Zemmour et de Gaulle - Le diable et le confessionnal

Auteur(s)
Alain Tranchant, pour FranceSoir
Publié le 10 novembre 2021 - 11:56
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L'Avis Tranchant d'Alain
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"Si le diable est dans le confessionnal, cela change tout !"
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CHRONIQUE — En ce dimanche 7 novembre 2021, à l'heure du déjeuner, Eric Zemmour est l'invité de l'émission politique de BFM TV. Les téléspectatrices et les téléspectateurs présents devant leur écran assistent à une discussion entre quatre journalistes : trois qui mènent l'interview, et le quatrième, Eric Zemmour, qui vient de quitter la profession pour entrer dans l'arène politique.

Même s'il n'a pas encore annoncé officiellement sa candidature à l'Élysée, tout laisse à penser qu'il sera bien sur la ligne de départ. Dans le droit fil de son dernier ouvrage : "La France n'a pas dit son dernier mot" (Rubempré), l'auteur effectue un véritable tour de France, réunissant des publics somme toute considérables pour une personnalité qui ne dispose d'aucune formation politique organisée de longue date en conséquence.

Au début de cette émission dominicale, M. Zemmour s'agace du temps consacré au questionnement sur l'effectivité de sa candidature à l'élection présidentielle, et brûle d'envie d'entrer dans le vif de son sujet : la France a-t-elle dit son dernier mot, et peut-elle disparaître ? Dans une conversation à fleurets mouchetés, Eric Zemmour lâche alors qu'il apparaît aux yeux de beaucoup d'observateurs et d'acteurs de la vie politique comme "le diable".

À cet instant, me vient immédiatement à l'esprit le débat de l'entre deux tours de l'élection présidentielle de 1965, la première élection au suffrage universel direct de la Vᵉ République. Le général de Gaulle est en ballotage. L'expression ne fera pas fortune pour un scrutin présidentiel. Jamais un président de la République, depuis 1965, n'a été élu au premier tour de scrutin. Et, il ne vient à l'esprit de personne d'évoquer de nos jours une "mise en ballotage" pour un président sortant devant affronter un second tour de scrutin. Mais, le général de Gaulle était le général de Gaulle, et quel candidat ne serait pas heureux de réunir sur son nom 44,64 % des suffrages au premier tour de l'élection présidentielle, comme il l'a fait en 1965 ?

Alors qu'il n'avait pas utilisé tout son temps d'antenne avant le premier tour de scrutin, de Gaulle cède à l'insistance de ses conseillers qui lui recommandent de modifier ce que l'on n'appelait pas encore sa "communication", et de ne pas se contenter d'allocutions à la nation. Il accepte donc d'être interviewé par un journaliste, Michel Droit, à l'occasion de trois entretiens consacrés à son idée de la France et des Français, à la France dans le monde, à la République et ses institutions.

C'est dans ce troisième entretien radiodiffusé et télévisé, le 15 décembre 1965, que le général de Gaulle explique à Michel Droit, et expose devant le peuple français, les intentions qui étaient les siennes en soumettant au référendum la Constitution de 1958.

« Les institutions, une Constitution, c'est une enveloppe. La question est de savoir ce qu'il y a dedans (...). J'ai proposé au pays de faire la Constitution de 1958 dans l'intention (...) de mettre un terme au régime des partis. Il s'agissait d'empêcher que, dans la République, l'État, fût, comme il l'était avant, à la discrétion des partis. (...) Mais si, malgré l'enveloppe, malgré les termes, malgré l'esprit de ce qui a été voté en 1958, les partis s'emparent à nouveau des institutions, de la République, de l'État, alors, évidemment, rien ne vaut plus ! On a fait des confessionnaux, c'est pour tâcher de repousser le diable ! Mais si le diable est dans le confessionnal, cela change tout ! (...)

"Comment peut marcher la Constitution de 1958 ? Elle marche grâce à un Chef d'État qui n'appartient pas aux partis ; qui n'est pas délégué par plusieurs d'entre eux, ni même, à plus forte raison, par tous ; qui est là pour le pays (...), qui répond à quelque chose qui est commun à tous les Français, par-dessus les partis, et qui est leur intérêt commun, leur intérêt national.

"Si, à la place de ce Chef d'État, qui est fait pour empêcher que la République ne retombe à la discrétion des partis, on met un Chef d'État qui n'est qu'une émanation des partis, alors on n'aura rien fait du tout et tout ce que l'on aura écrit dans la Constitution ne changera rien à rien, on en reviendra (...) au gouvernement - si tant est que l'on puisse l'appeler comme cela - des partis. »

En ce 9 novembre, où l'on commémore la disparition du général de Gaulle en 1970, "Le diable" d'Eric Zemmour me fournit l'opportunité de rappeler "Le diable et le confessionnal" du général de Gaulle en décembre 1965.

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