La France condamnée par la CEDH pour son refus de "rapatrier" les familles de djihadistes détenues en Syrie

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FranceSoir avec AFP
Publié le 14 septembre 2022 - 14:40
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AFP/Archives - FREDERICK FLORIN
Cette image montre une salle d'audience de la Cour européenne des droits de l'homme, le 7 février 2019 à Strasbourg.
AFP/Archives - FREDERICK FLORIN

La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour son refus de « rapatrier » les familles de djihadistes emprisonnées en Syrie, dans un arrêt rendu mercredi.

"En exécution de son arrêt, la Cour précise qu'il incombe au gouvernement français de reprendre l'examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l'entourant des garanties appropriées contre l'arbitraire", a indiqué la Grande chambre de la CEDH, sa plus haute instance.

La Cour basée à Strasbourg (est de la France) demande que "le rejet d'une demande de retour présentée dans ce contexte doit pouvoir faire l'objet d'un examen individuel (...) par un organe indépendant", sans qu'il s'agisse forcément "d'un organe juridictionnel".

Paris devra verser 18 000 euros à l'une des familles de requérants et 13 200 euros à l'autre au titre des frais et dépens.

"C'est la fin du fait du prince et la fin de l'arbitraire", a commenté Me Marie Dosé, l'une des avocates des quatre requérants, parents de deux Françaises bloquées dans des camps en Syrie avec leurs enfants.

Ils avaient demandé en vain aux autorités françaises le rapatriement de leurs proches, avant de se résoudre à saisir la juridiction européenne, estimant que leurs filles et petits-enfants étaient exposés dans les camps syriens à des "traitements inhumains et dégradants".

Leurs filles avaient quitté la France en 2014 et 2015 pour rejoindre la Syrie où elles ont donné naissance à deux enfants pour l'une, à un pour l'autre. Désormais âgées de 31 et 33 ans, elles sont retenues avec eux depuis début 2019 dans les camps d'Al-Hol et de Roj (nord-est).

La Cour a conclu à la violation par Paris de l'article 3.2 du protocole 4 de la Convention européenne des droits de l'Homme, texte qui stipule que "nul ne peut être privé d'entrer sur le territoire de l'État dont il est le ressortissant".

La France "ne pouvait pas interdire l'accès des ressortissants français à (son) territoire (...) Il s'agissait là de décisions arbitraires" et Paris "doit réexaminer les demandes de rapatriement", s'est félicitée Me Dosé.

Elle rappelle que la France avait déjà été épinglée en février par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, qui a estimé qu'elle avait "violé les droits des enfants français détenus en Syrie en omettant de les rapatrier".

Me Dosé demande le rapatriement de toutes les femmes et enfants restants : "En trois opérations, c'est fait", estime-t-elle.

Pour autant, la CEDH n'a pas consacré avec cet arrêt un droit systématique au rapatriement des nationaux, notamment liés au jihadisme : "La Cour considère que les citoyens français retenus dans les camps du nord-est de la Syrie ne sont pas fondés à réclamer le bénéfice d'un droit général au rapatriement", précise la juridiction.

En revanche, elle peut avoir à le faire lors de "circonstances exceptionnelles", comme lorsque "l'intégrité physique" est en jeu ou qu'un enfant se trouve "dans une situation de grande vulnérabilité", comme c'est le cas dans le dossier présent.

Ailleurs en Europe, des pays comme l'Allemagne ou la Belgique ont déjà récupéré la plus grande partie de leurs jihadistes. De son côté, au grand dam des familles et des ONG, Paris a longtemps privilégié le "cas par cas".

Mais début juillet, la France a fait revenir 35 mineurs et 16 mères, premier rapatriement massif depuis la chute en 2019 du "califat" du groupe État islamique (EI). Jusqu'alors, seuls quelques enfants avaient été ramenés.

"On n'a pas attendu la décision de la CEDH pour avancer", a réagi le porte-parole du gouvernement français, Olivier Véran, après l'arrêt de la Cour.

Aujourd'hui, il reste une centaine de femmes et près de 250 enfants français dans des camps en Syrie.

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