pour faire perdurer le "jôruri", l'art des marionnettes traditionnelles

"Globalement nous n’avons pas encore trop de problèmes car les touristes occidentaux qui viennent jusqu’ici apprécient la culture et le mode de vie japonais et se sont bien renseignés sur les pratiques locales" nous explique Laanya, une Marocaine qui tient avec son mari japonais et sa belle famille une auberge traditionnelle avec les thermes appelés "onsen" à Arima, sur les hauteurs non loin de Kobe (voir ici). "D’ailleurs si j’acceptais que des étrangers puissent rester en maillot, je perdrais une partie de ma clientèle japonaise qui représente la très large majorité des gens qui séjournent ici" ajoute-t-elle.  

Les quelques problèmes signalés sont d’ailleurs surtout le fait d’une clientèle asiatique, plus proche géographiquement et paradoxalement moins au fait des traditions japonaises sur les onsen. Mais la crainte de l’arrivée massive d’Européens et d’Américains dans le cadre des JO, et guère connaisseurs des usages, inquiète. C’est d’ailleurs avec la venue progressive de ces derniers au cours du XXe siècle que les bains thermaux ont déjà renoncé à une première caractéristique: la mixité. Puis les onsen ont lâché sur d’autres points: auparavant lieux de socialisation, le contact entre les baigneurs était courant et il était possible notamment d’y consommer de l’alcool. Depuis, les lieux ne sont dédiés qu’à la baignade aux vertus thérapeutiques présumées. Et les Japonais ne veulent pas lâcher sur la nudité.

"Les gens ici ne veulent pas d’un monde où tout est globalisé et uniformisé. Il y avait déjà eu des problèmes avec certaines exigences pour pouvoir obtenir du bœuf de Kobe halal de la part de personnes qui voulaient profiter de ce produit d’exception en respectant les interdits religieux" assure Laanya qui ne croit pas que les choses vont changer, au moins à la campagne. Reste à voir si la mégalopole tokyoïte, qui s’attend à plus de 900.000 visiteurs pour chaque jour des deux semaines de compétition sous le regard planétaire résistera également à la tentation de rentabiliser commercialement des jeux Olympiques  qui inquiètent plus les Japonais qu’ils ne les enthousiasment.

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