Jean-Michel Clément, le député qui cache la forêt des frondeurs LREM ?

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Pierre Plottu
Publié le 23 avril 2018 - 18:53
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L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi "asile-immigration" par 228 voix contre 139 et 24 abstentions, au terme d'une semaine entière de débats enflammés et l'examen d'un m
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© BERTRAND GUAY / AFP/Archives
Un total de 99 députés LREM et MoDem n'ont tout simplement pas participé au vote du très décrié projet de loi asile et immigration.
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Jean-Michel Clément a été le seul député LREM -mais pas de la majorité- à voter contre le projet de loi "asile et immigration", dimanche soir. Un texte adopté largement, mais avec un absentéisme important, dont une bonne partie pourrait être surtout opportuniste.

A la fin, il n'en est resté qu'un. Alors que la loi "asile et immigration" présentée par le gouvernement mettait mal à l'aise un nombre certain de députés LREM, un seul élu du parti majoritaire est allé jusqu'au bout et a décidé de voter contre le texte: Jean-Michel Clément, ex-PS passé chez En Marche, élu de la 3e circonscription de la Vienne. Il faut dire que le patron du parti, Richard Ferrand, a tout fait pour faire régner la discipline dans les rangs et avait lancé un avertissement très clair: "Abstention, péché véniel, vote contre, péché mortel".

Une dizaine de députés de la majorité LREM et MoDem ont ainsi fait publiquement savoir leur opposition au texte réformant le cadre du droit d'asile et pour "une immigration maîtrisée" durant la soixantaine d'heures de débats. Une réforme jugée par trop déséquilibrée, durcissant la politique migratoire plus qu'elle ne tend à proposer de nouveaux outils pour une "intégration réussie". Certains élus de la majorité confiaient même sous couvert d'anonymat leur sentiment de malaise face à ce texte dont  certaines dispositions ont été votées par l'extrême droite. "Nous n’avons pas voté Macron au second tour de la présidentielle, il y a un an, pour voir Marine Le Pen vous apporter son renfort pour démanteler le droit d’asile", a ainsi eu beau jeu de dénoncer la socialiste Laurence Dumont.

Et pourtant, seul le député LREM Jean-Michel Clément, donc, a finalement voté contre le projet de loi adopté dimanche soir par 228 voix "pour", 139 "contre" et 24 abstentions (le détail du vote sur le site de l'Assemblée nationale à lire ici). Cet ancien avocat, spécialiste du droit des étrangers, est donc passé outre les menaces de son président de groupe, relayées par les cadres de la majorité au Palais Bourbon. Et a même décidé d'anticiper une exclusion en quittant de lui-même son groupe dès dimanche soir (son communiqué à lire ici). Pour être tout à fait précis il faut ajouter que la députée MoDem -et donc membre de la majorité également- Nadia Essayan (2e circonscription du Cher) s'est également exprimée contre le texte.

Sur le même sujet - Asile-immmigration: le texte voté à l'issue d'un marathon enflammé

Que sont donc devenus les députés de la majorité opposés au texte? Vingt-deux ont fait le choix de l'abstention (14 LREM et 8 MoDem), tandis que 99 n'ont pu être présents. Le vote était un dimanche de grand beau temps, au milieu des vacances scolaires et alors que les travaux devaient être suspendus vendredi soir -mais ont été prolongés pendant le week-end car les débats avaient pris trop de retard. Autant d'éléments qui pourraient "justifier" leur absence.

Sauf que sur les 228 votes en faveur du texte, 87 très exactement l'ont été par "délégation". C'est-à-dire qu'autant de députés ont donné procuration à l'un de leur collègue pour voter en leur nom. Qu'est-ce qui a empêché les 99 autres d'en faire autant, alors que 149 de leurs coreligionnaires LREM pouvaient encore voter par délégation? Mystère. Ainsi, si elle n'est qu'une supposition, la piste voulant qu'une partie d'entre eux l'aient fait par opposition aux dispositions de la réforme ne peut être totalement écartée.

Cet absentéisme fait même de cette loi "asile et immigration" le texte le plus mal voté du quinquennat. A titre d'exemple, la réforme de la SNCF a été plébiscitée par 454 députés et celle du code du Travail par 463.

Lire aussi: LREM et FN structurent désormais la droite française

Faudrait-il ainsi voir les deux courageux ayant voté contre et les 22 abstentionnistes comme l'arbre qui cache la forêt des frondeurs? L'avenir le dira. Mais le vote de cette réforme sur l'immigration restera comme l'une des premières fêlures dans la belle unité de la majorité. Pas tout à fait étonnant compte tenu du caractère du projet de loi et de l'hétérogénéité d'En Marche, pour ne pas dire son manque de colonne vertébrale idéologique.

Elu en prônant l'ouverture et sur la promesse d'adapter la France à la mondialisation, dont l'immigration est une conséquence directe, Emmanuel Macron avait effectivement inscrit dans son programme pour la présidentielle de 2017 un volet "asile et immigration". Celui-ci ne précisait toutefois pas que la détention des mineurs accompagnés serait poursuivie, ni que la durée de rétention administrative serait doublée pour atteindre 90 jours. Il faut dire que ce volet du projet macronien (à lire ici) était trois fois plus court que celui pour les entreprises () par exemple. L'ouverture a ses limites.

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