Réforme de la justice des mineurs : un "mépris scandaleux du processus législatif"

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VL
Publié le 22 novembre 2018 - 18:08
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La ministre de la Justice Nicole Belloubet, le 14 novembre 2018 à Paris
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© ludovic MARIN / AFP/Archives
Le Syndicat de la magistrature dénonce l'"atteinte au processus législatif" que représente une réforme "par ordonnances" de la justice des mineurs.
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Nicole Belloubet a déclaré ce jeudi vouloir réformer "par ordonnances" la justice des mineurs. La position inquiète le Syndicat de la magistrature qui craint que le répressif soit privilégié. Déjà, il dénonce un choix qui exclue le débat pour une réforme importante mais bien moins urgente que les moyens accordés aux acteurs de cette justice.

Nicole Belloubet a annoncé ce jeudi 22 que "le gouvernement sollicitera du Parlement, dans le cadre de la loi pour la réforme de la justice, une habilitation à réformer l'ordonnance de 1945 par la création d'un code de justice pénale des mineurs".

Une annonce qui inquiète sur le fond et scandalise sur la forme au Syndicat de la magistrature. Celui-ci défend de longue date une réforme profonde de cette ordonnance, mais pour privilégier son esprit initial à savoir: "que l'enfant et l'adolescent sont des êtres en construction et pas des adultes miniatures, s'intéresser à leur situation globale, privilégier les mesures éducatives, et qu'il s'agit d'une justice spécialisée", rappelle à France-Soir Anaïs Vrain, juge pour enfants et Secrétaire nationale du syndicat.

Voir: Mineurs: Belloubet ajoute la réforme de l'ordonnance de 1945 au menu du projet de loi Justice

La garde des Sceaux n'a pour l'instant pas donné de cap précis entre l'éducatif et le répressif, parlant de "prendre des mesures adaptées à chaque profil de jeune délinquant, sans angélisme ni démagogie". "On ne sait pas ce qui va en ressortir", explique Anaïs Vrain, mais "vu l'esprit de la réforme de la justice (actuellement discutée au Parlement, NDLR) qui va vers plus de fermé, on craint que ça aille dans ce sens".

Le fond reste donc à préciser, mais le Syndicat de la magistrature s'offusque déjà de la forme, une réforme "par ordonnances" qui écarte les débats au Parlement. Un "mépris scandaleux du processus législatif" pour la magistrate. Le processus est souvent décrié, et Anaïs Vrain met en avant l'absence de justification. "Il n'y a pas d'urgence à réformer la justice des mineurs dans ces conditions-là. La justice des mineurs fonctionne, mais pas assez bien pour des questions de moyens".

Le choix lui paraît d'autant plus surprenant que les syndicats avaient échangé sur une éventuelle réforme avec la ministre l'année dernière: "On nous avait dit «non», «peut-être», parlé du projet qui est dans cartons depuis 2015 (celui de Christiane Taubira qui n'a jamais vu le jour, NDLR)". Et d'ajouter que des missions de réflexion sont encore en cours dans les deux chambres et que l'annonce intervient subittement après plusieurs jours de débat. Elle étonne donc. "La justice des mineurs revient sur la table à chaque élection" observe la magistrate. "Est-ce qu'il s'agit de profiter du débat public pour faire passer la réforme? Nous n'avons aucune idée de ce que prépare Nicole Belloubet, mais rien ne justifie une telle atteinte au processus législatif".

Elle rappelle également que contrairement à ce que certains affirment, l'ordonnance de 1945 n'est ni intouchable ni laxiste. "Il y a eu de nombreuses évolutions ces 20 dernières années, tendant globalement à renforcer la possibilité de placer les mineurs en détention".

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