Récit des audiences du Conseil d'Etat où l’on expédie 25 recours protestant contre les atteintes aux libertés fondamentales

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@VirusWar pour FranceSoir
Publié le 09 novembre 2020 - 10:32
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Conseil d'état
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Le Conseil d'Etat
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Tribune : Récit des audiences du  5 novembre 2020 au matin devant le juge des référés du Conseil d’Etat  où l’on expédie 25 recours protestant contre les atteintes aux libertés fondamentales constituées par le décret du 29 octobre imposant le confinement

 

Contexte

Le décret  du 29 octobre 2020 imposant le confinement  fait suite à l’état d’urgence déclaré par le gouvernement le 14 octobre 2020, le gouvernement avait dans un premier temps institué un couvre-feu à 21 heures en Île-de-France et dans 8 métropoles pour  freiner l’épidémie de Coronavirus, il a une semaine plus tard étendu ce couvre-feu à de nombreuses autres métropoles mais face à l’échec de cette politique, il a, dans la panique, imposé un nouveau couvre-feu  sur l’ensemble du territoire qui porte atteinte à des libertés fondamentales, telles que la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, la liberté d’entreprendre, la liberté de culte.

Ces mesures ont été rendues possibles par la loi du 23 mars 2020 permettant au gouvernement l’instauration d’un d‘état d’urgence sanitaire et lui donnant des pouvoirs très importants en matière de restriction des libertés fondamentales jusqu’au 1er avril 2021. Cette loi avait été adoptée en un temps record de seulement 5 jours et n’a jamais fait l’objet de recours devant le conseil constitutionnel que ce soit avant la promulgation de la loi ou a posteriori via une Question Prioritaire de Constitutionnalité

L’article L3131-18 du code de la santé publique, institué par cette loi du 23 mars 2020 dit que le juge des référés de la juridiction administrative est compétent pour contester les  mesures générales ou individuelles (sauf de mise en isolement) mais en disposant ainsi, la loi a d’une part écarté la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, lors que l’article 66 de la constitution dit que l’autorité judiciaire est garante de la liberté individuelle.  Cet article L3131-18 permet en théorie 2 procédures devant le juge des référés administratif : l’un, dit de référé-liberté où dans le cas d’une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, le juge doit statuer dans les 48 heures : c’est dans ce cadre que sont évoquées les affaires le 5 novembre au matin. L’article L3131-18 du code de la santé publique ouvre également une voie de recours en référé mais sans limite de 48 heures pour statuer dans le cas où une urgence existe et où un excès de pouvoir aurait été commis par une décision administrative, cependant, cette voie semble plus théorique que pratique car elle suppose une autre contestation préalable de la décision administrative en principe sur le fond qui n’est ouverte par aucun texte.

Il y a eu de multiples recours déposés contre ce décret de confinement, les 25 recours environ discutés ce jeudi 5 novembre 2020 sont les premiers à avoir été déposé, c'est-à-dire jusque dans la nuit du 1er au 2 novembre 2020. Il convient de remarquer qu’il semble y avoir un engorgement au niveau du Conseil d’Etat pour statuer tous les recours.  En effet, le 2 novembre 2020, le premier ministre a pris un nouveau décret publié le 3 novembre 2020 qui interdit notamment la vente dans les grandes surfaces de produits qu’il juge non essentiel, un recours a par exemple été déposé le 3 novembre 2020à 14:52 contre ce nouveau décret mais à ce jour, ce recours n’a pas encore été analysé ni aucune date d’audience fixée alors que, normalement, le juge aurait dû statuer avant le 5 novembre 2020 à 14 :52.

Ces recours discutés le 5 novembre 2020 au matin ont été répartis en 2 audiences :

L a première audience à 9 :30 présidée par Monsieur  F Raynaud avec environ  11 recours divers portant soit sur le principe même du confinement soit sur des points précis non liés à la liberté de culte

Une deuxième audience à 11 :30 présidée par Monsieur F Aladjidi centrée sur le volet des atteintes à la liberté de culte avec environ 14 recours contre le décret, émanant de la communauté catholique (associations cultuelles, prêtres, fidèles, conférence des évèques de France…)

 

Accès à la salle d'audience

Juste après avoir reçu les convocations aux audiences de référé où il était dit que les parties pouvait plaider personnellement ou par l’entremise d’un avocat au Conseil d’Etat mais pas les deux à la fois, les personnes convoquées ont reçu un mail du greffe du Conseil d’Etat leur disant que, du fait de la situation exceptionnelle où nombre de recours ont été déposés, et  du fait du protocole sanitaire, elles devaient se rapprocher d’une avocate au Conseil d’Etat qui évoquera leur affaire gratuitement pour eux. 

 

Au moins un requérant a fait remarquer qu’il comptait juste plaider son affaire pendant 3 minutes tout au plus mais on lui a rétorqué qu’il n’y avait pas assez de places pour plaider et que les avocats au Conseil d’Etat étant prioritaires, il ne pourrait pas le faire personnellement !

