FN : hantée par son débat raté, Marine Le Pen peine à tout changer

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Par Guillaume DAUDIN et Anne RENAUT - Paris (AFP)
Publié le 20 janvier 2018 - 11:43
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Marine Le Pen, présidente du Front National, lors des voeux à la presse, le 15 janvier 2018 au siège du parti à Nanterre
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives
Marine Le Pen, présidente du Front National, lors des voeux à la presse, le 15 janvier 2018 au siège du parti à Nanterre
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives

Marine Le Pen peine à tout changer "du sol au plafond" au Front national pour exorciser son débat "raté" et son manque de préparation lors de la présidentielle, cauchemars ravivés cette semaine dans des documents internes au FN parus dans la presse et que l'AFP a pu consulter.

La dirigeante frontiste a souhaité aux journalistes lundi, lors de ses voeux à la presse, "la liberté d'expression", "conçue pour dire des choses qui éventuellement peuvent déranger".

En l'occurrence, les premières questions posées à la finaliste de la présidentielle ont porté sur des notes et des courriels du FN. Publiés par Buzzfeed et Mediapart, ils soulignent le manque de préparation de la candidate et éclairent le fiasco de sa joute télévisée face à Emmanuel Macron entre les deux tours.

Refusant de commenter des "fonds de boîtes mails", Mme Le Pen a toutefois confirmé leur existence en évoquant "des documents acquis dans des conditions éminemment contestables".

Dans une note du 2 mai 2017, son ancien conseiller Damien Philippot -frère de Florian, alors numéro deux, qui a quitté le parti en septembre- lui conseille de "dégrader l'image de Macron, quitte à perdre en crédibilité, pour pousser des gens dans l'abstention".

Le lendemain soir, devant 16,5 millions de téléspectateurs, la patronne du FN, qui joue sa dernière carte, l'attaque effectivement violemment en plongeant constamment le nez dans ses fiches.

Damien Philippot lui suggère aussi d'utiliser le terme "anecdote". Elle s'exécute mais s'emmêle les pinceaux entre SFR et Alstom.

- 'Bons activistes, mauvais stratèges' -

"A l'extrême droite, la part d'impréparation est due au fait que ce sont de très bons activistes mais pas de bons stratèges", explique l'historien spécialisé en communication politique Christian Delporte. Au FN, "on ne se bat pas pour le pouvoir mais pour s'opposer".

Au débat, "tout s'est passé comme si Marine Le Pen découvrait qu'elle était arrivée au second tour", analyse-t-il.

Un ancien chargé de mission au FN, Mickaël Ehrminger, témoigne dans Mediapart de l'"amateurisme" d'une campagne "sans stratégie", où "tout est décidé par la dernière personne" entrée dans le bureau de la candidate.

M. Ehrminger évoque ces "luttes de clans", entre les proches de Florian Philippot et ceux de l'ancien mégrétiste Philippe Olivier. Marine Le Pen balaie ces propos d'un "gratte-papier mythomane", affirmant que "la campagne était tellement bien organisée qu'on est arrivés au second tour".

Elle "assumait" pourtant fin juin une "erreur stratégique" dans ce débat, sans compter "un temps de préparation (...) insuffisant" et "un agenda beaucoup trop chargé", qui l'ont "noyée".

Elle a surtout engagé depuis une refondation du FN dont elle entend même changer le nom, pour en faire un parti "de gouvernement" et non plus un parti de "contestation".

Mme Le Pen mène aussi de nouveau l'offensive contre le gouvernement sur les thèmes fondamentaux du FN, la sécurité et l'immigration, qui lui permettent de resserrer les rangs avant le congrès de mars et de sortir des tourments de sa campagne.

- Tâche difficile -

La tâche s'annonce cependant difficile. Les militants semblent valider, d'après les premiers dépouillements du questionnaire qui leur a été envoyé, la nouvelle stratégie du FN sur l'euro: ne plus présenter la question monétaire comme "prioritaire".

Mais sur le changement de nom, ils sont plus partagés, si bien que la patronne du FN dit vouloir compléter la consultation par des enquêtes qualitatives auprès des électeurs, échantillon plus large et sans doute moins conservateur que les seuls militants.

Pour contourner le risque d'un désaveu au congrès, le vote sur une proposition de nouveau nom n'aura pas lieu lors de la grand-messe des adhérents mais après, par internet.

Interrogée sur le contrôle des prétendants à l'investiture aux législatives jugés sulfureux mais qui ont été finalement investis, la dirigeante frontiste assure que son parti a "effectué un travail extrêmement sérieux, précisément pour déterminer ceux qui apparaissaient devoir être écartés".

Reste à savoir lesquels ont été refoulés par celle qui se targue d'avoir dédiabolisé le parti de son père, lui-même exclu en 2015 pour avoir tenu des propos polémiques sur la Shoah.

Au FN, il est "difficile de trouver des candidats et de les garder", rappelle le politologue Jean-Yves Camus.

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