Révision de la Constitution - Majorité, référendum, Congrès : comment Macron peut-il réformer les institutions

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction
Publié le 09 octobre 2017 - 18:30
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Emmanuel Macron devant le congrès à Versailles, le 3 juillet 2017
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© Martin BUREAU / AFP
Emmanuel Macron pourrait recourir au référendum ou à la modification de lois organiques pour réformer les institutions.
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Les élections sénatoriales ont privé Emmanuel Macron d'une majorité dans les deux chambres. Un écueil pour réformer la Constitution, et notamment les institutions comme il l'avait promis dès les premiers jours de son mandat. Le président de la République pourrait cependant utiliser d'autres méthodes, parfois plus risquées ou critiquées, pour mener ces réformes, analyse en partenariat avec "France-Soir" Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon.

Le Président de la République a obtenu en juin 2017 à l’Assemblée nationale une majorité parlementaire assez nette.

Les élections sénatoriales du 24 septembre, qui ont renouvelé les sénateurs par moitié, étaient très observées car de leurs résultats dépendaient la marge de manœuvre du président pour engager la réforme qu’il souhaite de certaines dispositions de la Constitution. De fait la droite sénatoriale a gagné des sièges et est sortie renforcée de ce scrutin.

Devant le Congrès réunissant à Versailles les députés et sénateurs, en juillet dernier, Emmanuel Macron avait annoncé au Parlement son intention de modifier les institutions sur de nombreux points. Certains imposent une révision de la Constitution notamment la réforme du Conseil économique, social et environnemental, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, la suppression de la Cour de justice de la République, et la suppression du droit accordé aux anciens présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel.

Ces projets de réforme sont assez techniques et ne sont pas les plus emblématiques de sa volonté déclarée de rénover la vie politique.

La révision de la Constitution doit en principe se faire en application de l’article 89 de la Constitution qui se trouve au titre 16 sous le chapitre "de la révision".

L’article 89 précise que la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. Il prévoit également qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. En outre, l’article 7 écarte la possibilité de recourir à la procédure de révision prévue par l’article 89 en cas de vacance de la présidence de la République. Le droit d’initiative en matière de révision constitutionnelle est donc l’un des pouvoirs qu’un président de la République par intérim ne peut exercer.

L’article 89 suppose d’abord que la réforme soit adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat. L’opposition de l’une des deux assemblées suffit, en effet, à empêcher la révision d’aboutir. En la matière le Sénat peut donc complétement bloquer la révision de la Constitution puisque ses pouvoirs sont égaux à ceux de l’Assemblée nationale.

Si une majorité simple est peut être possible dans ces deux assemblées, la difficulté se pose ensuite dans la deuxième phase pour atteindre la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Parlement, réuni en Congrès, qui comprend l’ensemble des députés et des sénateurs.

Le président de la République peut néanmoins décider, après l’adoption en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, de ne pas réunir le Congrès et demander directement aux Français de se prononcer par référendum.

C’est la solution qui a été choisie en 2000 par Jacques Chirac pour la réduction à cinq ans, au lieu de sept, du mandat du président de la République. L’Assemblée et le Sénat avaient approuvé la réforme mais le président préféra la voie du référendum plutôt que celle du Congrès. Cette décision reste isolée car depuis 1958 c’est le Parlement qui a été réuni à vingt-deux reprises pour adopter définitivement, sur le fondement de l’article 89, une réforme constitutionnelle à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés. 

Si cette majorité simple dans les deux assemblées, puis qualifiée devant le Congrès, est inatteignable, le chef de l’Etat pourrait décider de contourner l’obstacle du Parlement et de soumettre directement ces réformes de la Constitution aux Français par la voie du référendum, en application de l’article 11 de la Constitution.

Il dispose que "le président de la République, (…) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent (…)".

Le général de Gaulle, en 1962, prit appui sur l’article 11 pour soumettre aux Français par référendum l’élection présidentielle au suffrage universel, car il ne disposait pas d’une majorité lui permettant d’engager la révision de la Constitution dans les conditions de l’article 89.

Ce choix du président fut très controversé à l’époque, contesté par les spécialistes du droit constitutionnel, et entraîna le vote d’une motion de censure par l’Assemblée nationale qui fit chuter le gouvernement du Premier ministre Georges Pompidou.

C’est de nouveau sur le fondement de l’article 11 que le président de la République, en 1969, proposa au référendum la réforme du Sénat et la régionalisation, lequel se solda par un vote négatif et la démission immédiate du Général de Gaulle de son mandat présidentiel.

Depuis lors cette pratique juridique controversée d’utiliser l’article 11 pour réviser la Constitution n’a plus été choisie depuis l’échec de ce référendum en 1969.

Le président de la République Emmanuel Macron a également proposé des réformes emblématiques, qui portent sur les deux assemblées. Elles ne nécessitent par le processus lourd de la révision constitutionnelle. En effet le vote de ces modifications peut se faire par une loi ordinaire ou organique. 

Il en serait ainsi de la réduction du nombre de mandats dans le temps pour les parlementaires, la diminution du tiers du nombre de députés et de sénateurs, et l’introduction d’une dose de proportionnelle pour la désignation des députés à l’Assemblée nationale.

En effet le mode de scrutin des assemblées n’est pas inscrit dans la Constitution, ni la durée des mandats dans le temps. L’article 24 de la Constitution fixe seulement un nombre maximal de députés et de sénateurs, et seule leur augmentation nécessiterait une révision de la Constitution pour prévoir un nombre supérieur, mais à l’inverse pas leur réduction.

Ces réformes portant sur les élus, qui ont une forte visibilité pour les citoyens, du fait qu’elles ne nécessitent pas de révision ni de référendum, seraient donc plus facile à faire adopter par le Parlement.

Textes de référence:

Article 89 de la Constitution de 1958: "L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision". 

Article 24 extraits: " Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.
Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République".

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