 

 

En vue d’assister aux audiences, je rejoins Paris depuis ma banlieue, la correspondance souterraine pour la ligne 7 à Auber est fermée, la RATP dit de marcher dehors jusqu’à Opéra via la rue Auber. Pas de problème, je connais, première erreur, au lieu de prendre l’ascenseur, je prend les escalators, le premier fonctionne mais le deuxième très long est en panne. Normalement je n’ai aucun problème pour gravir   5 escalators en courant mais là, est-ce l’effet masque ? Je suis essouflé, je mets mon masque sous le menton une fois dehors. Une fois à Opéra, super ! Mon ticket validé en banlieue ne marche plus, comme je ne vais pas gaspiller un autre ticket parce que la RATP nous oblige à passer avec ses travaux interminables, je chevauche un tourniquet en passant derrière un usager, je descend un escalier, je croise des contrôleurs qui ne me demandent rien.

J’arrive le 5 novembre 2020 à 8h48 en disant que je souhaite assister à l’audience des référés de 9 :30, le gardien me dit que de toutes façons, les portes ne seront ouvertes qu’à 9 heures pour les personnes convoquées. Une affiche dit que l’accès au public est restreint.

 

Je m’n vais donc rejoindre un café pour boire un coup, bah non, ils sont fermés, peut être que le kiosque voisin vend des friandises ou des boissons, non il est fermé, tout est mort. Je me promène donc en contournant le le Conseil d’Etat et je vais dans le parc situé derrière en passant devant le conseil constitutionnel, je prend quelques photos des colonnes de Buren, le parc est quasi désert.

 

Vue de l’arrière du Conseil d’Etat :

 

A 9 heures, il  y a plus de monde aux grilles, on peut voir des prêtres et leurs avocats venus pour l’audience de 11h30, le gardien explique qu’ils ne pourront pas entrer avant 11 heures.  Ils ont donc 2 heures à poireauter dehors, ils ne savent pas où « se poser ». D’autres  personnes veulent rentrer pour l’audience de 9h30, l’une dit qu’elle est stagiaire auditrice, l’autre dit qu’il est collaborateur d’un avocat, le gardien leur demande des justificatifs qu’ils n’ont pas. Une dame du Conseil d’Etat vient parler au gardien pour lui donner les consignes : « les personnes convoquées à 11h30 ne peuvent pas rentrer, il faut que leur nom soit sur la liste, il faut vérifier les justificatifs… », le gardien dit « Oui » sans même dire  « Je sais » puisque c’est exactement ce qu’il a expliqué

 ils commencent à s’inquiéter.  Sans doute pour les rassurer, une personne leur dit qu’il attend depuis plusieurs minutes pour rentrer alors qu’il a donné une convocation à son nom pour l’audience de 9h30.

Une fois passé la machine à rayon X où je mets mon sac, le portique détecteur de métaux, je donne ma pièce d’identité et je remplis une fiche, on me donne un badge de sortie.

J’arrive dans le hall d’accueil, la salle d’audience se trouve au 1er étage, juste en haut de ce joli escalier.

Mais on me dit de patienter au rez-de-chaussée un quart d’heure, je demande si je peux quand même me procurer une bouteille d’eau au distributeur que je sais être situé dans une pièce à droite près du greffe ? On me dit bien sûr.  Je prends une bouteille d’eau, comme tout est à 80 centimes, ce qui n’est pas cher à Paris, je décide de prendre aussi un Mars. Par contre, c’est très bizarre, la commande  et le monnayeur pour les produits de la machine de gauche se trouve sur la machine de droite. Et comme le premier Mars est coincé, je paye pour en avoir deux, j’aurais finalement mes deux Mars.

 

Ce qui est marrant au conseil d’Etat, c’est qu’en fait, une fois que l’on est rentré dans le bâtiment, on peut se promener un peu partout dans les couloirs une fois on m’a dit d’aller voir un service  au 2ème étage et je crois que je m’étais promené dans tout le bâtiment vu que je me suis perdu dans le dédale de couloirs,  d’escaliers et d’entresols, certaines personnes  à qui je demandais mon chemin me conseillant de prendre tel ou tel raccourci. A la cour de cassation, que je fréquente plus, difficile de passer le seuil de l’accueil et si on assiste à une audience, on ne passe pas par l’intérieur de la cour de cassation pour y rentrer puisque l’accès du public se fait directement depuis le palais de justice.

 

Une fois au premier étage, la salle d’audience se trouve à gauche du pallier. Il y a une antichambre  sonorisée où se trouve quelques chaises, des écrans de retransmission de l’audience et le panneau avec la liste des affaires enrôlées.

 

J’accède à la salle d’audience, où on ne peut prendre ni photo, ni enregistrement, il  n’y a en fait pas tant de monde :  le banc du public comporte une dizaine de  banquettes rouges où on ne peut être que 2 ou 3 assis (« protocole sanitaire ») mais il n’y a que 4 ou 5 personnes assises en tout.  Le banc des avocats et des parties est plus fourni mais une organisatrice s’inquiète, « Comment faire si des journalistes arrivent ».

 

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