"La Russie n’a pas l’intention d’occuper l’Ukraine" Alexeï Mechkov, ambassadeur de Russie en France

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FranceSoir
Publié le 15 mars 2022 - 21:30
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Conférence de presse de l'ambassadeur de Russie en France, le 15 mars 2022
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F. Froger / Z9, pour FranceSoir
Conférence de presse de l'ambassadeur de Russie en France, Alexeï Mechkov, ce 15 mars 2022.
F. Froger / Z9, pour FranceSoir

« Nous avons décidé d’organiser cette rencontre car nous avons pensé que vous auriez peut-être envie d’un point de vue alternatif. Depuis la fermeture de RT et de Sputnik, vos lecteurs n’ont malheureusement plus accès à cette vision alternative. » C’est par ces mots qu’Alexeï Mechkov, ambassadeur de Russie en France, a démarré une conférence de presse organisée au sein de sa résidence à Paris ce mardi 15 mars, à laquelle France Soir a pu assister.

Le mot d’ordre que l'on devine en toile de fond : expliquer les causes du conflit ukrainien du point de vue russe, mais aussi défaire les « fake news » véhiculées par l'Occident, terme employé à plusieurs reprises par le diplomate. En ce sens, celui-ci a souhaité revenir sur le contexte géopolitique instauré en 2014 depuis les évènements du Maïdan, coup d'État qui conduisit au renversement du président de l’époque Viktor Ianoukovitch et à des conflits sanglants au cours des semaines et mois suivants. Selon lui, les accords de Minsk conclus en 2015, censés mener à une résolution du conflit, n’ont pas été respectés par la partie ukrainienne.

Ces accords comportaient plusieurs volets. Il s’agissait, entre autres, de mettre un terme aux hostilités dans la région, d’obtenir un retrait de toutes les forces étrangères de la zone du conflit, d’octroyer un statut spécial de semi-autonomie aux régions de Donetsk et Lougansk - que le diplomate a souligné être « comparables, voire inférieurs à celui du statut de la Corse » - et d’assurer le droit de la population à utiliser la langue de son choix. Pour les habitants de ces régions, majoritairement russophones, ce dernier point était des plus importants. En revanche, six ans après la signature des accords, ces objectifs n’ont pas été atteints, selon M. Mechkov, qui s’étonne, par ailleurs, de voir l’opinion publique occidentale se préoccuper de la situation dans le Donbass uniquement maintenant. En outre, si en paroles la France et l’Allemagne, présentes à la table des négociations en 2015, défendent les accords de Minsk, le diplomate a bien fait comprendre au cours de son intervention qu’en actes, ces deux pays encourageaient à leur démantèlement.

Pour justifier l’offensive russe en Ukraine, l’ambassadeur a mis en avant un projet ukrainien d’opération militaire dans les Républiques du Donbass qui aurait été, selon les informations du Kremlin, prévue pour ce mois de mars. Une opération militaire qu’il compare à l’opération Tempête menée en août 1995 par la Croatie contre la République serbe de Krajina autoproclamée. D’après lui, l’intention de Kiev a été confirmée par des documents acquis par la Russie au cours de ce que le diplomate qualifie d’« opération militaire spéciale ». En conséquence, il ajoute : « L’action de la Russie a permis d’empêcher cette occupation militaire. »

D’autre part, le diplomate a évoqué les objectifs poursuivis par la Russie en Ukraine. En premier lieu, sa démilitarisation et l’obtention d’un statut neutre pour le pays. Au cours des dernières années, du fait des livraisons d’armes et des exercices conjoints de l’Otan avec les forces ukrainiennes, « l’Ukraine a été transformée en bastion anti-russe », estime-t-il, constituant, de fait, une véritable menace pour la sécurité de la Russie à ses frontières.

Le deuxième objectif visé par Moscou : la dénazification de l’Ukraine, ce qui passerait par l’interdiction de toute organisation néonazie sur le territoire ukrainien et l’abolition de toutes les lois anti-russes adoptées au cours des dernières années. Dans le viseur, notamment : l’interdiction de l’usage de la langue russe.

Enfin, troisième objectif : la reconnaissance par le gouvernement ukrainien de la Crimée et des Républiques de Donetsk et du Lougansk.

Questions posées par France Soir

Nous avons interrogé l’ambassadeur sur la manière dont la Russie perçoit la décision de l’Union européenne, adoptée lors du sommet de Versailles ce 10 mars, de doubler son aide pour fournir des armes à l’Ukraine et ce que le Kremlin prévoit de faire en réaction.

Alexeï Mechkov a jugé cette décision nocive et contre-productive, signalant que ce budget aurait été mieux investi dans la cause des réfugiés ukrainiens. Il note que l’accroissement d’armes causera plus de victimes, précisant, en outre, que celles-ci seront détruites par les frappes ciblées des forces armées russes ou bien récupérées puis transmises aux milices populaires de Donetsk et Lougansk, comme cela aurait déjà été le cas par le passé.

Nous avons également demandé à Alexeï Mechkov si la Russie, en bombardant le centre militaire situé à Yavoriv qui avait servi de camp d’entrainement aux forces ukrainiennes encadrées par des instructeurs étrangers, avait passé un message quant à sa détermination à empêcher par tout moyen l’Ukraine d’entrer dans le giron de l’Otan, quitte à s’engager dans une guerre nucléaire.

À cela, il a rappelé que la Russie s’oppose catégoriquement à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, exigence que traduit cette opération militaire qui vise la neutralité du territoire ukrainien. Il ajoute : « Si l’Ukraine devient membre de l’Otan, cela signifiera une guerre entre la Russie et l’Otan. Est-ce que l’Otan est prête à mener une telle guerre ? »

Revenant sur le centre militaire de Yavoriv, le diplomate soulignera qu’il y avait, outre des instructeurs étrangers, également des « mercenaires » étrangers, pour lesquels les normes militaires ne s’appliquent pas. Ces derniers sont donc « soit éliminés soit jugés ». Si Alexeï Mechkov n’a pas directement répondu à l’éventualité d’une guerre nucléaire, il reconnait que la Russie a, en effet, souhaité passer un message « à tous ceux qui souhaiteraient participer à ce safari anti-russe en Ukraine. »

La conférence de presse en intégralité, avec les questions de la presse :

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