Corse : les difficiles cent premiers jours au pouvoir des nationalistes

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 10 mars 2016 - 17:08
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Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni.
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©Pascal Pochard-Casabianca/AFP
Agressions, débordements xénophobes, manifestations de supporter, violences... les premiers mois ont été durs pour Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni.
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Épisodes de violences urbaines, crispations avec le gouvernement, finances en berne: les cent premiers jours au pouvoir des nationalistes corses depuis leur victoire historique aux élections territoriales de décembre ont été particulièrement difficiles.

Après 40 ans de lutte nationaliste, et deux ans après l'abandon du combat clandestin en 2014, cette victoire des nationalistes aux élections territoriales le 13 décembre 2015 a constitué une vraie surprise, alors que le débat électoral au niveau national tournait essentiellement autour du Front national.

Le succès remporté par la coalition des autonomistes de Femu a Corsica et des indépendantistes de Corsica Libera, qui détient la majorité relative à l'assemblée territoriale, n'a été possible notamment que grâce aux profondes divisions à gauche comme à droite.

Les premières tensions surviennent très vite quand l'autonomiste Gilles Simeoni accède à la présidence de l'exécutif de la Collectivité territoriale (CTC) et, surtout l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni à l'Assemblée de Corse.

Le discours prononcé en corse par M. Talamoni devant l'Assemblée et ses demandes --comme l'amnistie ou le rapprochement d'une vingtaine de prisonniers "politiques" (un statut que le gouvernement ne reconnaît pas), la co-officialité de la langue corse ou l'instauration d'un statut de résident, des mesures déjà adoptées par l'assemblée sortante- entraînent des réactions très vives. "Il y a des lignes rouges qui ne peuvent pas être discutées", tonne le Premier ministre Manuel Valls.

Depuis, les crispations ne se sont pas atténuées, dans un contexte marqué en outre par plusieurs incidents ayant contraint les nouveaux dirigeants de l'île à monter en première ligne.

Dès Noël, ils doivent ainsi appeler à l'apaisement après un guet-apens violent contre des pompiers dans une cité d'Ajaccio, qui avait entraîné en réaction des manifestations de protestation ponctuées de débordements racistes. Face à ces dérapages, ils sont forcés de tenter de couper court aux soupçons de lien entre nationalisme et racisme.

Quelques semaines plus tard, la grave blessure subie par un supporter du club de football de Bastia dans des heurts avec la police à Reims suscite plusieurs manifestations ponctuées d'incidents violents à Bastia et à Corte, sur fond d'accusations de "racisme anti-corse" adressées à l'endroit des policiers rémois impliqués.

"Les crises ont constitué des risques, mais furent aussi une chance pour les nationalistes qui ont pu prouver rapidement leur capacité à gérer et leur crédibilité", plaide le politologue André Fazi, maître de conférence à l'Université de Corse-Pascal Paoli.

Pourtant, les manifestants les plus revendicatifs ont lancé un message clair aux dirigeants corses lors du dernier défilé qui avait suivi les incidents de Reims: "Nous devons dénoncer les élus qui sont restés chez eux (...). On leur a donné le pouvoir mais aussi des devoirs qu'ils n'ont pas assumés aujourd'hui", avait alors lancé dans un mégaphone un des organisateurs du défilé.

Coincés entre les espoirs de certains de leurs électeurs et les refus du gouvernement sur les questions identitaires, les élus nationalistes assurent qu'ils doivent en outre composer avec des finances en berne. Gilles Simeoni a dénoncé l'existence d'un "trou" d'au moins 100 millions d'euros de dépenses engagées et non payées par la collectivité sortante à des communes, des associations ou encore l'université.

"Odieuse manipulation", lui a répondu son prédécesseur, le DVG Paul Giacobbi, évoquant un "décalage uniquement dû au calendrier politique".

Contraints de recourir à l'emprunt, la marge de manœuvre des nouveaux dirigeants corses est d'autant plus restreinte que sur le plan économique, les difficultés ne manquent pas non plus, de la crise du traitement des déchets à la reprise rocambolesque de la SNCM menée au moment où les nationalistes affichent leur volonté de lancer une compagnie publique corse.

Le débat sur ce dernier dossier a provoqué en février les premières passes d'armes à l'Assemblée entre la majorité nationaliste et l'opposition, toutes tendances confondues. "La légitimité des nationalistes n'a pas été remise en cause par cette séance houleuse car la situation est grave et que l'attente reste immense sur les plans économique et social", fait valoir André Fazi.

Le temps leur est pourtant compté: conséquence directe de la loi "NOTRe" sur la décentralisation, qui prévoit la fusion en janvier 2018 de la CTC et des deux départements corses en une collectivité unique, ils n'ont été élus que pour deux ans.

"Cela ne leur laisse pas le temps d'obtenir un réel bilan, au-delà d'accomplir cette mini-mandature sans heurt", estime auprès de l'AFP le journaliste et écrivain Jacques Renucci.

 

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