D’essai en essai, d'étude en étude, de débat en débat, de la vie à la mort

Auteur(s)
Xavier Azalbert pour FranceSoir
Publié le 25 mai 2020 - 22:35
Mis à jour le 26 mai 2020 - 21:06
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Les essais, les études, les débats sans fin, pendant ce temps la vie finie
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Gordon Johnson de Pixabay
Les essais, les études, les débats sans fin, pendant ce temps la vie se termine
Gordon Johnson de Pixabay

EDITO : En France, en s’affranchissant de la planification à long terme qui permettait d’avoir une vision macro, nous avons assisté à l’éclosion d’une nouvelle forme de process décisionnel : « l’essayite » ou « l’étudite » pour valider les décisions.

D’un gouvernement à l’autre les choses se ressemblent, une étude succède à une autre.

Le rapport Rocard sur les retraites a presque 40 ans (la moitié de l’espérance de vie des Français). Depuis, nous sommes passés d’étude en étude et de consultation en consultation. Quelques lois ont fait évoluer à la marge la situation, mais elles n’ont pas réglé les problèmes de fond. L’évolution incrémentale a été préférée aux grandes révolutions afin d’éviter des mouvements sociaux d’une trop grande ampleur. Pourtant, ces petites évolutions donnent toutes lieu à contestation, car il y a toujours un sous-ensemble qui se sent défavorisé. Un jour, ce sont les avocats et experts comptables, et le lendemain les médecins. Puis c’est la CGT qui conteste la perte d’avantages acquis de haute lutte contre le patronat. En fait, ces avantages ne sont pas acquis contre le patronat, mais bien contre tous ceux qui ne sont pas concernés par tous ces groupes corporatistes. Pour faire entendre sa voix, et se sentir renforcé et légitimé dans la quête de son Graal, le lobbying reste le meilleur moyen pour obtenir des avancées décisives.

Et puis les gens vieillissent, gardent leurs avantages gagnés de haute lutte, et laissent à leurs enfants le soin de régler la facture.

Quel individualisme.

La crise actuelle met un coup de projecteur sur un processus identique appliqué aux essais médicaux. Chaque essai en appelle un autre, qui est de nouveau contesté, au nom de la méthodologie et de la science. Malheureusement, et c’est ce que dévoile la crise sanitaire actuelle, pendant que nos scientifiques débattent du bien fondé de telle ou telle méthode, il y a des gens qui meurent. Nos scientifiques n’ont jamais semblé être dans l’urgence.  Cela a été une révélation pour bon nombre de français, et les dessins humoristiques sur le sujet ont largement été diffusé sur le net.

Certaines hautes autorités de santé ont fait le spectacle aux heures de grande écoute à la télévision, en dénigrant les compétences de leurs confrères. Et la télévision adore cela, l’odeur du sang.

La science est imparfaite, elle est contestable et peut être contestée. Mais la médecine est-elle devenue folle ? Devons-nous aller au chevet de la médecine, tellement les passions déchaînent les foules ? Un médecin, reniant ainsi le serment d’Hippocrate, doit il se conformer à la norme plutôt que de soigner, dans le respect du patient ?

De débat en débat, les Français apprennent ou réapprennent que la science a, de tous temps, fait l’objet de querelle d’églises. « Et pourtant, elle tourne », a affirmé Galilée, obligé de se parjurer pour avoir la vie sauve. Aujourd’hui on ne tue plus un scientifique, mais on le traite de charlatan. On organise un lynchage médiatique, dont l’acharnement démesuré est en lui-même suspect.

Il faut rappeler que le temps de la science n’est pas celui des médias. Et ces débats quotidiens altèrent durablement la confiance que nous pouvons avoir envers nos élites médicales qui se superposent à celles de notre gouvernement. Le débat sur l’hydroxychloroquine de ces derniers jours, manque singulièrement de dignité : voir des journalistes clouer au pilori des scientifiques, est déconcertant, car on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres, dans un sens ou dans un autre. Mais l’hydroxychloroquine soigne des maladies, et des patients prennent à vie des doses quotidiennes élevées. Le procès fait à la chloroquine n’est pas fait pour les rassurer.

Comme toutes les molécules, la chloroquine peut être dangereuse pour certains patients, car elle a des effets secondaires que tout le monde connait, depuis 30 ans qu’elle existe. L’eau elle-même est dangereuse à l’état de vapeur ou de glace.  Pourtant, la science empirique n’a cessé de progresser.  Et je veux croire que mon médecin sait faire la part entre le bénéfice et le risque.

Jusqu’où va-t-on aller dans la « débaite »

D’étude en étude, d’essai en essai, on a oublié de faire confiance à ceux qui décident en conscience. Les élites ne doivent plus se cacher derrière des essais pour justifier une décision, et elles ne peuvent plus débattre à l’infini pour justifier une position. Décider, c’est prendre un risque, et décider sous contrainte l’augmente encore. Nos élites auront toute notre confiance si elles agissent avec clarté, dans le respect des autres, en nous démontrant qu’elles savent ce qu’elles font.

Les médecins font de leur mieux pour sauver des vies. Et il n’y a pas d’alternative : la vie, on l’a ou on ne l’a pas.

Prenons exemple sur eux. Et agissons. Ce qui fait progresser, c’est la prise de risque et la responsabilité.

Arrêtons de tourner en rond et de chercher des raisons pour ne pas faire. Réapprenons à faire confiance aux personnes.

Le temps n’est pas si loin où Albert Einstein disait :

La seule façon d’éviter de faire des erreurs, c’est la mort.

 

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