Transparence : ces députés qui achètent de l'immobilier avec leur indemnité de frais de mandat

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Pierre Plottu
Publié le 27 janvier 2015 - 13:08
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L'Assemblée nationale remplie.
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©Gonzalo Fuentes/Reuters
L'IRFM est une indemnité de près de 6.000 euros par mois dont les députés n'ont pas à justifier l'utilisation.
©Gonzalo Fuentes/Reuters
Un rapport de l'association Pour une démocratie directe, remis ce mardi, dénonce l'utilisation abusive par certains députés de leur indemnité de frais de mandat de 5.700 euros mensuels. Ils pourraient être jusqu'à 150 à l'avoir utilisée pour se constituer un patrimoine immobilier.

La pratique n'est pas illégale, mais elle provoque néanmoins un certain malaise. Selon un rapport publié ce mardi par l'association Pour une démocratie directe, un certain nombre de députés utiliseraient leur IRFM, une indemnité de 5.770 euros par mois sensée couvrir les frais liés à l'exercice de leur mandat, pour acquérir leur permanence parlementaire. Les élus se constitueraient ainsi un patrimoine immobilier grâce à de l'argent public.

Là où le bât blesse, c'est que même après leur mandat ces députés conservent le bien en question. "Qu'un député possède une permanence, ça ne pose aucun problème. Le problème, c'est s'il se l'achète et se la rembourse à lui-même en piochant dans l'argent public. En faisant ça, il use de son mandat à des fins d'enrichissement personnel", explique le fondateur de l'association Hervé Lebreton.

Même son de cloche de la part du déontologue de l'Assemblée nationale, Ferdinand Mélin-Soucramanien: "le mandat électif est limité dans le temps, pas le patrimoine immobilier (…) il est préférable, à moins que la situation de l'immobilier ne le permette pas, de recourir à la location". La question de l'éthique d'une telle utilisation d'une indemnité normalement prévue pour couvrir les frais professionnels des députés (déplacements, frais de représentation…) se pose donc.

D'autant que, selon un article très détaillé de FranceTV Info, cette pratique est loin d'être rare. Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), Jean-Jacques Urvoas (PS), François Sauvadet (UDI)… ils seraient nombreux à avoir acquis leur permanence parlementaire dans des conditions "parfois floues". RTL avance même que ce sont pas moins de 150 députés, sans préciser s'il s'agit d'élus en activité ou non, qui y auraient eu recours.

Sans compter que certains utilisent bien leur IRFM pour louer leur permanence parlementaire, mais à une SCI détenue par… eux-mêmes ou des proches.

Au sein même de l'Assemblée nationale, la question divise. "On n'a pas à se constituer un patrimoine avec l'argent public", dénonce ainsi le député du Nord Gérald Darmanin (UMP), qui a payé sa permanence "avec ses deniers personnels". Beaucoup insistent sur la nécessité de ne pas mélanger vie privée et vie publique.

D'autres, eux-aussi nombreux semble-t-il, estiment qu'ils n'ont pas de comptes à rendre sur l'utilisation de cette indemnité par ailleurs discrétionnaire. Voire même dénoncent une chasse aux sorcières, comme le député de Charente Jérôme Lambert. "Je circule beaucoup à moto. C'est un instrument de travail puisque je circule avec. On pourrait dire que ce n'est pas normal puisqu'une fois que je l'aurais payée avec mon IRFM, j'en serais le propriétaire. On peut aller loin là-dedans", assure-t-il. Difficile pourtant de comparer un bien qui se déprécie rapidement, une moto, avec de l'immobilier, qui bien souvent prend de la valeur. De là à parler de mauvaise foi…

Pour autant, difficile d'y voir une volonté de détournement de fonds de la part des élus. La réglementation est ainsi très floue sur les limites de l'usage de l'IRFM. Interrogé par FranceTV Info, le député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle (MoDem) assume avoir utilisé cette indemnité pour acheter sa permanence, il y a plus de 10 ans. "Au moment où je l’ai fait, ce n’était pas une question sensible comme aujourd’hui, je n’ai jamais eu l’impression de commettre une mauvaise action. C'était répandu (...) et les collègues à qui je demandais le meilleur moyen de procéder m'encourageaient même à le faire", explique-t-il. Reste à savoir si l'Assemblée nationale s'emparera du sujet pour légiférer.

 

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