Le compte personnel d'activité prend corps en janvier
Le compte personnel d'activité "sera le capital des salariés", expliquait François Hollande en annonçant sa création. La vocation du dispositif, qui n'a pas d'équivalent ailleurs, est de rattacher l'ensemble des droits sociaux à la personne, et non plus au statut, pour les transporter tout au long de sa vie professionnelle, comme un "sac à dos social". Avec pour finalité de sécuriser des parcours de moins en moins linéaires.
A compter de janvier, le CPA regroupera le compte pénibilité (C3P), le compte personnel de formation (CPF) - deux dispositifs existants - et un nouveau compte engagement citoyen (CEC). Chaque titulaire - tout actif à partir de 16 ans - pourra le consulter sur un portail numérique gratuit qui devrait être lancé le 10 janvier.
La loi Travail a enrichi le CPA de droits supplémentaires à la formation pour les personnes sans aucune qualification: leur plafond d'heures sera porté à 400 heures, au lieu de 150 pour les autres. Le compte engagement citoyen rapportera aussi 20 heures de formation supplémentaires aux responsables associatifs bénévoles, jeunes en service civique et maîtres d'apprentissage.
En intégrant le CPA à la loi El Khomri, l'exécutif l'avait présenté comme le volet sécurité d'une "flexisécurité" à la française, chère au chef de l'Etat: une flexibilisation du marché du travail en échange d'un renforcement des droits sociaux, sur le modèle danois.
Son entrée en vigueur marque "le début d'un renversement culturel dans la manière de protéger les actifs", affirme le ministère du Travail, alors que le Premier ministre Bernard Cazeneuve a souligné une "révolution de notre modèle social".
"C'est un dispositif universel qui transcende les statuts, un droit de la personne qui devient acteur de son parcours", poursuit-on chez Myriam El Khomri, en faisant valoir notamment que des services d'accompagnement à la création d'entreprise, à la mobilité ou un bilan de compétence viendront prochainement l'étoffer.
Pour la CFDT, c'est le "premier pas" d'un "événement qui fera date dans l'histoire du droit social", se félicite Véronique Descacq. La centrale de Laurent Berger réfléchit à de nouveaux droits pour enrichir le dispositif, comme le compte épargne-temps, ainsi qu'à la "fongibilité" de certains droits, c'est-à-dire la possibilité de les convertir entre eux.
Cette possibilité d'enrichissement figure dans la loi, qui prévoit une concertation entre partenaires sociaux. Mais tout est gelé sur ce front. "Il n'y a pas de volonté du patronat d'ouvrir des négociations", déplore Jean-Philippe Maréchal, de la CGT.
Braqué contre le compte pénibilité dénoncé comme "inapplicable", le patronat n'avait pas signé la position commune arrêtée en janvier 2016 avec les syndicats. Selon le responsable cégétiste, "il ne fera rien avant l'élection présidentielle", dans l'espoir que la nouvelle majorité aille dans son sens.
Du coup, le CPA déçoit par son manque d'ampleur, au point que le collectif Génération précaire parle de "peau de chagrin". "C'est une coquille vide", regrette aussi la CGT qui, bien que non signataire de la position commune, partage sur le fond les enjeux de la réforme dans l'optique de bâtir une "sécurité sociale professionnelle", et qui craint pour l'avenir du C3P et du CEC en cas de changement de majorité.
Beaucoup pensent pourtant que le CPA dépassera les échéances politiques. "L'embryon de la réforme est là, et elle s'imposera à tous", prédit Patrick Levy-Waitz, président de la fondation Travailler autrement, qui a planché sur la réforme.
"Même si demain, il ne s'appelle plus CPA, qu'une nouvelle majorité en retire le compte pénibilité, elle sera contrainte de revenir à cet enjeu majeur de société, celui de la protection d'une personne qui passe d'un statut à un autre et de la transition professionnelle. Parce que c'est une nécessité absolue", assure-t-il.
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