Allemagne : la surveillance de l’AfD suspendue sous pression internationale


Washington tord le bras de Berlin concernant le parti AFD !
Le 9 mai 2025, l’Office Fédéral pour la Protection de la Constitution (BFV) en Allemagne a pris une décision inattendue : suspendre la surveillance du parti Alternative für Deutschland (AfD), jusqu’alors qualifié d’«organisation d’extrême droite».
Ce revirement, motivé par un recours juridique du parti et d’intenses pressions internationales, principalement des États-Unis sous l’administration Trump, soulève des questions cruciales sur la liberté d’expression, la souveraineté nationale et l’équilibre entre sécurité et démocratie.
Comment une démocratie peut-elle protéger ses valeurs sans museler ses oppositions ? Cette affaire, qui dépasse les frontières allemandes, éclaire les tensions croissantes dans l’Europe contemporaine.
L’AfD : une ascension politique sous surveillance
Fondée en 2013 comme un mouvement eurosceptique, l’AfD s’est imposée comme une force politique majeure en Allemagne.
- Lors des élections fédérales de février 2025, le parti a obtenu 20,8 % des voix, doublant son score de 2021 et décrochant 152 sièges au Bundestag.
- Son influence est particulièrement forte dans l’Est, où il a remporté 32,8 % des voix en Thuringe en 2024.
- Aux élections européennes de la même année, l’AfD a atteint 15,9 %, selon un rapport du Pew Research Center.
Porté par un discours critique de l’immigration, du multiculturalisme et des institutions européennes, le parti séduit environ 25 % des électeurs, selon des sondages récents publiés par Der Spiegel et Die Zeit.
Cette ascension a attiré l’attention des autorités, qui surveillent l’AfD depuis 2019, soupçonnant certaines de ses positions de menacer l’ordre constitutionnel démocratique.
La surveillance du BFV, consiste à analyser les communications du parti, à suivre ses figures clés comme la co-présidente Alice Weidel, et à collecter des informations lors de réunions.
Un rapport de 1100 pages, partiellement rendu public, pointe des déclarations jugées « anticonstitutionnelles », notamment des appels à une « remigration » forcée ou des critiques virulentes du multiculturalisme.
Les mesures du BFV visent à évaluer si l’AfD viole les principes fondamentaux de la Constitution allemande, sans pour autant interdire le parti, une démarche rare nécessitant une décision judiciaire.
Mike Benz @MikeBenz, ancien officiel du Département d’État et directeur exécutif de la “Foundation for Freedom Online” démontre dans ses vidéos sur X que les accusations d’« attaques contre la démocratie » et les étiquettes d’« extrême droite » ou d’« anticonstitutionnel » visant des partis comme l’AfD sont des manœuvres de l’État profond pour neutraliser les menaces populistes.
Selon Benz, ces tactiques, déployées par des institutions comme le BFV (le Bundesamt für Verfassungsschutz, ou Office fédéral pour la protection de la Constitution qui est l’agence de renseignement intérieur de l’Allemagne), ou des ONGs financées par la CIA (comme le “National Endowment for Democracy”), visent à censurer et délégitimer les opposants au consensus institutionnel, redéfinissant la démocratie comme un contrôle par les élites plutôt que par le vote populaire.
Controverses autour de la surveillance
Cette surveillance divise profondément l’opinion. Pour l’AfD et ses partisans, elle s’apparente à une tentative de marginaliser une opposition légitime, forte d’un soutien électoral croissant. Alice Weidel a dénoncé des pratiques intrusives, les comparant à une surveillance abusive.
À l’inverse, des responsables comme Nancy Faeser, ancienne ministre de l’Intérieur, et Robert Habeck, leader des Verts, défendent la nécessité de protéger la démocratie face à des discours nationalistes, citant des liens présumés entre certains membres de l’AfD et des groupes radicaux.
Ces tensions se sont amplifiées le 9 janvier 2025, lors d’un Space sur X entre Elon Musk et Alice Weidel, suivi par des milliers d’utilisateurs.
