Déflagration(s)

Auteur(s)
Alain Tranchant, pour FranceSoir
Publié le 11 février 2022 - 12:18
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L'Avis Tranchant d'Alain
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Les huit à dix jours qui viennent pourraient s'avérer décisifs...
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CHRONIQUE — À n'en pas douter, les mercredi 9 et jeudi 10 février feront date dans la 11ᵉ campagne pour l'élection du président de la République au suffrage universel depuis 1965.

S'agira-t-il d'un tournant ? Il est un peu prématuré de l'affirmer. Ce qui est sûr néanmoins, c'est que les huit à dix jours qui viennent pourraient s'avérer décisifs.

Certes, le décor n'est pas totalement planté. Et, si M. Macron pouvait dire, il y a 18 mois, qu'il pourrait bien ne pas être en situation de se représenter, les sondages qui le donnent systématiquement vainqueur au second tour lui font quasiment obligation de se porter candidat.

La crise sanitaire aura fait office de planche de salut pour un chef d'État embourbé dans l'affaire Benalla, les Gilets jaunes et les manifestations contre son projet de réforme des retraites. Soucieux d'adopter une posture de responsabilité, ses opposants ont été incapables de s'opposer, lui laissant carte blanche pour mener la manœuvre à sa guise, au mépris des libertés fondamentales, dans une pandémie qui aurait pu, qui aurait dû être gérée à moindre coût, qu'il s'agisse des pertes en vies humaines ou des finances publiques.

Directeur de campagne de François Fillon en 2017, Patrick Stefanini avait pensé tirer les leçons de la déroute de 2017 en écrivant son livre Déflagration - Dans le secret d'une élection impossible.

Ayant lu son ouvrage, je garde en tête son analyse de l'intervention télévisée de son candidat le 26 janvier 2017. Sur le plateau du journal de 20 heures de TF1, François Fillon avait notamment souhaité que la justice fasse rapidement son travail d'enquête. Selon lui, c'était bien joué.

Pour ma part, j'avais fait une tout autre lecture de cette déclaration, m'exclamant en direct : "Quel c** ! Il se met dans la main des juges". Je m'en souviens comme si c'était hier. De fait, il lui était difficile ensuite de déplorer la célérité des magistrats déroulant un feuilleton qui ne pouvait mener le candidat qu'à un échec patent, surtout pour qui avait lancé à la cantonade : "Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ?"

Alors que M. Stefanini a aujourd'hui repris de service auprès de Valérie Pécresse, voilà qu'une autre déflagration vient d'intervenir. En deux temps, trois mouvements !

Mercredi 9 février, c'est d'abord Éric Woerth, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, qui annonce son ralliement à Emmanuel Macron, "une chance pour la France". Pas moins ! Il y a quelques semaines encore, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale n'avait pas de mots assez durs pour stigmatiser la fuite en avant et la dérive des finances publiques sous l'ère Macron…

Jeudi 10 février, c'est à la fois Rachida Dati et Nicolas Sarkozy qui font entendre leur petite musique.

Avec la maire du VIIᵉ arrondissement de Paris, c'est plutôt au son du canon, sur France Info. Interrogée sur les critiques qui lui avaient été adressées par M. Stefanini, Rachida Dati descend en flammes l'image du faiseur de roi de l'ancien Préfet, rappelant que c'est Antoine Rufenacht qui dirigeait la campagne victorieuse de Jacques Chirac en 1995, et surtout le traitant aimablement de looser et de déserteur. Allusion directe à ses défaites répétées aux élections législatives dans des circonscriptions sur mesure, et à son abandon "en rase campagne" dans la campagne de François Fillon en 2017.

Dans les colonnes du Figaro, c'est Marion Mourgue, journaliste bien informée, qui rapporte des propos tenus en privé (et non démentis à l'heure où j'écris ces lignes) par Nicolas Sarkozy au sujet de la campagne de Valérie Pécresse, qui le laisse "dubitatif, sceptique, voire sévère". Pour l'ancien président de la République, avoir ressorti le karcher de la cave est "une connerie". Son ancienne ministre "n'a rien compris à la campagne, elle part dans tous les sens, elle est inexistante". Et elle aurait dû nommer deux porte-paroles : "Guillaume Peltier et Agnès Evren, au lieu de désigner une armée mexicaine de six porte-parole". Guillaume Peltier est d'ailleurs passé chez Éric Zemmour…

Il est vrai que depuis sa désignation par le Congrès des Républicains début décembre, la courbe des intentions de vote des Français en faveur de Valérie Pécresse tient de l'encéphalogramme plat. Nombreux sont les observateurs à considérer qu'elle n'imprime pas.

Belle ambiance en perspective ce vendredi 11 février rue de Miromesnil, où Nicolas Sarkozy doit recevoir Valérie Pécresse. On aimerait être petite souris…

Ce ne sont sans doute pas ces défections et propos aigres-doux qui sont de nature à changer la donne d'une campagne sans entrain, qui n'a jamais vraiment démarré. Et il n'est pas certain qu'un meeting même réussi, dimanche au Zénith de Paris, suffise à retourner une situation compromise.

Pour l'avenir, les dirigeants des grands partis, qui ont longtemps structuré la vie politique de notre pays, seraient avisés de méditer l'histoire de la Vᵉ République.

Jusqu'à une date récente (2007), ce sont en effet les chefs de partis — François Mitterrand, Lionel Jospin à gauche, Jacques Chirac dans l'autre camp — qui avaient vocation à être les candidats naturels à l'élection présidentielle. Ayant sillonné la France dans tous les sens et labouré le terrain pendant des années, ils n'avaient pas de problème de notoriété. Les Françaises et les Français les connaissaient et suivaient leur action.

L'importation des "primaires" d'outre-Atlantique a mis fin à ces parcours initiatiques. On ne saurait dire que la recette donne des résultats merveilleux.

Lorsque Laurent Wauquiez a quitté la présidence des Républicains en juin 2019, le mouvement a délibérément opté pour un Président, Christian Jacob, qui ne serait pas candidat à l'élection présidentielle. Dans quelques semaines, nous saurons si ce n'était pas reculer pour moins bien sauter…

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