La France face au déni des violences faites aux femmes

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 07 mars 2016 - 16:13
Image
manifestation anti-viol en France
Crédits
©Anne-Christine Poujoulat/AFP
Quatre Français sur dix estiment en outre que la responsabilité du violeur est moindre si la victime se montre aguichante.
©Anne-Christine Poujoulat/AFP
Depuis samedi sont diffusés sur les ondes des témoignages pour inciter les victimes du viol à sortir du silence. Car, face aux violences faites aux femmes, la France est encore dans le déni, comme le prouve une accablante étude publiée la semaine dernière.

Diffusion sur les radios de témoignages de femmes violées dénonçant la loi du silence, appel du président François Hollande à "regarder en face" le harcèlement, un "phénomène de masse": la France a encore fort à faire pour combattre le déni d'une société valorisant la virilité.

La voix usée, Anna raconte son mari, Louis, qui "un soir, alors que je faisais ma toilette, est entré dans la salle de bain. Il m'a prise de force, il m'a violée. Pour moi ce fut le début du calvaire. J'avais trop peur pour divorcer, alors je me suis tue. Mais garder le silence pendant trente ans, personne ne devrait subir ça". A l'initiative du Collectif féministe contre le viol, ce témoignage, parmi d'autres, est diffusé depuis samedi 5 mars sur les ondes pour inciter les victimes à sortir du silence dans lequel elles se sont emmurées par honte ou culpabilité.

En France, plus de 86.000 femmes par an sont victimes de viol ou tentative de viol. Or seules 13% des victimes portent plainte et 1% des plaintes conduisent à une condamnation. "Libérer la parole est la première étape de la reconstruction", estime Marie-France Casalis, une responsable de l'association. Mais face à ce déséquilibre entre les faits et leur reconnaissance pénale, le Collectif demande aussi une enquête systématique à la suite des plaintes et que les agressions sexuelles soient considérées comme un crime et non un délit (ce qui entraine des peines moins lourdes). En France, un viol - "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit + commis+ par violence, contrainte, menace ou surprise" - est un crime passible de 15 ans de prison. Voire 20 en cas de circonstance aggravante: viol commis par le conjoint, sur une victime malade, infirme ou enceinte, sous la menace d'une arme...

Or une étude sur la perception du viol par les Français, publiée pour la première fois la semaine dernière par l'Association Mémoire traumatique et victimologie, a provoqué la stupeur en soulignant la persistance d'inquiétants stéréotypes. Ainsi, 24% des Français considèrent qu'une fellation forcée relève de l'agression sexuelle et non du viol. Quatre Français sur dix estiment en outre que la responsabilité du violeur est moindre si la victime se montre aguichante. Quant aux jeunes, pour près d'un tiers des 18-24 ans, "les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d'une relation sexuelle". "Loi du silence, déni, impunité, absence de reconnaissance, de protection et abandon des victimes de violences sexuelles règnent encore en maîtres", déplore la présidente de l'association, Muriel Salmona.

S'exprimant pour la première fois dans un magazine féminin depuis son élection en 2012, à quelques jours du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, le président socialiste a reconnu un harcèlement "scandaleusement banalisé" dont sont victimes les femmes en France. Les harcèlements verbaux ou physiques que subissent les femmes représentent "un phénomène de masse qui doit être regardé en face car il atteint les principes mêmes de la vie en commun", estime-t-il dans le dernier numéro du magazine Elle, en annonçant de "nouvelles initiatives" parce qu'"aucun geste ne doit rester sans réponse".

La France est-elle cette société où perdure le "mythe sexiste d'une sexualité masculine naturellement violente", selon l'amère conclusion de l'étude sur les représentations du viol? Selon le sociologue François de Singly, "la société porte au pinacle la notion de virilité, qui contient une logique de violence que l'on retrouve dans la guerre, la compétition et la sexualité. Et personne n'ose dire que cette virilité est condamnable". Il souligne aussi que "les valeurs historiques qu'on a inculquées aux garçons sont des expressions de la violence", induisant au sein de la société que "la force est légitime". "Derrière la logique du viol, c'est la logique de la violence légitime", dénonce-t-il, en appelant à repenser l'éducation des garçons. François de Singly plaide aussi pour l'interdiction des châtiments corporels prodigués par les parents, qui valide dès le plus jeune âge l'idée d'une violence légitime. La France a été épinglée l'an dernier par le Conseil de l'Europe pour ne pas avoir encore clairement interdit la fessée et autres gifles, contrairement à une majorité de ses voisins européens. "Tant que les corrections physiques ne sont pas interdits, tout discours contre le viol est hypocrite", juge-t-il.

 

À LIRE AUSSI

Image
François Hollande.
François Hollande se confie à "Elle" : "je racontais des histoires aux enfants le soir"
Dans une interview accordée au magazine féminin "Elle", François Hollande s'est exprimé sur le droit des femmes. Mais, entre deux passages politiques, le président a j...
03 mars 2016 - 13:52
Politique
Image
Dans les escalators du métro parisien.
Paris : une étudiante violée en plein jour dans le métro
Une jeune étudiante américaine a été violée dans une station du métro parisien, mardi. En pleine journée, dans les escalators, l'homme a baissé le pantalon de la victi...
04 mars 2016 - 13:59
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.