L’événement a provoqué une vague de réactions. Christiane Hoffmann, ex-porte-parole du gouvernement, a dénoncé une ingérence électorale de Musk et Friedrich Merz, chef de la CDU, a qualifié son soutien à l’AfD de « présomptueux ». La Commission européenne a même examiné l’événement pour d’éventuelles violations du Digital Services Act, et des manifestations anti-AfD ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes le 25 janvier.
L’intervention décisive de la pression américaine
Le débat a pris une tournure internationale début mai 2025, lorsque le sénateur américain Tom Cotton a critiqué la surveillance de l’AfD sur X, la comparant à des méthodes autoritaires.
Appelant Tulsi Gabbard, directrice du renseignement national, à suspendre la coopération en matière de renseignement avec l’Allemagne, Cotton a été rejoint par d’autres figures républicaines : Rubio a dénoncé des pratiques « antidémocratiques », tandis que Vance a parlé d’une « persécution » de l’opposition.
Cette intervention a pesé lourd, l’Allemagne dépendant de partenaires comme la NSA pour certaines opérations de renseignement, en raison de lois strictes sur la protection des données.
Mise en difficulté par cet allié historique, Berlin a dû revoir sa stratégie.
Recul du BFV, victoire ou capitulation ?
Face à cette double pression – juridique de l’AfD, qui conteste la légalité de la surveillance devant le tribunal administratif de Cologne, et internationale des États-Unis – le BFV a cédé.
Le 9 mai, l’agence a suspendu la qualification d’« organisation d’extrême droit e» en attendant une décision judiciaire, et un communiqué de Nancy Faeser mentionnant cette classification a été retiré. Joachim Steinhöfel, avocat spécialisé en liberté d’expression, a salué une victoire majeure, remerciant les États-Unis pour leur rôle. Alice Weidel a célébré la décision sur X, dénonçant une surveillance injustifiée.
Cependant, ce recul ne fait pas l’unanimité. Rolf Mützenich, du SPD, y voit une capitulation face à des pressions extérieures, fragilisant la crédibilité du BFV. Alors que d’autres craignent que cette décision n’encourage des discours extrémistes, au moment où l’AfD consolide son influence.
Démocratie vs surveillance : une tension globale
L’affaire AfD met en lumière une tension universelle : comment protéger l’ordre démocratique sans limiter les droits des oppositions ?
La surveillance, bien que motivée par des préoccupations sécuritaires, est perçue par certains comme une tentative de freiner un parti représentant un quart de l’électorat.
À l’inverse, ses défenseurs rappellent les risques de dérives antidémocratiques, comme celles observées avec des partis extrémistes par le passé.
L’intervention américaine, si elle a permis de protéger les droits de l’AfD, pose des questions de souveraineté. En révélant la dépendance de l’Allemagne à ses alliés pour le renseignement, elle a suscité des critiques d’ingérence, risquant de tendre les relations transatlantiques.
Enfin, le rôle des réseaux sociaux, notamment X, illustre leur influence croissante dans les débats politiques, amplifiant des événements comme le Space Musk-Weidel ou les déclarations de Cotton.
Cette affaire résonne au-delà de l’Allemagne, où des partis populistes comme le Rassemblement National en France ou Fratelli d’Italia en Italie suscitent des débats similaires. Le recul du BFV pourrait créer un précédent pour la gestion de ces mouvements en Europe.
Alors que l’Allemagne attend une décision judiciaire sur le statut de l’AfD, prévue d’ici fin 2025, plusieurs questions restent ouvertes : jusqu’où un État peut-il surveiller ses oppositions sans délégitimiser le processus démocratique ?
Comment concilier influences étrangères et souveraineté nationale ?
Ce bras de fer transatlantique, loin d’être un épiphénomène, pourrait redéfinir les normes démocratiques pour les années à venir.
Suivez Antoine Bachelin Sena sur X.
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