Loi Sapin II : vers le vote définitif de la loi anticorruption par le Parlement
Les députés, qui ont le dernier mot sur les sénateurs, se prononceront en fin d'après-midi sur ce dernier grand texte économique du quinquennat, qui porte le nom du ministre des Finances, en référence à une première loi anti-corruption qu'il portait en 1993.
Selon Michel Sapin, le nouveau projet de loi doit permettre à la France de "rattraper son retard" en la matière, alors qu'elle occupait en 2015 le 23e rang en terme de lutte contre la corruption, sur 104 pays notés, dans le dernier classement de l'ONG Transparency international. Loin derrière les pays d'Europe du Nord, mais aussi l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis.
Le projet de loi prévoit de nouvelles infractions pour punir les faits de corruption transnationale, la création d'une agence anticorruption, chargée de contrôler la mise en place de programmes dans les grandes entreprises, ainsi qu'un statut protecteur pour les lanceurs d'alerte, et encore un encadrement des représentants d'intérêts (lobbies) via un registre commun à l'exécutif et au législatif. Les nouveaux pouvoirs confiés à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dont le contrôle de ce registre, ont suscité des levées de boucliers parfois importantes ces derniers mois, y compris en coulisses.
Au fil des lectures du projet de loi depuis juin, les députés y ont notamment ajouté un premier jalon pour éviter les dérives des salaires des grands patrons, au travers d'un vote des actionnaires, et complété le volet agricole du texte, très attendu par la profession. Ils ont aussi réécrit les nouvelles règles controversées de qualification des artisans, qui avaient été proposées par l'ex-ministre Emmanuel Macron.
Les parlementaires ont en outre remis l'ouvrage sur le métier pour définir un dispositif alternatif à la transaction pénale pour les entreprises mises en cause dans les affaires de corruption, adaptation du "plaider coupable" américain. Cet arsenal va s'inscrire "dans le patrimoine de la gauche", vante le rapporteur à l'Assemblée Sébastien Denaja (PS), qui y voit "l'esprit du Bourget", du nom du discours de campagne de François Hollande en 2012, où il avait désigné comme son "véritable adversaire (...) le monde de la finance".
Les mesures complètent un édifice construit depuis 2012, de la loi renforçant la lutte contre la fraude fiscale à la loi sur la transparence de la vie publique post-affaire Cahuzac. Unie autour de ces marqueurs de gauche, après les déchirements de la loi Travail et avant la présidentielle, la majorité soutient le nouveau texte.
Pour leur part, les élus LR vont voter contre un projet "pavé de bonnes intentions", imposant de "nouvelles obligations" aux entreprises et nuisant à "l'attractivité économique du pays", au travers d'un reporting financier public imposé aux multinationales, cher aux ONG. Ils défendront jusqu'au bout une salve d'amendements.
Les élus Front de gauche et UDI préfèrent l'abstention, pour des raisons de fond différentes, face à "des avancées" mais aussi un "manque d'ambition". La droite a fait prévaloir ses vues au Sénat, où elle détient la majorité, en rejetant le registre commun des lobbyistes qu'elle juge possiblement "inconstitutionnel", et en restreignant la définition des lanceurs d'alerte au motif de mieux éviter de possibles abus. Pour d'autres, quelques ONG et jusqu'à certains à gauche, le régime protégeant les lanceurs d'alerte, à l'instar d'Antoine Deltour à l'origine du scandale LuxLeaks, reste insuffisant.
Dernier point litigieux en date: l'alerte sanitaire et environnementale, fondue dans le dispositif global prévu par Sapin II alors qu'elle faisait l'objet d'un traitement particulier issu d'une loi de 2013. "Nous ferons tout pour réparer cette difficulté" ultérieurement, ont promis les responsables socialistes du texte Sébastien Denaja et Sandrine Mazetier mardi en commission.
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