Macron vient-il de déclarer la guerre à Google et Facebook ?

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Pierre Plottu
Publié le 04 janvier 2018 - 16:28
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Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 28 août 2017
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© ludovic MARIN / AFP
Emmanuel Macron a estimé que "l'organisation contemporaine des médias (...) survalorise la part (dans la valeur ajoutée) de la diffusion" au détriment des créateurs de contenu.
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Emmanuel Macron a fait du financement des médias un des enjeux principaux de ses vœux à la presse, mercredi. Dans son viseur: la captation de la valeur ajoutée par ceux qui "diffusent" au détriment de ceux qui "créent" les contenus d'information. Une déclaration de guerre à Facebook et Google?

Les vœux à la presse d'Emmanuel Macron (à revoir intégralement ici), mercredi 3, ont été largement commentés. L'annonce d'un texte de loi pour lutter contre les Fake News notamment a retenu l'attention, pour son but affiché de "protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles" et des attaques des "démocraties illibérales". Si la dénonciation par le président, à peine voilée, de l'ingérence russe est lourde de sens, d'autres points de son discours méritent attention.

Entre la nécessaire, selon le chef de l'Etat, distance entre le pouvoir et les médias ou encore le projet de loi sur l'audiovisuel public, Emmanuel Macron a largement évoqué la question du financement du journalisme. Il l'a érigée, sans doute à raison, au rang de pilier de l'indépendance des rédactions et donc une garantie de la "plus haute expression de la liberté" qui est celle de la presse. Et de présenter aussi cette question du financement comme un outil pour lutter contre "le relativisme absolu" des contenus, le fait que tous soient placés au même niveau, alors que, a-t-il clamé, "toutes les paroles ne se valent pas".

Lire aussi: Macron annonce une loi contre les "Fake News"

"Il est indispensable que l'Europe porte un modèle économique viable pour le pluralisme et la presse", a ainsi asséné Emmanuel Macron. Dressant le constat, bien connu, de la mutation profonde que connaissent les médias depuis plusieurs années, le chef de l'Etat a axé sa réflexion sur la question de la répartition de la valeur ajoutée.

Celle-ci doit ainsi à l'avenir "récompenser celles et ceux qui créent, qui vérifient l'information, qui construisent un éditorial, qui ont une lecture de l'actualité (...) là où l'organisation contemporaine (...) survalorise la part de la diffusion, et donc d'autres acteurs industriels".

L'allusion à Google et Facebook, principalement mais pas uniquement, est transparente. Les deux géants de l'Internet ont ainsi trusté à eux deux 68% du marché publicitaire en France (92% sur mobile!) qui représentait près de 3,5 milliards d'euros en 2016, selon une étude PwC pour le Syndicat des régies internet (source). Le tout en utilisant notamment les contenus créés par les médias.

"Il nous reviendra, au niveau national et européen, durant l'année 2018, d'aborder ce sujet qui a une dimension fiscale, économique, culturelle mais qui est aussi un indispensable chantier si nous voulons préserver le pluralisme et récompenser celles et ceux qui produisent, font œuvre de vérification ou d'invention", a ainsi avancé Emmanuel Macron. Ce qui laisse entrevoir sa volonté de faire évoluer la législation européenne sur le sujet.

Une annonce qui n'est pas en soi nouvelle. Fin 2012, la profession réclamait déjà une loi pour le paiement de "droits voisins" pour l'utilisation de ses contenus et François Hollande avait tenté de mettre la pression sur Eric Schmidt, président exécutif de Google. Résultat des courses, la signature d'un accord pour la création d'un fonds d'aide à la transition numérique pour la presse à hauteur de... 60 millions d'euros. Soit moins de 2% du marché publicitaire. A l'époque, la France avait échoué à faire plier Google, y arrivera-t-elle plus en 2018?

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