Affaire Carlos Ghosn : pourquoi l'ex-PDG n'est-il pas soutenu par Macron ?

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Damien Durand
Publié le 23 avril 2019 - 17:47
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Emmanuel Macron et Shinzo Abe à l'Elysée, le 23 avril 2019 à Paris
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© ludovic MARIN / AFP
Emmanuel Macron n'a jamais évoqué le moindre soutien en faveur de Carlos Ghosn.
© ludovic MARIN / AFP

S'il semble probable que l'affaire Carlos Ghosn a été au menu de l'échange entre Emmanuel Macron et Shinzo Abe, en visite en France ce mardi 23, peu d'éléments ont filtré sur le dossier. L'épouse de l'ex-PDG, après avoir appelé demandé le secours du président français se tourne maintenant vers les Etats-Unis.

Officiellement, les deux hommes ont surtout parlé de l’organisation du G20 qui se déroulera cette année à Osaka (et du G7 à Biarritz). Mais dans les faits, difficile de croire qu’Emmanuel Macron et Shinzo Abe n'ont pas évoqué la situation de Carlos Ghosn, ancien dirigeant de Renault, Nissan et Mitsubishi, et qui vient d’être mis en examen pour la quatrième fois lundi 22 avril.

Mais pour le dirigeant emprisonné pour la première fois le 19 novembre, les espoirs de bénéficier du soutien de l’Elysée pour intervenir en sa faveur s’amenuisent. Et malgré les sollicitations de son épouse Carole Ghosn qui lançait un appel à Emmanuel Macron dans le Journal du dimanche le 7 avril dernier, cette perche hypothétique semble bel et bien compromise.

Depuis cinq mois et le début de l’affaire, si Carlos Ghosn bénéficiait –au moins dans les premiers jours– du soutien très timide de Bercy qui n’appelait pas à son renvoi les premiers jours ("Nous n'allons pas demander le départ formel. Nous n'avons pas de preuves. Nous sommes dans un État de droit" déclarait Bruno Le Maire le 20 novembre), l’Elysée ne s’est jamais exprimé sur le cas du PDG, même lorsque les  critiques fleurissaient contre le système judiciaire japonais. Fin janvier, en marge d’un échange entre Emmanuel Macron et Shinzo Abe, le président français avait appelé que "la détention préventive était très longue et que les conditions de détention étaient très dures" , mais sans un mot sur le fond de l’affaire, évoquant seulement sa préoccupation pour "un compatriote français".

Surtout, l’Etat français, actionnaire à 15% de Renault qui détient lui-même 43% de Nissan, n’a jamais relayé les suspicions du PDG ou de son épouse. Le premier expliquait dans une interview vidéo que l’on cherchait à l’empêcher la création d’une holding qui aurait réuni le constructeur français et les deux japonais. L’épouse, dans une tribune au Washington Post (voir ici) explique que son mari est victime d’une manœuvre dirigée par le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie qui, en accord avec Nissan (l’entreprise ayant elle-même dénoncé son dirigeant à la justice) ont œuvré pour empêcher la fusion Nissan-Renault voulue par Carlos Ghosn. La France ne s’est jamais exprimée sur cette question souhaitant seulement "que les équilibres de l’alliance soient préservés", dixit Emmanuel Macron.

Lire aussi: Ce qui est reproché à Carlos Ghosn

Emmanuel Macron se garde donc bien de mettre trop en avant le dossier Ghosn sur la table, la France et le Japon ayant des intérêts économiques et diplomatiques croissants. Outre la collaboration sur le plan militaire, le président français et le Premier ministre japonais devraient sceller un "partenariat d’exception" sur cinq ans qui devrait être confirmé en marge d’un déplacement à venir à Tokyo, une annonce d'un déplacement officiel ayant été faite à l'issue de la rencontre. L'Elysée a annoncé sa volonté de respecter "la souveraineté et l'indépendance de la justice du Japon, qui est un partenaire diplomatique de premier plan et un Etat démocratique" tout en étant vigilant sur "le respect des droits et de l'intégrité de M. Ghosn en tant que citoyen français" (voir ici). 

Face au peu d’empressement de la France à intercéder en la faveur de son mari, Carole Ghosn semble se diriger vers un autre appui, encore bien hypothétique: celui des Etats-Unis dont elle est ressortissante et où se trouve le fils cadet de Carlos Ghosn, Anthony, dont la justice nippone soupçonne que son entreprise (Shogun Investments) ait pu servir de société-écran pour des fonds détournés. Dans la conclusion de sa tribune dans la presse américaine, Carole Ghosn en appelle au président Trump pour qu’il "demande à (Shinzo) Abe de mettre fin à cette injustice".

Le Premier ministre japonais devra rencontrer le président américain le 26 avril. Reste à savoir s’il sera plus sensible à soutenir diplomatiquement un PDG qui, s’il possède les nationalités française, brésilienne et libanaise, n’est pas un ressortissant américain.

Voir aussi:

L'épouse de Carlos Ghosn entendue par la justice japonaise 

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