Mort de François Chérèque : "dans tous les pays où le syndicalisme est fort, il est réformiste", disait-il à "FranceSoir" en 2014

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Propos recueillis par Pierre Plottu
Publié le 28 octobre 2014 - 15:38
Mis à jour le 02 janvier 2017 - 18:15
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François Chérèque, secrétaire général CFDT de 2002 à 2012
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©Jacky Naegelen/Reuters
François Chérèque a dirigé la CFDT de 2002 à 2012.
©Jacky Naegelen/Reuters
François Chérèque, dont on a appris la mort ce lundi, restera comme l'une des grandes figures du syndicalisme réformiste en France. Fin 2014, à l'occasion des 50 ans de l'organisation, celui qui a dirigé la CFDT durant 10 ans (2002-2012) revenait sur sa vision de la lutte portée par sa centrale pour "FranceSoir". "C’est parce qu’il amène des résultats que le syndicalisme réformiste est choisi par les salariés", estimait-il.

[Cet article a été intialement publié sur notre site fin novembre 2014. A l'occasion de la mort de François Chérèque, ce lundi 2, FranceSoir republie cette interview où celui qui a dirigé la CFDT durant dix ans explique sa vision du syndicalisme réformiste et analyse la faiblesse des centrales nationales. "En Europe du Nord, par exemple, le taux de syndicalisation est élevé car les syndicats y ont le pouvoir, par la négociation, de changer la réalité de la situation des salariés", expliquait-il notamment.]

 

Depuis que le syndicalisme "réformiste" est apparu en France, il est opposé au syndicalisme dit "révolutionnaire". Mais sont-ils si différents?

"D’un côté il y a un syndicalisme qui voulait, à ses origines, changer le monde par la révolution. De l’autre, le syndicalisme réformiste a toujours préféré changer les choses par la négociation et la participation des acteurs. Aujourd’hui, les réformistes sont restés sur la même ligne, tandis que ceux dits +révolutionnaires+ attendent désormais le changement par la loi et le pouvoir politique. C’est une différence fondamentale, mais qui est franco-française. Car on parle souvent de la faiblesse du syndicalisme français mais on ne dit pas assez que dans tous les pays où le syndicalisme est fort, il est réformiste. En Europe du Nord, par exemple, le taux de syndicalisation est élevé car les syndicats y ont le pouvoir, par la négociation, de changer la réalité de la situation des salariés. En France, tout passe par la loi, ce qui ne donne qu’un rôle secondaire aux syndicats".

 

Le syndicalisme réformiste est donc selon vous le plus légitime?

"Le plus légitime est celui qui l’est par le vote des salariés. En France, le tournant de la réforme de la représentativité, soutenue par la CFDT que je représentais et la CGT de Bernard Thibault, est historique, on s’en rendra compte dans dix ans. Et la grande surprise du résultat des élections professionnelles qui en ont découlé, c’est que ce sont les syndicats réformistes qui sont majoritaires, dans le privé. Quand on sait que, sur le terrain, la CFDT est celle des grandes confédérations –CFDT, CGT, FO– qui signe le plus d’accords d’entreprise, ça montre que c’est parce qu’il amène des résultats que le syndicalisme réformiste est choisi par les salariés".

 

Vous avez dirigé la CFDT durant 10 ans, de 2002 à 2012. Quel est votre meilleur souvenir des ces années?

"Il y en a beaucoup… Au départ, ça n’a pas été facile, avec la contestation de la réforme des retraites (en 2003, la CFDT a soutenu la réforme voulue par le ministre du Travail François Fillon, NDLR). Mais mon meilleur souvenir c’est le congrès de Tour, en 2010, où on a décidé, après des débats internes très forts, très contradictoires, de soutenir une future réforme d’allongement de la durée de cotisation en échange de la prise en compte de la pénibilité, des carrières longues, etc. C'est-à-dire que, sept ans après cette fameuse réforme de 2003, les militants ont approuvé cette démarche et se sont même engagés à aller vers cela, c’est une évolution qui prouve leur pragmatisme et leur courage. Ça a été un moment très personnel et très fort, une reconnaissance importante de ce qu’on avait fait".

 

Et votre pire souvenir?

"C’est de voir des militants pleurer après cette réforme de 2003. Même si je pensais que j’avais raison, et dix ans après plus personne ne me donne tort, ça a été très dur. Décevoir des militants c’est toujours très désagréable".

 

Quels sont selon vous les grands défis qui attendent les centrales syndicales dans les années à venir?

"Ce seront les défis de la société française: adapter, par le dialogue social bien sûr, le fonctionnement de nos entreprises à la donne de la mondialisation et au développement durable. Quand je dis mondialisation, je veux parler du fait que la France n’est pas fermée sur elle-même, que nous sommes dans un monde où tout se développe vers l’extérieur. Pour le développement durable, je parle du changement des modes de production et de consommation. Ce sont les deux grands défis qui attendent le syndicalisme et la société française dans les années à venir".

 

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